« Venez déjeuner ! »
C’est nous, aujourd’hui, frères et sœurs, que le Seigneur, le Christ vivant, ressuscité, invite à venir déjeuner avec lui. Nous, ici, ce matin, dans cette église, et vous tous qui vous joignez à nous devant votre télévision.
Comme à chaque messe. La messe, comme ce matin-là au bord de la mer de Tibériade avec les sept disciples, c’est le Seigneur Jésus, le Vivant, qui veut nous faire asseoir autour de lui, pour partager avec nous la nourriture qu’il nous a préparée, la parole et le pain. Nous nourrir de sa présence, de sa présence réelle. 
Et je me souviendrai toujours de ce matin d’été où, avec quelques amis pèlerins, nous nous trouvions au bord de la mer de Tibériade, à l’endroit même où cela s’est passé. Il y a là aujourd’hui, au bord de l’eau, un abri ouvert où nous avons pu célébrer la messe. Nous étions là, nous avec lui, lui à table avec nous, un moment inoubliable, un moment lumineux. 
Oui, c’est à chaque messe que le Christ nous invite en nous disant : « venez vous asseoir autour de moi, venez manger la nourriture que je vous ai préparée », surtout quand nous avons vécu des moments difficiles. Nous aussi, comme Pierre et les disciples, nous avons bien des difficultés à traverser : tous ces efforts que nous faisons sans résultat, ces conditions de travail stressantes, ces conflits entre nous – ou, tout simplement, quand nous souffrons de la solitude, de la maladie, quand nous sommes en prison. Alors, oui, le Christ nous dit : venez reprendre des forces. Venez manger, pas chacun de votre côté, mais ensemble, dans la lumière du matin que le Christ veut faire lever sur notre nuit, sur les obscurités de notre existence. 

Vous savez, chaque fois que Jésus venait prendre un repas chez quelqu’un, sa présence changeait la vie des gens qui étaient là à table avec lui. Comme à Cana, quand il a changé l’eau en vin, en très bon vin. Ou quand il a nourri toute une foule qui avait faim. Mais bien plus encore, c’était le cœur de ceux qui étaient là que sa présence changeait, le faisant passer de l’égoïsme au partage, du péché à l’amour, de la faute au pardon. Voilà ce que le Christ vient faire pour nous, ce matin encore, en venant déjeuner avec nous. Pour que notre existence trouve, auprès de lui, un nouveau souffle. Pour changer notre cœur, pour qu’il se remette à respirer au grand souffle de Dieu. 
Mais alors, en ce jour du 1er mai, fête du travail, je me dis que cette transformation, elle devrait intervenir tout particulièrement dans le domaine de notre travail. Toute la nuit, Pierre et les disciples avaient pêché sans aucun résultat. Et tout d’un coup, sur la parole du Christ, c’est une pêche miraculeuse ! Oui, frères et sœurs, c’est à partir de la parole du Christ que nous devrions chercher à donner à notre travail sa véritable réussite, sa fécondité, son bonheur. Le but du travail, nous l’oublions trop souvent, ce n’est pas chacun pour soi, mais c’est pour nous nourrir les uns les autres. 
Tant que nos conditions de travail n’auront pour but que l’argent, le profit égoïste, tant que nos conditions de travail resteront stressantes, inhumaines, comme elles le sont si souvent, ce sera encore la nuit pour tant d’entre nous. Gagner sa vie, oui, mais la vie, ce n’est pas d’abord l’argent : la vie, c’est de l’humanité partagée. Et le travail doit s’inscrire dans cette dynamique-là. Le travail, c’est toujours un effort, mais ce peut être, ce doit être aussi du bonheur, du bonheur ensemble.
Et ce n’est pas là de l’utopie – c’est quelque chose qui commence à se mettre en place. Je me suis beaucoup réjoui quand j’ai découvert récemment des chercheurs universitaires qui, dans une grande école de Grenoble, se consacrent à changer les conditions de travail dans les entreprises. Avec tout un ensemble de chefs d’entreprises, ils se sont rendu compte que si nous continuons comme actuellement, nous allons nous détruire. Il faut arrêter la guerre économique. Sinon, nous allons à la catastrophe. Ce sont eux qui le disent. C’est pourquoi ils se consacrent à repenser le monde du travail en mettant au centre la paix économique, le bien-être, l’épanouissement de chaque travailleur. Pour que notre économie ne soit plus une guerre permanente, mais organise la paix sociale et un mieux-vivre-ensemble. Et pour cela, il faut replacer l’être humain et sa capacité de fraternité au cœur de l’entreprise, pour le service de tous.

Voilà aussi ce que Jésus veut nous aider à changer, dans notre société, pour notre bien à tous. Jésus, en nous invitant à venir nous asseoir autour de lui, en nous offrant son corps et son sang, sa présence, nous fait nous regarder les uns les autres autrement qu’avant. Il nous réunit pour que ce fruit de la terre, de la vigne et du travail des hommes que nous lui apportons, cela devienne un repas partagé entre nous, un moment et une source de fraternité. 
Et ce qu’il attend de nous, c’est que nous le laissions changer notre cœur, notre existence, notre travail, toute notre façon de vivre les uns avec les autres. 

« Venez déjeuner » : c’est notre cœur, frères et sœurs, que le Christ vient nourrir ce matin, pour qu’avec sa force, nous mettions le partage, l’attention aux autres au centre de notre existence. 

Pour que nous soyons vivants. De sa vie à lui, Le Vivant.

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