Ouvrir mes yeux et regarder. Là, à côté, il y a quelqu’un. Un étranger ? Non, un frère, tout simplement. Une petite fille qui a faim ? Non, une sœur, tout simplement. Une personne handicapée ? Quelqu’un plutôt avec qui je peux rire, partager, fraterniser.
Ouvrir mes yeux, ouvrir mon cœur. C’est difficile ? Ce le sera un peu moins si j’arrive réellement à « regarder » l’autre, le visage de l’autre. Vous savez, nous ne sommes pas spontanément frères et sœurs les uns des autres. Nous pouvons seulement le devenir. Et pour cela, il faut d’abord accepter de regarder l’autre dans les yeux. Comme cette dame qui, un matin, a regardé le SDF toujours là en bas de chez elle et qui depuis parle avec lui chaque jour.
C’est aujourd’hui le dimanche du Secours catholique. Ici, à Chambly, par exemple, on se mobilise pour les mères seules avec des enfants. Merci à ceux-là, merci à tous ces bénévoles du Secours catholique, merci à tous ceux et celles qui s’engagent dans tant d’autres organisations, croyants ou non, pour accueillir chaque jour de plus en plus de gens qui n’arrivent pas à s’en sortir.
Nous devrions être tous des indignés devant la montée de la misère. Ici, partout où des gens doivent vivre – survivre devrait-on dire plutôt – avec moins d’un euro par jour. Car il ne suffit pas de secourir, ni d’aider. Il s’agit de justice élémentaire. Il s’agit de la dignité de chaque personne. Il s’agit de droits fondamentaux qui sont bafoués.
Un coup de main dans une passe difficile, oui. Des situations où les gens sont réduits à être en permanence des assistés, non. Ils ont une dignité que nous devons respecter. Ils ont droit à une vie humaine. Nous ne pouvons pas passer à côté en fermant les yeux.
Nous fêtons aujourd’hui le Christ, notre Roi. Drôle de roi, drôle de royaume, sans pouvoir politique, sans argent, sans armée, sans police. La seule façon de devenir membre de ce Royaume, c’est d’aller vers les autres comme des frères. Tout spécialement vers les plus petits.
C’est aussi aujourd’hui la journée de prière et d’action pour les enfants, en même temps que la journée des droits de l’Enfant : les enfants. Voilà les premiers de ces petits que le Christ-Roi nous présente comme ses frères. Droits de l’Enfant, car là aussi il ne suffit pas d’aider. Il faut nous battre pour que ces droits deviennent réalité. Il y a plus de vingt ans qu’ils ont été adoptés par la communauté internationale, mais c’est encore loin d’être gagné, quand on voit les enfants au travail, les enfants soldats, les enfants contraints à la prostitution. En mai dernier, par exemple, le Bureau international catholique de l’enfance a tenu un congrès sur le droit des enfants à l’éducation, même quand ils sont dans la rue, ou quand ils sont migrants (par exemple dans les centres de rétention), ou quand la famille est défaillante. Si on ne respecte pas ce droit à l’éducation, comment un enfant pourrait-il devenir un homme ?
Mais attention : assurer aux enfants leurs droits ne suffit pas. Il faut aussi les éveiller aux droits des autres, à leurs propres responsabilités. Eux aussi, ils ont à apprendre, dès touts petits, à ouvrir les yeux sur leurs frères, sur leurs camarades, sur leur quartier. Et je peux en témoigner, apprendre à se respecter les uns les autres, les enfants aiment cela.
Car notre plus grande dignité, à nous tous, enfants, adultes, c’est d’être responsables des autres comme de nous-mêmes, à la mesure bien sûr de nos capacités.
Pas besoin d’être croyant pour se mobiliser ni pour agir, heureusement, comme nous le dit l’Évangile d’aujourd’hui, qui s’applique à tous sans distinction. Mais l’Évangile nous offre, à nous chrétiens, de quoi nous enthousiasmer : nos gestes humains de fraternité, même les plus simples, prennent une portée bien au-delà d’ici et maintenant, ils touchent rien moins que Dieu lui-même, directement.
À nous la joie de le savoir : quand nous ouvrons les bras à notre frère, du même mouvement et en même temps, c’est le Christ que nous embrassons.
Références bibliques : Ez 34, 11-12.15-17 ; Ps. 22 ; 1 Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46
Référence des chants :