Par quel mystère ou quel réflexe peut-être est-on enclins à transformer la foi vivante en une série de propositions abstraites, théoriques ? Sans doute, et c’est louable, est-ce le souci d’exactitude ou de précision ? Peut-être aussi s’agit-il de prendre distance avec nos émotions ?

Voici quelques semaines, nous lisions l’évangile de la réanimation de Lazare. Et notamment ce beau dialogue entre Marthe et Jésus. Marthe confesse sa foi. Celle d’une bonne pharisienne, pieuse, bien catéchisée : « Je sais que mon frère ressuscitera à la résurrection au dernier jour ». Mais ce savoir n’aide pas Marthe. Si bien que Jésus lui fait faire un pas de plus. Un pas ! Oui mais quel pas. « Je suis la résurrection et la vie », lui dit Jésus. Ainsi la résurrection n’est pas quelque chose mais quelqu’un. Et être en lien avec celui qui est la vie et la résurrection aide Marthe.

Dans ce même ordre d’idées, nous n’avons pas de récit de résurrection, récit qui ressemblerait par exemple à un reportage de journalistes. Nous n’avons pas non plus de définition de la résurrection. Nous avons – et c’est beaucoup mieux – des récits qui nous racontent la rencontre avec le ressuscité. Avec le Christ Jésus vivant. Des récits ? Mieux vaudrait dire des témoignages. Un trait important de ces récits, c’est la prévenance, l’initiative de Jésus. Il vient au-devant, il vient à la rencontre mais sans s’imposer ou faire intrusion. Il ne veut pas non plus persuader, convaincre, prendre revanche sur le passé. Il est un Dieu qui vient à nous sous d’autres traits ; d’autres traits que ceux de la puissance ou ceux de l’évidence. Un Dieu qui se laisse deviner, qui ne tombe pas sous le sens.

Et effectivement, - et c’est là un deuxième trait de ces récits d’apparition : il y a chez les disciples du questionnement, de l’hésitation, du doute, de l’étonnement surtout. Si pour les anciens Grecs l’étonnement était le premier pas de la philosophie, pour les chrétiens l’étonnement est, sûrement, le premier pas de la foi.
Mais qu’y a-t-il derrière cet étonnement ? Je pense qu’il s’agit du passage du savoir, de l’expérience des sens, de la rencontre matérielle à l’expérience de foi, à la survenue du désir. Une phrase pleine d’ambiguïté montre bien ce saut vers « autre chose » : personne n’ose lui demander qui il est car dans le fond, ils l’ont reconnu. Et puis surtout, Jésus demande à Pierre non pas « Sais-tu qui je suis ? » mais « Pierre, m’aimes-tu ? » La profession d’un amour. Non d’un savoir.
Un troisième trait : la rencontre du ressuscité est source de transformation. Ici Pierre est clairement désigné comme pasteur et la nuit stérile des pêcheurs devient vie féconde. Tandis qu’ils avaient repris leur ancien métier, les disciples et apôtres sont envoyés vers les hommes.

Ainsi donc pour les témoins du Christ vivant, comme pour nous, le Seigneur ressuscité vient à nous, sous d’autres traits, dans le clair-obscur de la foi, du désir et de l’amour. Parfois nous nommons saprésence, parfois on se dit « j’ai croisé la bonne personne au bon moment », ou encore « le hasard fait bien les choses », d’autres encore y voient un jeu de coïncidences mais quels que soient les mots que nous posons, notre vie alors prends naissance. Tout est alors au rendez-vous : nos pensées, nos émotions, nos désirs les plus profonds, le monde et la place que nous avons à y tenir.
Lorsqu’il se retourne, François d’Assise ne voit plus personne et pourtant il venait d’embrasser un lépreux, malgré cet immense dégoût qu’il éprouvait. Plus personne et pourtant nous dit le narrateur, la campagne était rase, dans ces environs d’Assise. Il n’y a pas à douter : le ressuscité était là sous les traits d’un lépreux. Quant à François ce qui était amer devint d’une extrême douceur et il se mit à servir les lépreux. C’était le début de sa conversion. Le chevalier d’une cause politique deviendra le troubadour de Dieu.
Et nous, sous quels traits avons-nous rencontré le ressuscité ? Et lui qu’a-t-il changé en nous ?

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