L’Évangile de ce dimanche met en scène des ouvriers qui travaillent dans des vignes comme c’est le cas en France en cette saison des vendanges qui commence. Dans cette église, la statue de la Vierge Marie debout sur une vis de pressoir rappelle que, jadis, Huriel et ses environs étaient aussi des pays de vignoble. Jésus s’appuie sur ce travail de la vigne pour nous raconter une histoire qui nous déstabilise : les derniers ouvriers à être allés au travail sont payés autant que ceux qui sont partis au petit matin. Une heure de travail, qui plus est en fin de journée, équivaut à toute une journée de labeur sous le soleil. Dans la première lecture Dieu nous avait prévenus : « mes chemins ne sont pas vos chemins ». D’accord, mais les chemins de Dieu doivent-ils pour autant nous rester inaccessibles sur terre ?

 

Reprenons ensemble l’histoire de cette vigne pour saisir ce que Jésus veut nous faire comprendre. Et demandons-lui de nous dévoiler ce qui se cache sous l’apparence de ses propos déstabilisants. Par quels chemins évangéliques Jésus veut-il nous faire passer aujourd’hui ?

 

Tout d’abord il y a ce « maître d’un domaine ». Avant d’être provoquant dans la manière de payer ses ouvriers, il est très surprenant dans la manière de les embaucher. Dans une seule et même journée, il sort cinq fois sur la place du village pour chercher des ouvriers. Cinq fois : quelle générosité, quel zèle et quasi acharnement pour donner du travail à tous ! Un maître qui ne reste pas enfermé chez lui mais qui ne cesse de sortir pour embaucher, même au dernier moment… Un maître qui cherche à donner du travail même à ceux dont personne n’a voulu… Voilà qui nous renseigne déjà sur la manière de faire de Dieu : son Fils, Jésus, est toujours en chemin pour faire bénéficier du Royaume à tout le monde. Premier indice dans notre quête des chemins de Dieu : les chemins de Dieu rejoignent tout homme, y compris ceux que le chômage, ou la vie, rend tristes, désœuvrés, marginalisés, sans espérance. Voilà déjà des chemins qu’on aimerait voir emprunter par plus de monde aujourd’hui. Le psaume nous l’a rappelé : « La bonté du Seigneur est pour tous ».

 

La vigne ajoute un élément essentiel à ce don du Royaume. En effet Jésus aurait pu parler de champs de blé – en disant allez travailler à la moisson – ou encore évoquer des troupeaux à aller garder ou encore différents ouvrages à réaliser (lui-même, Jésus, n’était-il pas artisan, fils de charpentier ?). Mais non Jésus choisit l’image traditionnelle de la vigne. Pourquoi ? Parce que le fruit de la vigne, le vin, permet de dire quelque chose d’essentiel au sujet du Royaume : c’est un Royaume de joie et de bonheur. Dans la culture de Jésus, comme dans la nôtre en France, le vin représente la fête et nous fait pressentir quelque chose de la fête définitive de Dieu avec l’humanité. Voilà à quoi conduisent les chemins de Dieu : la joie, le bonheur – et si l’on veut garder l’image de la vigne et du vin – jusqu’à l’ivresse ! C’est notre deuxième indice : si Dieu rejoint chacun, c’est pour le conduire au bonheur et à un bonheur généreux, immense, de grande taille comme le bénitier de 150 litres qui se trouve au milieu de cette église. Ce bénitier est massif : sans doute parce qu’il faut que nous voyons des choses massives pour frapper notre imagination et nous persuader que Dieu veut notre grand bonheur – et non notre malheur – et qu’il nous le donne par des chemins qui nous conduisent au Christ.

 

Or c’est précisément sur ce chemin que les ouvriers de la première heure vont trébucher. Dans la parabole, la distribution de la paye commence par les derniers partis au travail. Surprise : ils reçoivent un salaire identique à celui qui avait été promis aux premiers partis. Cela permet à Jésus de nous faire entendre tout haut ce que les premiers pensent tout bas : « Quand vint leur tour, raconte Jésus, ils pensaient recevoir davantage. » Ils grognent – et c’est normal – mais leur grognement va transformer leur regard. Il va les dévorer. Au lieu de se réjouir de la joie des ouvriers de la dernière heure, ils vont les regarder d’un œil jaloux. Ce qui leur était apparu comme un salaire juste au moment de leur embauche leur semble soudain injuste lorsqu’ils voient ce que les autres ont reçu. Eux, ils revendiquent plus car ils ont fait plus.

 

Ce troisième indice montre clairement quand nous faisons fausse route. Parfois nous croyons prendre le chemin de Jésus, qui donne sans calcul à tout le monde, or nous suivons notre chemin à nous, bien calculé, pour mériter au terme une récompense à la hauteur de nos efforts. Nous nous trompons lourdement si nous sommes dans une relation marchande avec Dieu. Changeons alors de route et il n’est jamais trop tard pour le faire. Il n’est jamais trop tard – même à la dernière heure ! – pour agir en croyant que la bonté de Dieu nous est déjà acquise alors que nous ne serons jamais capables de la mériter, malgré tous nos efforts.

 

La joie du Royaume délivre de l’activisme, de la volonté d’en faire toujours plus pour être certain d’être sauvés. La joie du Royaume fait avancer sur les chemins suivis par Jésus, des chemins de gratuité, de générosité, de réconfort, d’espérance, de fraternité. Paul résume cela avec une belle formule : « Vivre, c’est le Christ ».

 

Aujourd’hui encore Jésus sort à notre rencontre pour nous envoyer à sa Vigne nous réjouir de cette joie promise à tous. Avançons ensemble sur ce chemin original que chaque eucharistie vient ouvrir devant nous. Que les chemins de Dieu deviennent nos chemins.

Références bibliques : Lc 8, 16-18

Référence des chants :

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