Frères et Soeurs,

Nous voyons Jésus mis en examen pour pratique non conforme de la religion. Les autorités de Jérusalem lui dépêchent une commission d’enquête. « Pourquoi tes disciples ne se conduisent-ils pas selon la tradition des anciens, mais mangent le pain avec des mains souillées ? »

Pour se défendre, Jésus préfère l’attaque : « Isaïe a bien prophétisé sur vous, hypocrites, comme il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres mais leur cœur s’écarte loin de moi. »

À vrai dire, Jésus ne défend pas sa cause ni celle de ses disciples, mais il prend à témoin l’Écriture. Le prophète Isaïe avait bien vu la perversion possible du sentiment religieux. Et sa dénonciation, dit Jésus, demeure toujours pertinente.
Et sans conteste, toujours d’actualité en 2015. Combien de croyants, de toutes religions confondues, ne sont-ils pas tentés de convaincre de la supériorité de leurs traditions, tentés de les imposer aux autres, y compris au moyen de la violence ?

Jésus est d’accord avec la manière dont Isaïe qualifie de tels croyants : des hypocrites ! Leurs lèvres ont beau honorer Dieu, leur cœur ne s’alimente pas d’une véritable écoute de la parole de Dieu. L’hypocrisie n’est pas ce que nous avons fini par mettre sous ce mot. Pour nous, il signifie une mise en scène où l’on feint de paraître ce que l’on n’est pas. Comme faire semblant de remercier quelqu’un qui nous offre un cadeau, qu’au fond de soi, on n’apprécie guère.
L’hypocrisie que Jésus dénonce à son tour est bien plus grave ; elle est le fait de personnes qui veulent paraître pour ce qu’elles croient être sincèrement : de bons croyants, « bien comme il faut ». Jamais un pharisien ne s’imaginait faire semblant d’être un observant scrupuleux de la Loi de Moïse. Il n’avait pas à jouer la comédie puisqu’il se croyait dans son bon droit, justifié aux yeux de Dieu et de ses semblables. Un fanatique, de nos jours, et quels que soient ses motifs d’imposer ses vues, est toujours convaincu de faire ce qui est conforme à ses obligations religieuses.

Mais ne nous estimons pas trop vite exemptés de toute hypocrisie sincère ! Elle est alimentée par ce que Jésus appelle nos motivations mauvaises. Chacun de nous, fût-il le plus généreux, est secrètement intéressé par son « moi je », qu’il ne veut pas perdre mais, qu’au contraire, beaucoup cherchent à renforcer par plus de pouvoir, d’avoir et de paraître. La liste impressionnante de péchés que Jésus détaille – « inconduites, vols, meurtres » jusqu’à « l’orgueil et la démesure » – résulte de cette tendance où chacun veut devenir un petit dieu, ce qui conduit inévitablement à nous rendre odieux les uns envers les autres…

Mais qu’en est-il du croyant ? N’est-il pas sensé vivre autrement ? En fait, le croyant qui s’estime être un bon fidèle de son dieu trouve automatiquement un contentement narcissique. Et cette image idéale qu’il se donne à lui-même doit être vraie puisqu’elle lui est confirmée par les autres fidèles de son cercle d’appartenance. Elle devient ainsi l’image idéale, fantasmée et toute-puissante du groupe. Cette pureté orgueilleuse qu’on retrouve dans toutes les religions est la source de tous les mépris et de tous les crimes.

En somme, l’homme n’a rien inventé de plus utile qu’une religion pour transférer la gloire de Dieu sur lui-même…

On le voit : le sentiment religieux, au motif de suivre la Parole de Dieu, peut en réalité la faire taire. C’est le comble pour ceux qui se croient croyants : sous couvert d’honorer Dieu, ils se passent de Lui ou, pire encore, se prennent pour ses représentants ; au lieu de laisser l’initiative à sa Parole, ils en bouchent l’accès en la recouvrant d’une foule de traditions, rites et règlements.
Voilà le diagnostic que donne le médecin Jésus à l’une des plus dangereuses formes d’illusion qui soient : l’hypocrisie religieuse.

Jacques, dans la deuxième lecture, nous en donne le remède : « Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. » Une parole s’écoute, elle invite à entendre quelqu’un d’autre que son propre moi. L’authentique croyant est d’abord et avant tout un écoutant : il s’ouvre à la parole de Dieu sans la confisquer ou l’utiliser. Il la reçoit, écrit Jacques, avec douceur, cette attitude qui est aux antipodes du fanatisme et de l’orgueil. Un croyant authentique ne s’impose pas, il ne cherche pas à montrer sa supériorité ou celle de sa religion ; au contraire, il sait qu’il a toujours besoin d’être guéri et transformé par la parole de Dieu. Il n’est pas dans l’illusion de croire son cœur innocent car il sait que c’est grâce à l’efficacité de la parole de Dieu qu’il est sauvé de ses « motivations mauvaises ». Comment pourrait-il accuser qui que ce soit quand il sait qu’il est, lui, le premier menacé par l’hypocrisie religieuse ?

D’ailleurs, la parole qu’il cherche humblement à accueillir est celle d’un Dieu qui est pur de tout narcissisme, sinon Il ne serait pas le Dieu vivant et vrai mais un dieu païen, cupide et capricieux, colérique et partial. Alors, écouter Dieu c’est adopter son comportement à Lui : « visiter les orphelins et les veuves » écrit Jacques ; bien d’autres catégories de personnes laissées pour compte seraient à ajouter aujourd’hui. Car une écoute véritable est une écoute active, elle met tout son cœur à faire comme Dieu, Lui qui n’a que les armes de la plus haute tendresse et dont le commandement est de nous aimer les uns les autres.

La religion « pure et sans tache », comme l’écrit Jacques, n’est pas celle des croyants purs et durs mais celle de ceux qui ont à cœur d’œuvrer au projet de Dieu en faveur de la vie de tout homme.

Références bibliques : Dt 4, 1-2.6-8 ; Ps. 14 ; Jc 1, 17-18.21b-22.27 ; Mc 7, 1-8.14-15.21-23

Référence des chants :

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