Aujourd’hui, frères et sœurs, nous célébrons le Corps et le Sang du Christ, sa vie offerte pour nous, sa présence parmi nous. Un arrêt sur image, en quelque sorte, puisque c’est ce que nous faisons déjà à chaque messe. Peut-être est-ce l’occasion d’élargir notre regard ! Oui, il est grand le mystère de la foi, mais il ne se réduit pas à quelques gestes liturgiques. Les lectures d’aujourd’hui nous mènent beaucoup plus loin.

« L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », nous dit la première. Nous est ainsi rappelé un élément essentiel de toute messe : l’écoute de la Parole de Dieu, première partie de la célébration. Jésus n’est pas muet. Il est aussi présent dans l’Écriture sainte proclamée et commentée. « Dieu vous a fait ressentir la faim », dit Moïse à son peuple errant dans le désert, « pour vous faire découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain… » Comment cela résonne-t-il au cœur de cette société de surabondance – pas pour tous, il est vrai – ? Le jeûne, dans toutes les religions, est le signe que le croyant se donne pour se rappeler qu’il n’y a pas que les satisfactions du boire et du manger, qu’il y a une autre faim qui le taraude. Il leur faudrait une bonne guerre, entend-on parfois. Dieu nous en préserve ! Mais comment, dans notre société d’hyperconsommation, comprendrons-nous que le sens de la vie se joue ailleurs ? Nous avons l’illusion d’être comblés alors qu’il nous manque peut-être l’essentiel…

« Puisque vous partagez un même pain et buvez à une même coupe, vous êtes tous un seul corps ! », proclame saint Paul. Et pas n’importe lequel, celui du Christ. Communier au Christ, c’est faire corps entre nous, c’est faire Église. Le pain que nous partageons nourrit le corps que nous sommes. Et seul l’amour peut nous faire vivre : « C’est à cet amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra pour mes disciples » (Jean 13, 35). Saint Augustin, en donnant la communion, disait : « Devenez ce que vous recevez, le corps du Christ. » Et il commentait : « Tu entends "Le corps du Christ" et tu réponds :"Amen". Sois un membre du corps du Christ, afin que ton "amen" soit vrai. » Quel est donc notre souci de l’Église, quelle est notre attention pour la communauté ?

Quant à l’Évangile, il nous centre sur la personne du Christ elle-même : « Moi, je suis le pain vivant. » Ce n’est pas un tour de passe-passe. Si Jésus peut nous nourrir de ce pain, c’est parce qu’il s’est donné lui-même : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » Attention ! La chair, cela ne veut pas dire une partie de lui-même. Je vous donne mon corps et je garde mon âme. En hébreu, la chair, c’est l’homme tout entier. Quand Jésus dit : ceci est mon corps, il veut dire : c’est moi-même. Il ne garde rien. Le lendemain, sur la croix, en effet, tout sera donné…

La Parole, la communauté, le pain. Mais la tradition chrétienne nous rappelle que Christ nous attend encore dans les plus pauvres, un quatrième mode de présence. « Ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40), nous dit-il. Lors du congrès eucharistique de Philadelphie (1968), le père Pedro Arrupe, l’ancien supérieur général des Jésuites, a eu une image impressionnante. Imaginons, disait-il, que ceux qui vont mourir de faim aujourd’hui soient ici avec nous ce matin. Essayons de les entendre nous implorer, avec leurs mains tendues : « Donnez-nous du pain… Donnez-nous du pain, car nous mourons de faim! » Et si, ajoutait-il, « à la fin de nos discussions sur l’Eucharistie, il nous fallait nous frayer un chemin à travers cette masse de corps moribonds, comment pourrions-nous prétendre que notre Eucharistie est le Pain de vie? » Que répondre ? Mère Teresa raconte qu’un jour, elle alla porter un peu de riz à une famille hindoue affamée. La maman partagea aussitôt le tas en deux et alla en déposer une moitié chez les voisins, des musulmans. « Qu’est-ce qu’il va vous rester ? », demanda la religieuse. « Mais eux n’avaient pas à manger non plus ! », répondit la maman.

Oui, frères et sœurs, célébrer le corps et le sang du Christ, ce n’est pas une mince affaire… Quelle exigence ! Mais aussi quelle grâce : le Christ se donne lui-même à nous, sans aucun mérite de notre part. Simplement parce qu’il nous appelle ses amis et qu’il veut que nous vivions. Nous savons en qui nous avons notre demeure, en ce Jésus qui a donné sa vie pour nous. Puissions-nous y gouter la paix ! Pour la vie éternelle. Amen.

Références bibliques : Dt 8, 2-3.14b-16a ; Ps. 147 ; 1 Co 10, 16-17 ; Jn 6, 51-58

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