« Vos papiers, s’il vous plaît ! » Récemment, je fus interpellé ainsi dans le métro par une escouade de CRS et de soldats. Mon premier réflexe fut de répondre que je n’avais pas le temps, que j’avais une homélie à préparer, mais comme ils étaient fort aimables et bien armés, j’ai jugé préférable de leur présenter fièrement mes papiers, conscient de l’honneur que l’on me faisait de participer ainsi à la défense de mon pays contre le terrorisme. Cela m’a rappelé un livre célèbre : « Jésus dans le métro » et j’ai imaginé le Seigneur devant, lui aussi, décliner son identité. A en croire les lectures de ce jour, le Seigneur devait s’appeler quelque chose comme Yeshoua Immanuel, ben Joseph. Voici les trois noms du Sauveur : Jésus, Emmanuel, Fils de Joseph.

Notre Seigneur s’appelle d’abord Yeshouah, Jésus, ce qui signifie en hébreu : « Dieu sauve ». Mais ce prénom ne suffit pas à dire qui est notre Seigneur, car il y a plusieurs manières de sauver. On peut sauver quelqu’un en lançant, depuis le parapet, une bouée de sauvetage ou bien en se jetant à l’eau. Jésus lui, pour nous sauver, s’est mouillé, si j’ose dire. Et c’est pourquoi il porte un deuxième prénom Emmanuel : « Dieu avec Nous ». Il ne nous a pas sauvés du bout des doigts ou du bout des lèvres. Il est entré en pleine pâte humaine, il est venu au contact, il a partagé notre condition. Il n’est pas Dieu au-dessus de nous ou devant nous, mais bien « Dieu avec nous ». Mais attention, inversement, le Seigneur n’est pas venu nous rejoindre sur terre simplement pour faire du tourisme, pour être compagnon d’humanité et cautionner notre vie satisfaite. Il est bien Dieu avec nous, certes, Emmanuel, mais il est aussi Jésus, Dieu qui sauve, en nous arrachant à notre vie pécheresse, en barrant de sa croix nos fausses routes et nos impasses.

Jésus / Emmanuel. Il ne faut pas choisir un prénom plutôt que l’autre, il faut les tenir tous les deux ensemble. Tenez, en allant nous confesser avant Noël, nous allons faire jouer les deux prénoms du Seigneur.

En demandant le pardon de nos péchés nous invoquerons Jésus, le Dieu qui sauve en pardonnant. Mais en venant pour ce faire, trouver un prêtre au confessionnal, nous allons invoquer l’Emmanuel, le Dieu avec nous, qui ne veut pas court-circuiter les médiations humaines, mais qui, bien au contraire, poursuivant la logique de l’Incarnation, ne veut agir qu’à travers le contact, le corps à corps sacramentel.

Aux yeux des gens et au regard de la loi, Jésus-Emmanuel était ben Joseph, le fils de Joseph, le charpentier. Ce Joseph, nous dit l’évangile, était un homme juste. Pourtant la justice stricto sensu eût consisté à livrer Marie à la lapidation, c’était la loi, la Torah, pure et simple. Mais ce qui est légal n’est pas toujours moral.

De nos jours, la situation embarrassante de grossesse non voulue et planifiée, aurait été prestement réglée de manière tout aussi expéditive par des moyens absolument légaux, mais parfaitement iniques et immoraux. On aurait simplement supprimé l’enfant mal venu, l’enfant incommode n’entrant pas dans un projet parental. Hélas !

Dieu merci, Joseph, l’homme juste, ne veut faire mourir, ni la mère, ni l’enfant. Il est déjà réellement l’époux de la Vierge Marie, même si, selon la coutume, ils ne vivaient pas encore sous le même toit. Un peu comme notre âme est déjà indéfectiblement unie à Dieu et pourtant, n’habite pas encore la gloire de son céleste époux.

Pourquoi Joseph avait-il décidé de répudier Marie ? On peut supposer que c’est l’humilité qui explique son comportement. Pressentant un mystère qui le dépasse, il se juge indigne d’approcher cette jeune fille plus pure que les anges et que le ciel semble s’être réservée pour soi seul. Mais la seule indignité, à vrai dire, est de ne pas obtempérer à l’ordre divin. Aussi, Joseph, note laconiquement l’évangile, « fit ce que l’ange lui avait prescrit ». A partir de ce jour-là, il prit chez lui son épouse et l’enfant qu’elle portait, et les voici tous trois dans la demeure du charpentier.

Quel instant de grâce ! Dans quelques jours bien sûr ce sera Noël, la naissance du Sauveur, mais aujourd’hui, mystère bouleversant, c’est la naissance de la Sainte Famille : pour la première fois Jésus, Marie et Joseph sont réunis sous le même toit. Béni soit Dieu pour les familles humaines !

Références bibliques : Is 7, 10-16 ; Ps. 23 ; 1 Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24

Référence des chants :

 

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