Frères et sœurs,

Avec Jésus, les aveugles voient, les malades se rétablissent, les boiteux marchent. Et avec le récit que nous venons de lire, les sourds entendent et les muets parlent.

Ce récit, dont la lecture nous est proposée par les communautés chrétiennes de la région d’OUMZALI près de Durban en Afrique du Sud, trace un chemin, un chemin que l’on pourrait intituler : du silence à la parole. Voilà l’espérance qu’il creuse.

C’est un récit de guérison. C’est aussi un récit de création car l’acte de Jésus est un acte de création, une création qui est devant nous comme une promesse.

Et quelle promesse : un être humain muré dans son silence accède au miracle de la parole.

Cet homme, ce sourd-muet est mis au centre de l’Évangile comme figure de notre humanité.

Parabole de nos vies refermées. Parabole de nos vies enfermées. Parabole qui souligne l’absence de l’homme à lui-même. Mais Jésus est là, il est celui qui perce la carapace de silence et de solitude dans laquelle chaque être humain est enfermé. Certes, cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Le langage un peu naïf du récit porte la trace de ce difficile travail de la naissance d’un être humain.

Alors comment en est-on arrivé là ? Par quel miracle ? Au centre du récit, il y a un geste inattendu. Jésus met ses doigts dans les oreilles du sourd-muet, crache puis lui touche la langue pour enfin prononcer cette parole : Ephphata, ce qui signifie en hébreu : Ouvre-toi !

C’est un geste qui a été repris par l’Église. On sait qu’à Milan, au 4e siècle, dans la liturgie chrétienne, on pratiquait la veille du baptême, le rite de l’ apertio aurium, d’ouverture des oreilles. Le prêtre mettait ses doigts dans les oreilles du candidat au baptême. Ce rite symbolisait l’ouverture du baptisé à l’œuvre de Dieu pour lui. En Orient, il existait même un rite du crachat qui symbolisait le don de la vue offert au nouveau croyant. Ces gestes étaient bien sûr accomplis en mémoire de l’acte de Jésus d’ouvrir les oreilles des sourds et les yeux des aveugles.

Remarquez bien : Jésus n’a pas fait que guérir la parole de l’homme, il a d’abord guéri ses oreilles. Il n’est pas de parole juste qui ne soit d’abord enracinée dans une écoute.

C’est pourquoi, frères et sœurs, il me semble que ce récit dit une exigence pour chacun personnellement et pour les Églises.

D’abord pour chacun, cette exigence, c’est celle d’ouvrir ses oreilles à un autre que soi-même. Or, il faut bien le constater, nous sommes sourds, sourds à la Parole de Dieu, sourds à sa présence, sourds à toute dimension spirituelle de l’existence. Nous pensons ne pas avoir besoin de lui et croyons qu’Il n’a pas besoin de nous.

Sur un autre plan, nous sommes trop souvent sourds aussi aux cris de détresse de ceux qui nous entourent.

La surdité est notre maladie à tous.

Ce récit dit aussi une exigence pour l’Église. Car les spécialistes des textes bibliques nous disent que l’acte de guérison du sourd-muet a pour but de confondre en fait la surdité des disciples qui ont des oreilles mais n’entendent pas.

Cet évangile vise donc l’Église et rappelle une exigence. Cette exigence, c’est d’être une Église ouverte. L’expression est sans doute un peu galvaudée aujourd’hui. Pourtant elle rappelle ce qu’est l’Église. Elle suggère une vigilance à garder contre toute logique d’enfermement. Elle suggère d’être ouverts aux questions que posent notre temps et notre monde; elle suggère de témoigner de l’Évangile au-delà du cercle des convaincus.

Il est fort probable en effet que demain, de nouvelles personnes viendront frapper à la porte de nos Églises. Ces personnes en quête de Dieu, en quête d’un sens pour leur vie, ces hommes et ces femmes qui n’auront qu’un souvenir très lointain avec leur éducation religieuse, comment allons-nous les recevoir ? Ces hommes et ces femmes aux parcours surprenants, difficiles quelquefois, différents en tous cas : allons-nous leur ouvrir la porte ?

L’Église de Jésus Christ est ouverte ou elle n’est pas.

Elle n’est donc pas un club privé, elle n’est pas le lieu où « ceux qui se ressemblent s’assemblent », mais au contraire l’espace qui rassemble les hommes et les femmes différents, en vue de les renvoyer vers d’autres lieux et vers d’autres gens.

C’est le défi qui unit nos Églises, au-delà de leurs différences.

Pour y arriver, une seule parole est nécessaire. Elle dit : Ephphata. Ouvre-toi ! Cette parole est une prière pour vous qui m’écoutez devant votre poste de télévision.

Comme l’a dit un Père de l’Église, saint Pierre Chrysologue : « Que la voix divine résonne à nos oreilles, que notre vacarme familier ne brouille pas l’audition. »

C’est un appel qui s’adresse aux Églises :

– Qu’elles sachent s’ouvrir les unes aux autres,

– Qu’elles sachent témoigner ensemble de la Parole de Dieu pour que d’autres s’ouvrent à cette même Parole,

– Qu’elles apprennent à mieux nous accueillir les uns les autres à l’intérieur de nos communautés et entre nos Églises.

Nous aurons besoin de conjuguer tous nos efforts et toutes nos prières pour cette mission.

Mais puisque nous avons justement la joie aujourd’hui d’être rassemblés, chrétiens de différentes confessions, commençons par une action de grâce envers ce Dieu qui est venu nous ouvrir les oreilles et le cœur et qui est venu nous chercher là où nous étions, pour nous entraîner, ensemble, dans le sillage de sa Parole.

Amen.

Références bibliques : 1 Samuel 1, 1-18 ; Marc 7, 31-37

Référence des chants :

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