L’attitude de Jésus dans l’Évangile peut nous paraître surprenante, même dérangeante. Lui qui reproche souvent aux docteurs de la loi de son époque de faire peser sur le peuple de nombreux préceptes et commandements, il semble aujourd’hui alourdir encore la loi : « la loi vous dit cela et bien moi, je vous dis en plus ceci… » Comme si les exigences de la loi n’étaient pas suffisantes et qu’il fallait aller plus loin… Nous sommes peut-être aussi étonnés parce qu’il semble que ce que Jésus demande avant tout, c’est d’aimer. Aimer Dieu et aimer son prochain, n’est-ce pas là l’essentiel de l’Évangile ? Est-ce que cela ne suffit pas ? Et on cite souvent – un peu rapidement d’ailleurs et hors de son contexte – la phrase célèbre de saint Augustin : « aime et fais ce que tu veux ! » Finalement, pour devenir un disciple du Christ, pour entrer dans le Royaume des cieux, faut-il choisir les exigences de la loi ou celles de l’amour ?…

Eh bien, contrairement à ces premières impressions, je pense qu’il ne faut pas opposer la loi – c’est-à-dire les normes, les commandements – à l’amour, comme si la loi était en quelque sorte du côté de la contrainte et donc du malheur et l’amour du côté de la liberté et donc du bonheur. Il n’est pas possible de vivre en société et d’essayer ensemble d’être heureux sans la loi. D’ailleurs, des événements récents ont montré qu’il s’agit ici d’une question importante aujourd’hui pour notre société en particulier face aux jeunes qui cherchent des repères et qui ont du mal à se situer dans ce monde qui change si rapidement et où ils ne sont pas toujours attendus faute de travail. Comment éduquer dans une compréhension positive de la loi ? La loi, d’une manière générale, est ce qui permet aux hommes de vivre ensemble en harmonie, de se respecter mutuellement dans la société, d’établir des rapports justes entre les personnes et les groupes, mais aussi de ne pas oublier ceux qui sont faibles ou pauvres.

Les commandements que rappelle Jésus sont clairs :

– Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas de meurtre : au coeur de toute société, il y a cet interdit fondamental qui pose la vie humaine comme quelque chose de sacré… quelque chose auquel on ne peut ni on ne doit porter atteinte. Le respect de la vie commence par apprendre à aimer ce qu’il y a de plus fragile dans l’existence humaine.
– Tu ne commettras pas d’adultère : si la sexualité est quelque chose de très beau, on ne peut pas pour autant la vivre n’importe comment au gré de ses envies. Et quand on s’est engagé vis-à-vis de l’autre, il faut apprendre, jour après jour, à vivre son désir en fidélité avec la promesse échangée.
– Tu ne feras pas de faux serments, tu ne mentiras pas : la parole, c’est une des choses les plus essentielles, les plus précieuses de l’humanité. Impossible de vivre ensemble si la parole est faussée, impossible de dire « je t’aime », « je crois », « je te promets » si ta parole, si ma parole n’est pas vraie, si mon oui n’est pas oui et si mon non n’est pas non…

Finalement, la loi, loin de s’opposer à l’amour, y conduit car elle nous invite à prendre l’autre au sérieux, à le respecter et à tisser entre nous des liens vrais et responsables. La loi est le chemin le plus ordinaire et le plus simple pour entrer dans une humanité où chacun ne se construit pas seul mais avec et par l’autre.

Mais pourquoi donc Jésus invite-t-il ses disciples à aller encore plus loin, au-delà de ce que la loi demande habituellement, à dépasser ce que rappellent les scribes et les pharisiens ? Ces derniers ont en effet le souci de vivre parfaitement la loi mais sans doute trop parfaitement, au point d’oublier que l’homme n’est pas fait pour la loi mais que la loi est faite pour l’homme. Dit autrement, vivre la loi pour la loi risque d’enfermer l’homme dans un légalisme stérile. Seul le coeur de l’homme peut rendre la loi féconde. Si elle demeure extérieure à lui, elle reste un cadre, une structure qu’il faut bien accepter mais qui souvent demeure stérile.

Ainsi Jésus demande à ses disciples d’intérioriser la loi c’est-à-dire d’entrer dans une vie plus unifiée où mes actes et mes paroles soient en cohérence avec ce que je porte dans le coeur. Ainsi refuser le meurtre et choisir la vie passe par le rejet de toute violence y compris sans doute… le rejet de la pauvreté et de l’injustice. Ainsi choisir la fidélité n’est pas étouffer mon désir mais l’enraciner dans le temps. Ainsi, en refusant le mensonge, nos paroles deviennent l’expression de ce que nous sommes en vérité.

Avec le Christ, la loi demeure exigeante mais non étouffante ni désespérante. Jésus n’écrase pas l’homme sous la loi, il la met au service de l’amour. Si la loi est nécessaire, elle n’est pas pour autant suffisante. Comme dans l’histoire de ce jeune homme riche (Matthieu XIX, 16-26) qui croyait qu’il suffit de bien mettre en pratique la loi pour entrer dans le Royaume des cieux, il faut oser aller plus loin, il faut oser marcher à la suite du Christ… sur un chemin qui engage tous nos actes, nos paroles et notre coeur, le seul chemin finalement où peut se construire une vraie liberté. Il dépend de chacun d’entre nous de choisir de prendre ou non ce chemin de liberté.

Références bibliques :

Référence des chants :

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