Permettez cette comparaison : le temps de l’Avent est semblable à la durée nécessaire pour édifier une église dans un quartier nouveau comme celui où nous nous trouvons actuellement.
 La construction d’une église est souvent le fruit d’un long parcours. Au départ c’est la vie qui commande.
 Même si le plan du quartier, la répartition des équipements, le tracé des rues ont été conçus, élaborés par les urbanistes, demeure toujours l’inattendu de la Communauté humaine qui va venir habiter le quartier.
 Cette réalité est difficile à prévoir : quels visages diversifiés va prendre cette population ? Quels réseaux de relations vont se former ? Comment les groupes, les jeunes, les personnes âgées vont-elles s’approprier l’espace ? Quelle sera la fréquentation de telle place ou de tel équipement collectif ?
 Il faut donc, sur ce nouvel espace de vie, des veilleurs attentifs aux nouvelles figures sociales, aux nouveaux liens que vont tisser les habitants du quartier.
 Parmi les veilleurs, il y a les chrétiens. Ainsi sur ce quartier de la Fontaine d’Ouche, une petite communauté de laïcs s’est constituée avec un prêtre, pour porter attention aux familles qui venaient s’installer.
 Ils ont voulu former la communauté des chrétiens, des pierres vivantes de l’Eglise, avant de construire le bâtiment-église.
 Pendant des mois, des années, ils ont été présents sur ce quartier qui se formait. Ils ont participé aux réunions où se rassemblent les nouveaux habitants.
 Ils ont écouté ce qui se disait dans ces réunions. Ils se sont ouverts aux attentes des nouveaux arrivants. Ils ont accueilli leurs remarques et leurs réflexions. Ensemble, ils ont réfléchi au visage que pourrait prendre l’église du quartier en fonction de la vie des habitants qu’ils voyaient se déployer. Ensemble, ils ont prié, disponibles aux appels de l’Esprit Saint qui les précédait dans la vie de ces hommes et de ces femmes.
 Ils auraient pu, par souci d’assurance ou de sécurité, construire d’abord le bâtiment de l’église. Il ne serait resté aux nouveaux habitants que de se glisser dans cette église prête à porter.
 Ils ont préféré rester longtemps des guetteurs de la vie, attentifs à l’aventure de ce quartier en devenir, attentifs à la diversité culturelle des habitants, et aux attentes spirituelles qui s’y manifestaient, aux rencontres et aux liens de solidarité qui s’y nouaient. Un peu à l’image de cette extraordinaire patience avec laquelle Dieu a préparé son peuple d’Israël tout au long de son histoire pour qu’enfin il puisse accueillir le Messie.
 Ainsi, et les témoins de cette aventure présents ici, en parleraient mieux que moi, chaque chrétien, membre de cette première communauté ecclésiale, a connu à la fois cette disponibilité à l’inattendu, ce long désir partagé par tous de voir aboutir le projet de l’église et ce sens des maturations humaines nécessaires pour qu’enfin la construction se réalise.
 Dans ce temps de l’attente active du projet, se sont développées, chez chaque membre de la communauté, les aptitudes spirituelles nécessaires pour accueillir la nouvelle église à la fois comme un don et comme le fruit d’une histoire commune.
 Enfin est venu le temps, au terme de cette longue attente, où l’Eglise de chair a dessiné les contours de l’église de pierre.
 Parce qu’elle a été longuement préparée, désirée, espérée, l’église de pierre a pris corps dans la vie des hommes, de façon ajustée.
 Elle peut désormais par toute sa disposition, parler de Dieu, avec les mots et les signes architecturaux que la population du quartier peut comprendre.
 Elle est harmonieusement intégrée dans l’environnement.
 Elle est modeste et chaleureuse comme la communauté qui l’a préparée.
 Elle est accueillante à la vie des hommes, dans la diversité de leurs cultures et de leurs opinions.
 Comme elle est faite de veilleurs, sensibles à cette souplesse et à cette flexibilité de la vie des hommes, elle est prête aux évolutions, ménageant à la fois l’espace du rassemblement et celui du silence.
 Et surtout elle fait signe. Elle ne se referme pas sur son architecture. Elle ouvre à la présence du Ressuscité. Elle suggère le travail de l’Esprit dans la vie des hommes. Elle invite à entrer plus avant dans le Mystère du Christ qui l’habite.
 Elle ménage par sa disposition l’indicible et surprenante de rencontre de l’homme avec son Créateur, dans le silence d’une liberté qui, se sachant aimée et appelée, s’affermit et se développe au service de ses frères.
 Frères et soeurs, cet appel à veiller que quelques-uns ont entendu pour préparer cette église s’adresse à tous. Et c’est le Christ qui l’affirme dans l’Evangile de ce jour : « Ce que je vous dis là je le dis à tous : Veillez ! »
 Avec ce temps de l’Avent, nous entrons dans un temps de veille et de commencements pour chacun de nous, pour l’Eglise dont nous sommes membres.
 Que sera ce monde de demain ? Comment les serviteurs de l’Evangile y assumeront-ils leur mission ? Quel visage prendra cette Eglise ?
 Ces questions restent souvent pour nous sans réponse. Toute perspective prométhéenne de construire un monde nouveau au seuil du troisième millénaire semble vouée à l’échec. Le monde va si vite. Et pour tant de gens la nuit est si profonde !
 La seule attitude que nous puissions avoir en ce temps de mutation, c’est celle de veilleurs qui savent le temps des maturations et qui guettent les signes imperceptibles et inattendus du Royaume.
 Cette attitude de veille fait de nous des hommes et des femmes du désir et de la prière. A certains moments comme dans la parabole, nous avons l’impression que le maître est parti en voyage. Reste au fond de notre coeur la place qu’il a creusée, la brûlure qu’il a laissée…, la passion qu’il a allumée. Et nous n’avons de cesse de l’attendre. « Dieu, Toi mon Dieu, je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi. » Et peut-être est-il déjà là dans l’attente. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé… »
 Ce long désir aiguise notre compréhension du monde. Il nous ouvre à une intelligence spirituelle de l’histoire des hommes. Par-delà les séquences d’événements qui occupent le devant de notre actualité, nous discernons qu’une autre histoire est à l’oeuvre inextricablement liée à celle qui se déroule sous nos yeux. Le royaume qui vient. Par-delà les apparences, il y a une profondeur du réel que seuls ceux qui cherchent à comprendre spirituellement le monde dans sa complexité peuvent entrevoir. Ainsi osons-nous reconnaître, en cet étranger chassé de son pays par la misère ou la violence, le Christ qui nous appelle à une profonde conversion « J’étais un étranger… ».
 Enfin cette nouvelle intelligence spirituelle du monde nous pousse à poser des actes anticipateurs. Nous ne pouvons rester inertes face à la nuit du monde. Alors allumons de petites lumières. Certes nous ne savons pas ce que sera ce monde qui vient. Nous n’osons plus parler de lendemains qui chantent. Nous sommes avertis : le Royaume inauguré par le Christ nous est donné. Et jamais nous ne pourrons dire « le voici » ou « le voilà ! » Il est le Royaume des surprises de Dieu. Mais notre attente nous pousse à poser des jalons pour préparer sa venue : innombrables gestes de solidarité qui sont autant d’actes d’espérance posés parfois au-delà de l’inespérable !
 Ainsi vient pour nous ce temps de l’Avent, temps de joyeuse attente, temps de disponibilité à la nouveauté du Christ. Temps où, à travers même cette attente active, Dieu vient renouveler et façonner son Eglise.
 Frères, ce temps que nous avons à vivre nous interroge profondément.
 Celui que se trouve bien comme il est, que pourrait-il attendre ?
 Celui qui garde au coeur la nostalgie du passé, comment pourrait-il entrer dans ce temps de l’Avent ?
 Il ne s’agit pas seulement de voir venir. Il s’agit de faire advenir. L’événement peut alors devenir avènement.

Références bibliques :

Référence des chants :

Vidéos liées

Recevez chaque
semaine vos newsletters :

Les différentes newsletters