Chères sœurs du carmel de la Paix,
Frères et sœurs,

La question de Pierre n’est-elle pas aussi souvent notre question ? Beaucoup se demandent même : est-il possible de pardonner ? Ainsi, les familles des victimes de toutes couleurs, de toutes religions, dix ans après l’attentat du 11 septembre 2001 à New York ; les survivants des génocides du Cambodge ou du Rwanda ; tant de personnes à travers le monde, victimes de la violence ou de l’injustice d’autres êtres humains ; nous-mêmes, parfois, dans le jeu des relations de famille, de couple, d’amitié ou dans les relations sociales.

« Combien de fois pardonner ? Jusqu’à sept fois ?  » Pierre indique ce qui est pour lui le maximum : sept, chiffre parfait. Mais Jésus multiplie ce maximum à l’infini : « Jusqu’à soixante-dix fois sept fois. » Ainsi, Jésus nous invite avec Pierre à pardonner sans limites !

Comment est-ce possible ? Jésus nous parle d’un roi qui entend récupérer une somme d’argent si énorme que la situation est sans issue pour le serviteur. Devant la supplication de cet homme, le roi, saisi de pitié, lui remet sa dette et le rend libre. Mais ce même homme, en quelque sorte rendu à la vie, est incapable de la même attitude vis-à-vis d’un serviteur, comme lui, qui lui doit si peu au regard de la somme précédente.

Ce roi « saisi aux entrailles », Jésus nous dit qu’il est la figure de son Père, figure de Dieu dont le pardon et la miséricorde sont sans mesure pour qui se tourne vers lui. Comment nous qui venons de demander à Dieu sa miséricorde et son pardon, au début de cette eucharistie, allons-nous nous comporter autrement que ce serviteur et pardonner ?
Comment est-ce possible de pardonner ? À cause de l’engagement du Christ. Il ne s’est pas contenté d’inviter au pardon en paraboles, mais il a réalisé en actes ce pardon de Dieu, avec le paralytique de Capharnaüm, la femme adultère, la Samaritaine ou le larron, son voisin crucifié… rouvrant devant eux un avenir de vie. Jésus s’est engagé plus loin dans le don de sa propre vie pour servir la réconciliation des hommes avec eux-mêmes, entre eux et avec Dieu. « Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation : la haine…» écrit saint Paul aux chrétiens d’Éphèse. Il a établi la paix et fait œuvre de réconciliation « au moyen de la croix. » (Eph 2,14-17)

Comment est-ce possible de pardonner ? Je voudrais citer les propos de Sarah, chrétienne irakienne qui a fui son pays depuis plusieurs années. Réfugiée en France, son évêque l’envoie à une session de formation sur les relations entre chrétiens et musulmans. À l’arrivée, elle nous partage ses réticences à cause de la dureté de ce qu’elle a vécu. À la fin de la session, elle nous a dit : « Je sais que le chemin à prendre est celui du pardon, mais cela demandera beaucoup de temps ! Ici, j’ai découvert que ma vocation est peut-être de servir la réconciliation entre chrétiens et musulmans. »
L’attitude dont témoigne cette femme est celle à laquelle appelait Ben Sirach, deux siècles avant Jésus : « Ne garde pas de rancune envers le prochain », « Renonce à toute haine. » Pour nous chrétiens, cette attitude s’enracine dans celle du Christ qui témoigne jusqu’à l’extrême de l’amour et du pardon de Dieu.
À cause du Christ, nous sommes appelés à servir la paix en rejetant rancune, vengeance, haine, en nous risquant sur le chemin du pardon.

Chères sœurs, c’est dans la prière si attentive aux joies et aux cris de nos contemporains que vous portez cet engagement, j’en suis le témoin avec bien d’autres depuis des années.
Chers frères et sœurs, à la suite du Christ, vous pouvez… nous pouvons… chacun, là où nous vivons, faire tomber les murs de la haine, servir la réconciliation. Demandons-le à Dieu les uns pour les autres au moment où nous dirons ensemble : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Amen !

Références bibliques : Si 27, 30-28, 7 ; Ps. 102 ; Rm 14, 7-9 ;

Référence des chants :

 

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