Les premiers évangiles du Carême nous emmènent en voyage et ce n’est pas à Lumen Vitae qu’on s’en plaindra, vu l’atmosphère multiculturelle qui nous caractérise, mais ces voyages se déroulent dans des contextes bien différents. Souvenez-vous : dimanche dernier, nous avons accompagné Jésus au désert, où il fut tenté par le démon. Ce dimanche, nous voici avec lui sur la montagne. Le tentateur n’est plus là, mais la scène n’est pas moins mystérieuse, avec le visage de Jésus qui se transfigure, avec ces personnages morts depuis des centaines d’années qui s’entretiennent avec lui et puis cette nuée d’où une voix se fait entendre. L’Évangile nous dit que les disciples furent saisis de frayeur quand ils y pénétrèrent. On le serait à moins.

Quand nous sommes confrontés à un tel texte, nous pouvons à bon droit nous sentir désarçonnés : que s’est-il réellement passé sur la montagne ? Et surtout, quel est le sens de cette scène ? Que nous dit-elle aujourd’hui ? Ce matin, nous n’allons pas faire le tour de la question, mais je vous propose de reprendre quelques points susceptibles de nous éclairer.

Voyons d’abord où se déroule l’histoire. Nous sommes sur la montagne. Non pas « une » montagne, mais « la » montagne. « La » montagne, depuis la révélation de Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, c’est le lieu où Dieu se manifeste par excellence. Lorsque l’Évangile nous dit que Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean sur la montagne, nous pouvons donc déjà pressentir que quelque chose de Dieu va y être dévoilé.

Un deuxième élément éclairant, c’est ce dont Jésus s’entretient avec Moïse et Élie. Ils parlent de son départ qui va se réaliser à Jérusalem, c’est-à-dire de la passion et de la mort du Christ. Or, le récit de la Transfiguration, dans l’évangile de Luc, est précédé de la première annonce par Jésus de sa passion, de sa mort et de sa résurrection, et Jésus reparlera de sa passion dès le lendemain de la Transfiguration. Il a y certainement ici plus qu’une coïncidence.

Un autre point intéressant, encore, ce sont les témoins de la scène. Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean. Pourquoi ces trois-là ? On peut dire, et ce n’est pas faux, qu’ils étaient particulièrement proches de Jésus. Mais il y a ici autre chose. Lorsque Jésus annonce sa passion et sa mort, ce sont ces trois mêmes disciples qui vont se faire réprimander par lui parce qu’ils refusent son message ou en pervertissent le sens. Ainsi, Pierre va s’attirer la réponse cinglante : « En arrière, Satan ! », lorsqu’il dira à Jésus : « Cela ne se fera pas ; tu ne peux pas être mis à mort ». De même, Jacques et Jean, après la troisième annonce par Jésus de sa passion, vont lui demander de siéger à sa gauche et à sa droite, manifestant ainsi qu’ils n’ont rien compris à ses propos.

C’est donc à des disciples qui ont du mal à saisir le sens profond du message du Christ, et particulièrement son passage par la passion et par la mort, que le Père révèle, sur la montagne, la gloire de son Fils. Manifestement, les trois disciples n’ont pas compris le sens profond de ce qu’ils vivaient alors. Pierre se laisse saisir par la magie du moment et envisage de rester sur place, en dressant des tentes. On peut voir là comme une nouvelle tentation de refuser le passage de Jésus par la passion et par la mort, en le retenant en quelque sorte dans sa gloire de transfiguré. Mais il ne s’agit pas de rester sur la montagne. Les disciples vont redescendre dans la plaine et ce n’est que plus tard qu’ils découvriront le lien entre la transfiguration et la passion, et la mort du Christ. Pour entrer dans sa gloire, Jésus devait rester fidèle à l’amour jusqu’au bout, et cela supposait, mystérieusement, de passer par la passion et la mort.

Relu ainsi, le récit est susceptible de faire sens pour nous. Ces trois disciples, c’est chacun de nous, lorsque la Bonne Nouvelle nous déconcerte, lorsque nous ne parvenons pas à reconnaître la gloire du Ressuscité déjà présente dans notre monde. Pour nous aussi, les difficultés de la vie, les mesquineries ou les méchancetés de notre prochain, nos propres faiblesses et notre péché sont parfois tels qu’il nous est difficile de reconnaître dans notre vie la présence glorieuse du Ressuscité. Nous n’avons pas la chance de gravir la montagne pour contempler Jésus dans sa gloire, mais nous avons l’Évangile qui nous dit : « Ne reste pas à la surface des choses. Fais confiance au Seigneur et demande-lui la grâce d’entrer dans son regard pour pouvoir reconnaître, au-delà des apparences souvent décourageantes, sa gloire déjà présente dans ta vie quotidienne. »

De manière intéressante, les deux autres lectures de ce dimanche nous invitent également à faire confiance à Dieu, malgré les apparences contraires. Ainsi, Abraham aurait pu considérer comme folie l’annonce par Dieu qu’il aurait une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel, alors qu’il était déjà un vieillard. Mais il a cru en sa parole et nous sommes témoins du fruit qu’a porté son attitude de foi. De même, Paul oppose ceux qui ne considèrent que leur ventre et les citoyens des cieux, qui peuvent reconnaître dans leur existence la présence vivante de Jésus Christ.

Les lectures d’aujourd’hui, sans nier les difficultés de la vie présente, nous invitent donc à reconnaître en nous la présence du Christ transfiguré. C’est déjà Pâques que nous célébrons en faisant mémoire de la Transfiguration. Une Pâques qui ne se manifeste pas dans un événement extraordinaire comme la scène vécue sur la montagne mais que nous pouvons reconnaître dans notre quotidien, si nous portons sur lui un regard de foi, capable de transfigurer notre grisaille et d’y reconnaître la présence glorieuse du Christ ressuscité et de son amour victorieux. Par l’intercession de Pierre, de Jacques et de Jean, demandons au Seigneur la grâce d’entrer dans un tel regard. Amen.

Références bibliques : Gn 15, 5-12.17-18 ; Ps 26 ; Ph 3, 17-4, 1 ; Lc 9, 28b-36

Référence des chants :

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