Avouons que l’évangile de ce jour est d’une criante actualité. Prenez à titre d’exemple ce nouveau fléau du harcèlement virtuel qui, sur les réseaux sociaux, prend une tournure de plus en plus inquiétante, notamment auprès des jeunes. Il s’agit de ces intimidations virtuelles et publiques : le cyberbullying, sorte de lapidation sur internet, où les pierres sont remplacées par des insultes et par des commentaires lâches et anonymes…

Sans exagérer la comparaison, voici que l’évangile d’aujourd’hui nous présente une forme similaire de déchaînement violent, un procès bâclé, un lynchage public avec du côté de l’accusation des pharisiens, retranchés derrière leurs principes et du côté de l’accusé… à première vue cette femme, mais en réalité Jésus. Car dans cet évangile, c’est bien le pardon de Dieu qui est en procès ! Pour les pharisiens, le vrai procès n’est pas dirigé contre la femme, mais bien contre Jésus qu’ils veulent prendre en flagrant délit de miséricorde.

Si nous reprenons le texte, nous voyons d’abord cette femme, encerclée dans son individualité pécheresse par les pharisiens. Pour l’attaquer, ces derniers invoquent d’ailleurs l’argument le plus faible qui soit : celui de l’autorité, cette loi de Moïse qui a ordonné de lapider « ces femmes-là ». Voilà donc cette femme publiquement mise dans une catégorie, réduite à ses actes. Cette femme est le symbole de tout être humain, vous comme moi, qui se trouve parfois encerclé, enfermé dans un acte passé, victime d’un mensonge, d’une erreur et pris dans une spirale.

Face à elle, il y a ces pharisiens, symbole de nos intransigeances, de notre faculté à ne pas voir la vérité en face. Les pharisiens, c’est donc vous et moi, lorsque plutôt que d’être exigeant envers nous-mêmes, nous le sommes envers les autres. Toutefois, plutôt que de les confronter à leurs actes, Jésus relève tant la femme que les pharisiens à ce qu’ils sont, sans les humilier. Il ne les enferme pas dans un groupe, mais les remet dans leur singularité.

Le pardon n’efface rien d’une histoire, seulement la douleur de sa mémoire. La miséricorde est en effet cet acte de souvenir qui pose un regard non douloureux sur une histoire passée. Elle est ce regard bienveillant qui présume que le combat des autres est peut-être plus difficile encore que le nôtre. Elle est cette capacité à toujours ouvrir un futur, sans enfermer dans des actes passés. Les Pharisiens, en bons juristes, savent que de telles paroles de pardon s’envolent, mais que les écrits d’accusation restent. Ironiquement, Jésus nous invite à découvrir le contraire. Ses écrits dans le sable peuvent bien s’envoler, sa parole de pardon reste, relève, offre du neuf et n’a rien d’éphémère.

Voilà le retournement complet de situation auxquels les pharisiens sont confrontés : à se réfugier derrière la loi, ces tables en pierre qu’ils connaissent par cœur, voilà que cette loi devient pierre pour leur propre lapidation. Oui, leur propre lapidation… car ils sont, permettez-moi l’expression, eux aussi des adultères… L’adultère est le fait de tromper quelqu’un avec qui on est officiellement lié, comme ces pharisiens qui trompent et déforment la loi qu’ils sont tenus de suivre ! Voulant ainsi mettre Jésus à l’épreuve, les pharisiens sont eux-mêmes éprouvés dans leur incohérence. Voulant accuser, ils sont renvoyés eux-mêmes devant leur propre chef d’accusation. «Dis-moi comment tu accuses les autres, et je te dirai de quelle contradiction tu souffres. » Accuser l’autre, c’est bien souvent s’accuser soi-même en retour, de manière inconsciente…

Les défauts qui nous dérangent le plus chez les autres font souvent échos à nos propres failles et incohérence. Ils nous rappellent nos propres contradictions, que nous ne parvenons pas toujours à porter. La sagesse populaire nous rappelle d’ailleurs que lorsque nous pointons un index accusateur vers quelqu’un, nous ne voyons pas que trois autres doigts sont dirigés vers nous… Tromper quelqu’un, c’est toujours se tromper soi-même. Juger quelqu’un, c’est ne pas le connaître.

Alors, s’il en est ainsi, réjouissons-nous, car cette parole, loin de nous accuser, nous rappelle avant tout que nous ne sommes pas ce que nous avons fait ou ce que nous avons dit. Le mystère de notre existence ne peut nous réduire à nos actes, à nos errances. Certes, nos égarements, nos erreurs parlent de nous et font partie de nos histoires, mais ils n’épuisent pas le mystère de ce que nous sommes.

Les pharisiens sont arrivés en groupe, ils sont repartis un par un, confrontés à eux-mêmes. La femme est arrivée derrière une étiquette, elle repart dans sa singularité, confrontée à elle-même. Voilà que le péché de l’accusée s’efface au moment où ceux des accusateurs apparaissent ! Et voilà que la miséricorde de Dieu apparaît à mesure que nous nous ouvrons à elle. Alors, à tout âge, quel que soit notre chemin, un avenir est toujours possible. « Va, désormais ne trompe plus. Ne te trompe plus ». Amen.

Références bibliques : Livre du prophète Isaïe 43, 16-21 ; Ps. 125 ; Lettre de Saint Paul apôtre aux Philippiens 3, 8-14 ; Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean 8, 1-11

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