Chers frères et sœurs ici-même et devant les écrans de télévision,
Chers frères et sœurs migrants,
Chers amis des pays que les migrants ont quittés,

En ce lieu où nous sommes rassemblés autour de l’autel, venant de différents pays et même de différents continents, les lectures de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament que nous venons d’entendre, résonnent d’une manière particulière. Une expression pourrait résumer leur message : la joie de vivre. N’est-ce pas le désir de vivre qui pousse des hommes et des femmes, des jeunes et des adultes, à quitter leur pays et à émigrer vers d’autres ?

Durant la période de son essor industriel, l’agglomération liégeoise a attiré des dizaines de milliers d’hommes et leurs familles. Ils venaient notamment du Limbourg belge, d’Italie et plus tard de Turquie et du Maroc. Tous ces migrants auraient sans doute préféré trouver du travail dans leur région. Ils auraient aimé entendre une parole comme celle du Livre d’Isaïe : « On nommera ta contrée : mon épouse. Tu seras la joie de ton Dieu. » (Is 62) À l’époque d’Isaïe, les Juifs rentrés de l’Exil étaient confrontés à de graves difficultés économiques en Israël. Voilà que le prophète laisse entendre que la situation changera en leur faveur.
Les migrants, de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, rêvent certainement d’un avenir meilleur pour leur pays et leur continent d’origine. Parmi eux, il y a ceux et celles qui ont quitté leur pays pour des raisons politiques, mais la plupart sont sans doute venus chercher une situation économique plus favorable au bien-être intégral de l’homme. Je songe en particulier à nos amis originaires d’Afrique subsaharienne.
Chers amis, la joie de vivre des Africains impressionne tout visiteur. Ici, en Belgique, les communautés africaines y sont restées fidèles. L’Évangile de ce dimanche m’y fait penser. En effet, le récit du mariage de Cana baigne dans l’atmosphère très conviviale de noces de village. Le mariage est toujours et partout fêté comme un feu d’artifice de vie et de joie de vivre. Le miracle que Jésus accomplit va tout à fait dans ce sens. L’eau changée en vin est un signe donné par Jésus à des gens qui veulent vivre. On peut s’attendre à des explosions de vitalité puisque, aux dires du maître du festin, le nouveau vin est d’une grande qualité. « Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant », fait-il remarquer au jeune époux.
Chers frères et sœurs, le signe du vin donné en abondance renvoie déjà à l’heure de la mort de Jésus. Sur la croix, le vin de Cana dévoilera toute sa signification. Pour l’évangéliste Jean, le Christ en croix est le Christ glorieux. C’est sur la croix que Jésus accomplira ce qu’il annonce par les six jarres de vin à Cana : sa mort transforme la misère humaine, le péché de l’homme, la tristesse des femmes en pardon, en miséricorde, en amour et en joie. En un mot, la mort de Jésus est source de vie en abondance. Lorsque le soldat a percé le côté de Jésus en croix, il en est sorti du sang et de l’eau. Ils sont signe du baptême et de l’eucharistie. Jusqu’à la fin des temps, l’Église célébrera l’eucharistie et le baptême pour recevoir et transmettre la joie de vivre qui vient de Dieu.
Confrontée au manque de vin ou au défaut de sens des hommes, l’Église est appelée à servir le bon vin de l’Évangile et des sacrements. Le Seigneur souhaite qu’elle témoigne de son amour en plein cœur du monde, en particulier auprès de ceux qui n’ont vraiment plus de vin et de quoi vivre dignement. Oui, nous sommes chargés de faire découvrir au monde entier les merveilles de Dieu, la grande transformation du monde inaugurée par la mort et la résurrection du Christ. Cette transformation est à vivre au cœur des réalités humaines.
Chers frères et sœurs, la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2010 veut nous sensibiliser à la situation particulière des migrants et des réfugiés mineurs. Ces enfants et ces jeunes vivent un déracinement radical qui, pour eux, plus encore que pour les adultes, est un choc culturel et surtout psychosocial. Souvent, dans leurs pays, ils sont victimes de guerres, de manque de perspectives d’avenir, de la traite ou de l’exploitation. Voilà la face « pays d’origine ». Ensuite, il y a la face « pays d’arrivée ». Écoutez l’interpellation que ces migrants et réfugiés nous adressent : « Nous arrivons avec notre manière de voir le monde et les gens, avec notre manière de croire… Ce que nous avons reçu, comment allons-nous en vivre ? Comment allons-nous le transmettre ? Ce trésor est enfoui au plus profond de nous malgré les drames que nos existences ont traversés… Ce désir de vivre et de faire vivre, cet amour de la beauté de notre monde à protéger malgré les plaies infligées par les humains, cette attente de fraternité et de solidarité, ce sens d’un Dieu qui nous tient… Ce trésor, nous l’évoquons en quelques lignes ; et si nous le partagions en nous offrant mutuellement nos trésors ? À ces témoignages, ajoute le tien… pour ouvrir des chemins de vie, des chemins d’espérance ! » (Brochure Migrants et réfugiés, p. 12)
Oui, chers amis, chers frères et sœurs, nous sommes doublement interpellés. La joie de vivre, confirmée par Jésus, nourrie dans l’Évangile des noces de Cana, et l’appel que nous venons d’entendre invitent les communautés chrétiennes à découvrir et à mettre en valeur ce que chaque réfugié et migrant porte en lui comme potentiel, comme don de la grâce, comme fruit de l’Esprit. « Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien commun », nous disait saint Paul (1 Co 12,7). J’aurais envie de faire miennes les paroles de l’Évangile : « Remplissez d’eau ces jarres vides », car le Seigneur peut en faire du vin qui nourrit la joie de vivre tant des autochtones que des réfugiés ou migrants. N’est-ce pas une manière de contribuer à un monde nouveau, celui que Jésus a inauguré et que Dieu veut accomplir en lui ? Jésus est venu pour nous donner l’espérance d’un bonheur éternel. Jésus est devenu homme et s’est donné « pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. » (Tt 2, 14)
La diversité culturelle de notre assemblée, l’apport de chaque culture à l’assemblée de ce dimanche sont autant de signes et d’invitations à une ouverture à l’autre et à la découverte de la richesse d’un chacun. Cette diversité nous inspire le respect devant l’histoire personnelle d’un chacun et en même temps le désir de rencontrer l’inconnu. En nous accueillant les uns les autres, les rencontres peuvent devenir du bon vin et nous inspirer le désir de construire ensemble un monde meilleur. Oui, le bon vin des noces de Cana n’est pas encore épuisé. Amen.

Références bibliques : Is 62, 1-5; Ps. 95; 1 Co 12, 4-11; Jn 2, 1-11

Référence des chants :

 

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