Frères et sœurs,

Certains pensent que l’espérance est une erreur.

D’autres diront que c’est une épreuve.

Permettez-moi de dire qu’elle est un éveil à la vie.

Avec la lettre de saint Pierre, nous pourrions même penser qu’elle est un devoir : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous. » (P 3, 16)

Mais tout comme dans l’Evangile Jésus fait comprendre que le respect des commandements vient comme une évidence à celui qui aime1, la lettre de saint Pierre fait comprendre que témoigner de son espérance découle comme une évidence chez celui qui espère.

Ne pensez-vous pas que

« rendre compte de l’espérance qui est en nous »

pourrait être une caractéristique prioritaire de notre vie chrétienne ?

Si je m’interrogeais :

« Y a-t-il, en moi, quelque chose que je crois pouvoir nommer « Espérance »? »

Et si, au-delà de tout classement trop restrictif ou trop institutionnel (c’est-à-dire au-delà des seules confessions, sensibilités et divergences de vues), je considérais les autres chrétiens en faisant priorité à ce critère : « Quelle espérance l’anime ? »

Et ce critère a une vertu : il est grand, il est large, il est profond.

C’est-à-dire qu’il commence à nous rendre bienveillants pour l’humanité entière. Il fait de nous des chercheurs « d’espérants », ce qui, avouez-le, est mieux que d’être des chercheurs d’embrouilles, des éternels dépités ou des critiqueurs chroniques.

Je suppose que si le pape François est parti en Terre Sainte, ces jours-ci, c’est bien parce qu’il compte permettre aux uns et aux autres de rendre compte de leur espérance et qu’il voulait dire la sienne.

Dans un des films projetés pendant le festival de Cannes (« Mommy » – Maman -, qui a reçu le prix du jury en ce 67e Festival), une réplique m’a fait penser à la lettre de saint Pierre. C’est celle d’une mère dans une situation familiale et sociale chaotique. Du bord du gouffre, elle crie comme un appel : « Les gens disent qu’il n’y a pas d’espoir, mais je crois qu’il y a beaucoup d’espoirs, dans le monde » Espoirs, au pluriel.

« Vous aurez à rendre compte de l’espérance qui est en vous »,

dit la lettre de saint Pierre.

1 Jn 14, 16 « si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements »

Ce critère ne marque-t-il pas profondément nos vies, frères et sœurs, nos paroles, nos activités humaines ?

Et n’est-il pas essentiel ici, à Cannes, en ce festival du cinéma ou beaucoup de gens sont là, avant tout, pour critiquer des films ?

Il y en a dont c’est même la mission et notamment le jury œcuménique présent ici.

Quand je regarde moi-même un film, je ne me demande pas spécialement si le réalisateur est chrétien ou pas, quand bien même c’est une joie de voir des chrétiens qui engagent leur foi dans leur art.

Mais je me demande avant tout : quelle fenêtre sur l’espérance le réalisateur a-t-il voulu ouvrir ? J’essaie de voir ne serait-ce que la toute petite étoile qu’il aurait essayé de montrer dans un ciel tout sombre.

Et quand il n’y a même pas d’étoile, j’ai envie de comprendre pourquoi il voit le monde si obscur. Quelles réalités que je ne connais pas l’ont bouleversé ? Ou bien à quelles réalités suis-je resté moi-même insensible ? Peut-être suis-je complètement passé à côté d’une préoccupation de notre monde. Peut-être n’ai-je pas dit la parole qui aiderait quand il fallait la dire.

Le cinéma n’est pas la réalité, mais il ouvre une fenêtre sur la réalité. Il sait raconter des histoires, authentiques ou fictives, perturbantes ou choquantes, magnifiques et profondes. Il peut témoigner de l’espérance.

Il peut aussi crier de la désespérance.

Parfois, hélas, il risque même de faire fi de l’une comme de l’autre.

Mais au moins, il peut permettre aux non-croyants comme aux croyants de s’interroger sur leur propre espérance, de se demander quels espoirs porte notre monde, même si chacun les exprime dans des mots qui lui sont propres, religieux ou pas. Et en reprenant les mots de saint Pierre, bien des films conduisent ceux d’entre nous qui ont une « conscience droite » à justifier leur espérance devant ceux qui en manquent.

Frères et sœurs, par tous les moyens d’expression qu’elle a, notre humanité montre qu’elle cherche à vivre. Par les combats du quotidien, par le refus de s’isoler, par le témoignage d’une « vie droite », par le désir de voir ce qui est en profondeur dans l’homme et qui n’apparaît pas immédiatement, par tout cela, nous rendons compte que dans notre monde il y a beaucoup plus d’espoirs qu’il n’y paraît.

Mais nos espoirs pourraient ressembler à des petits « plus » dans la vie. Or ce que nous croyons est encore plus lourd de sens que cela : l’Espérance est notre vie. Elle est un autre nom de la résurrection du Christ qui nous entraîne dans les grandes eaux de la vie plus forte que toutes nos morts.

L’Espérance est notre vie, et réjouissons-nous si nous savons en témoigner, jusque dans l’art du cinéma.

Car vivre, c’est aider les autres à vivre.

Références bibliques : Ac 8, 5-8.14-17 ; Ps. 65 ; 1 P 3, 15-18 ; Jn 14, 15-21

Référence des chants : Liste des chants de la messe à Cannes 25 mai 2014

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