Les chrétiens connaissent tous le nom de saint François-Xavier. Saint François-Xavier, le premier missionnaire venu annoncer l’Évangile au Japon. Arrivé en 1549, dès l’année suivante, saint François-Xavier avait déjà baptisé une centaine de Japonais pendant son séjour à Hirado, au nord de notre diocèse actuel. Puis, très rapidement, grâce à la prédication de pères jésuites et d’autres missionnaires venus en renfort, un mouvement de conversion se développa à Nagasaki même et dans d’autres régions du Japon. Le pouvoir politique s’inquiéta bientôt de cette expansion du christianisme et, en 1614, le shôgun Tokugawa, parvenu à unifier le pays sous sa direction, décréta l’interdiction de la foi chrétienne. On dit qu’à l’époque les catholiques japonais étaient environ cinq cent mille, c’est à dire autant que de nos jours. Les persécutions firent des milliers de martyrs dont plusieurs ont été déclarés bienheureux ou canonisés, comme saint Paul Miki et ses compagnons, (exécutés à Nagasaki en 1597,) saint Thomas Nishi et ses compagnons, ou encore Pierre Kibé et ses 187 compagnons, béatifiés ici même à Nagasaki au mois de novembre dernier.

La persécution cependant ne parvint pas à anéantir l’Église de Jésus Christ. Alors qu’ailleurs au Japon les communautés chrétiennes disparurent peu à peu au fil des ans, dans la région de Nagasaki elles réussirent à survivre. En l’absence de prêtres et dans l’impossibilité de révéler leur identité, les chrétiens s’organisèrent pour vivre leur foi dans la clandestinité. Restés fidèles à la pratique de la prière, et en particulier au culte de la Sainte Vierge, ils administraient le baptême à leurs enfants et se donnaient aux œuvres de charité. Cette vie, en Église souterraine pour ainsi dire, a continué pendant près de 25O ans. C’est seulement en 1865 que quelques uns des descendants de ces chrétiens cachés purent rencontrer un prêtre. Le père Petitjean, des Missions Étrangères de Paris, profitant des accords passés entre le Japon et la France en 1859, avait pu construire une église à Oura et c’est dans cette église que vinrent le trouver les chrétiens. On put croire alors à une résurrection de l’Église visible, mais une terrible persécution s’abattit à nouveau sur les chrétiens dans toute la région. En particulier tous les paroissiens de Urakami, l’église où nous sommes aujourd’hui, 3500 environ, furent déportés dans d’autres régions du Japon et beaucoup furent martyrisés. Après 1873, l’édit de persécution ayant été révoqué, ceux qui purent revenir à Urakami avaient perdu tous leurs biens. Ils durent repartir de rien. Ils mirent trente ans pour reconstruire leur église, laquelle église, vingt ans plus tard, a été détruite par la bombe atomique.

On peut dire que le sol de Nagasaki a été fécondé par le sang des martyrs, par la foi de nombreux chrétiens fervents, et par la tragédie de la bombe atomique. Les chrétiens de Nagasaki ont vécu à travers ces épreuves le mystère pascal, le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus. Ils ont été associés aux souffrances du Serviteur souffrant et à la mort rédemptrice du Christ qui a apporté le salut aux hommes.

Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, les croyants jouissent de la liberté de religion qui est reconnue par la Constitution. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de problèmes à affronter.
Aujourd’hui pour faire face aux difficultés que nous connaissons, et pour rendre témoignage à l’Évangile par nos paroles et par nos actes, il faut avoir en mémoire les raisons pour lesquelles les gouvernements ont, dans le passé, persécuté si cruellement les chrétiens. (Il faut nous souvenir aussi de l’attitude qu’ont eue ces derniers.) D’abord les gouvernants ne voyaient pas l’utilité du christianisme, le bouddhisme, le shintoïsme et le confucianisme devant, selon eux, suffire aux besoins du peuple. Ensuite, l’Évangile montre clairement que tous, hommes et femmes, sont égaux devant Dieu. Revendication d’égalité inadmissible dans la société hiérarchisée du régime féodal où tous les pouvoirs sont détenus par le shôgun. Enfin, les missionnaires et les chrétiens prenaient soin des malades, des pauvres, des opprimés et des marginaux de toute sorte, catégorie de gens qu’on craignait de voir se révolter contre le gouvernement. Le christianisme était donc une religion dangereuse, une religion perverse.

Face aux prétentions du pouvoir politique, nos devanciers ont su rester fermes dans la foi, la foi en l’existence de Dieu qui veut sauver tous ceux qui se confient à lui dans l’amour, la foi en Jésus Christ ressuscité qui ouvre la voie du vrai bonheur. Un grand nombre parmi nos ancêtres ont donné leur vie en témoignage de cette foi, et beaucoup, parmi ceux qui ont survécu ont gardé cette foi comme un trésor et veillé à la transmettre à leurs enfants et petits-enfants.

Aujourd’hui encore, nous aussi sommes appelés à vivre cette même foi, non pas comme la pratique de quelques dévotions ou l’obéissance aveugle à des commandements, mais comme la lumière qui éclaire toute notre existence, dans notre vie personnelle et familiale et dans tous les domaines de la vie sociale. Nous reconnaissons, bien sûr, l’égalité de tous les humains devant Dieu, mais n’y a-t-il pas encore dans les jugements que nous portons sur autrui et dans notre comportement beaucoup de contradictions avec ce que nous croyons ? Mépris des autres, discrimination en fonction des différences de race, de religion ou de culture… violation des droits fondamentaux… Les martyrs d’autrefois ont versé leur sang pour la cause de l’égalité entre les hommes. Aujourd’hui faisons-nous assez pour promouvoir cette égalité ?
Nous ne pouvons pas rester indifférents en voyant se creuser dans notre monde les inégalités entre les riches et les pauvres. La société de consommation dans laquelle nous vivons est pénétrée de matérialisme et de relativisme, victime de l’égoïsme de beaucoup. C’est dans cette société que nous devons vivre la foi au Christ « qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10,45) Notre existence doit être tout entière centrée sur lui, le Christ, qui nous apprendra à donner gratuitement notre vie aux autres et à travailler ainsi à l’unité des hommes entre eux et avec Dieu. Oui, rendons témoignage au Christ avec conviction en restant fermes dans l’espérance. « Frères, en Jésus le Fils de Dieu nous avons le grand prêtre par excellence […] tenons donc ferme la profession de notre foi. » (Heb 4,14) Et pour cela « avançons donc avec pleine assurance vers le Dieu tout puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours. » (Heb 4, 16)

 

Références bibliques : Is 53, 10-11; Ps. 32; He 4, 14-16; Mc 10, 35-45

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