Les temps ont bien changé, heureusement ! Catholiques et protestants ne s’étripent plus au nom du Prince de la paix ! Anduze, ancienne place forte du protestantisme cévenol, devient symbole œcuménique en ce jour puisqu’un pasteur investit la chaire catholique sans provoquer d’émeutes ni risquer les galères ! Les temps ont bien changé, au point que les uns et les autres se sont mis humblement à lire la Bible ensemble, cela ne pouvait rester sans effet. Écoutons donc ce qu’elle nous dit aujourd’hui, car nous avons encore beaucoup à apprendre ensemble.

Le thème de cette semaine de l’unité tiré de la première lettre aux Thessaloniciens est : « Priez sans cesse ». Voilà une injonction qui peut mettre mal à l’aise, si elle est mal comprise. La mauvaise interprétation assez spontanée, me semble-t-il, consiste à penser qu’il s’agit de prier 24 heures sur 24, ce qui est impossible, même pour ceux que les sociologues appellent les virtuoses de la religion.

Si nous en doutions, le contexte devrait nous convaincre. Juste avant priez sans cesse, nous trouvons : soyez toujours joyeux et aussitôt après : en tout temps soyez reconnaissants ! Mais c’est encore plus utopique, direz-vous ! Évidemment ! Mais cette fois il est clair que virtuose ou pas, personne ne peut être toujours joyeux, toujours reconnaissant de tout ce qui lui arrive, ou alors il faudrait supprimer de la Bible bon nombre de Psaumes qui sont des cris de désespoir et même de révolte ! Ce constat montre que le défi apostolique n’est certainement pas de l’ordre du « plus » ! Plus de prières pour plus de joie !

Pour entrer dans la bonne compréhension de ce texte, il nous faut élargir notre point de vue à l’ensemble de la lettre. Nous découvrons alors une communauté traumatisée par la déception ! Les chrétiens de Thessalonique évangélisés par Paul avaient eu la conviction que leur sauveur, le Christ Jésus, allait très vite revenir pour les associer à son règne. Or depuis leur conversion, plusieurs parmi eux sont morts et les persécutions se multiplient, ils se demandent donc si les promesses auxquelles ils avaient cru s’accompliront bien un jour. Après la ferveur des premiers mois, la dureté des circonstances questionne cruellement leur confiance. Ils sont inquiets et naturellement peu enclins à se réjouir et à rendre grâces. C’est pourtant à ces personnes-là que Paul écrit : soyez toujours joyeux. Comment argumente-t-il donc pour avoir l’audace de leur demander de se réjouir et de dire merci ?

Son argument est simple : il se trouve dans une petite partie du texte que nous n’avons pas encore prise en compte. Réjouissez-vous, priez, rendez grâces, c’est pour vous la volonté de Dieu en Christ Jésus, dit l’apôtre. C’est pour vous, la volonté de Dieu en Christ Jésus.

N’allons pas prendre cet argument pour de l’autoritarisme : Dieu le veut, faites-le ! Ce n’est pas un argument d’autorité qui est utilisé, mais un appel au recentrage ! C’est « en Christ » qu’il est possible de se réjouir dans l’adversité. Non pas de l’adversité, mais de se réjouir malgré elle, par la force que donne le Christ Jésus. C’est l’œuvre de l’Esprit Saint qui console et fait goûter par avance au croyant les biens à venir et lui donne la certitude de l’accomplissement final du salut.

Une parabole de l’évangile selon Luc (ch. 18) nous raconte l’histoire d’une veuve qui importune un juge jusqu’à ce qu’il lui rende justice. Jésus en conclut qu’il faut prier sans se lasser. Cette prière inlassable, c’est la prière qui espère l’établissement final de la justice et du salut que seul le retour du Christ permettra.

C’est bien parce que la vie chrétienne n’est pas la garantie, même pour les virtuoses de la foi, de vivre le paradis sur terre qu’il faut prier encore, prier jusqu’à la fin ; cette prière inlassable est l’expression de l’espérance chrétienne. Arrêter de prier reviendrait à considérer que tout est déjà donné ou qu’au contraire tout est déjà perdu, or ce n’est ni l’un ni l’autre ! Dans cette lettre, l’apôtre Paul prend en compte une réalité qui semble contredire les promesses de salut.

Nous n’avons pas de mal à comprendre les doutes et les craintes des Thessaloniciens, parce que nous en expérimentons de semblables ! Tout n’est pas réjouissant, loin de là, dans notre monde, sa fin est même fréquemment évoquée et notre situation personnelle, familiale, sociale, ecclésiale ou œcuménique n’est pas forcément de celles qui provoquent l’euphorie.

Eh bien ! Nous aussi, en Christ, à cause de ce qu’il est, en raison de ce qu’il a promis, nous avons, malgré tout, déjà matière à nous réjouir et à rendre grâces. C’est la rencontre avec le Christ vivant qui change les perspectives en nous ouvrant à l’espérance. C’est en revenant au Christ, en le replaçant au cœur de nos vies personnelles et ecclésiales que nous est donné un autre regard sur la réalité.

Nous retrouvons ici la perspective de la prière de Jésus dans Jean 17. Unis à lui, appelés à être un en lui, nous ne sommes pas ôtés du monde mais envoyés ensemble en son nom, pour que le monde croie ! Dans ces conditions, l’unité de l’Église n’est certainement pas de l’ordre du tout ou rien. En Christ, l’essentiel est donné, la communion spirituelle existe. Tout n’est certes pas accompli et ne le sera peut-être que dans le Royaume qui vient, mais en attendant beaucoup est déjà donné !

Ne déduisons donc pas de l’exhortation à la prière inlassable que nous n’avons qu’à attendre dans le splendide isolement de notre fidélité irréprochable ! Ce serait oublier le cœur de l’exhortation apostolique qui appelle au recentrage. Pour que notre vie et celle de nos Églises tournent rond, c’est le Christ qui doit être au centre !

Si c’est le cas, alors « prier sans nous lasser » sera l’affirmation paisible que même si nous ne discernons pas très clairement le sens de certains événements, nous savons que Dieu poursuit fidèlement son œuvre et que nous avons le privilège d’y être associés.

Le début du livre des Actes raconte que les apôtres, qui restaient à contempler le ciel après le départ de leur maître, ont été envoyés sur les chemins du monde précisément parce que Jésus allait revenir (cf. Actes 1). Pas étonnant que nous soyons aussi envoyés dans ce monde qui passe; en Christ, reflets de sa lumière, nous pourrons être des signes d’espérance pour ceux qui souffrent et désespèrent… ne les oublions pas !

Références bibliques : IS 49, 3.5-6 ; PS 39 ; 1 Co 1, 1-3 ; Jn 1, 29-34

Référence des chants :

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