Messe célébrée à l’occasion de la fête du pardon de la paroisse Notre-Dame du Mur célébrée traditionnellement le jour de la Sainte Trinité.

Avant d’être un dogme, la Trinité, c’est une expérience

C’est aujourd’hui la fête de la Sainte-Trinité. La Trinité, si l’on s’en tient à cette formule abstraite, comment imaginer que cela puisse être une fête ? Il y a des fêtes au calendrier qui nous parlent davantage. Dans les églises, on fait la fête à Noël, à Pâques, à la Pentecôte, mais… la Trinité ?

Et la formule apprise au catéchisme n’arrange rien : « Un seul Dieu en trois personnes ». Cette formulation a une résonance abstraite qui décourage l’émotion.

Pire, si la doctrine de la Trinité se met à avoir l’air d’une mathématique céleste : 3 = 1, comme le dit Jean-Pierre Lintanf en souriant, si croire à la Trinité, c’était croire en un Bon Dieu divisible par trois, il n’y aurait pas de quoi faire la fête.

Cessons de plaisanter. Les artistes, et notamment les peintres, se sont essayés, avec talent souvent, à évoquer le mystère dans sa complexité. Mais aucune image, aucun tableau ne suffit à dissiper le brouillard.

Alors, comment comprendre ? Nous sommes ici, dans cette église pour cela ! Eh bien ! Pour nous aider, il faut d’abord dire et retenir que la Trinité, avant d’être un dogme, c’est une expérience, l’expérience des Apôtres, d’abord et des premiers chrétiens, et aussi l’expérience des chrétiens d’aujourd’hui ; la nôtre.

L’expérience des Apôtres. Ils avaient hérité, bien sûr, de la foi de leur peuple, le peuple juif. Une foi en Dieu qui s’était affinée au long des siècles. Ils croyaient en Dieu et le priaient en toute confiance, redisant les mots des psalmistes : Dieu est notre rocher, un abri, une forteresse, un chemin, une lumière. L’expérience des Apôtres, c’était d’abord cela.

Puis, ils ont fait une autre expérience. Pendant trois ans, ils ont partagé la vie de Jésus. Impossible, ce matin, de résumer leur longue découverte. Retenons seulement qu’après la mort de Jésus, se souvenant de la manière dont il avait vécu, de la façon dont il était mort en aimant et en pardonnant, se souvenant des mystérieuses apparitions où ils l’avaient revu vivant, ils ont acquis la certitude que Jésus n’était pas seulement un prophète comme les autres, mais qu’il était « Seigneur ». Ils ont osé croire et osé dire que Dieu lui-même s’était rendu visible dans l’existence de cet homme, son Fils. Quand il parlait, quand il agissait, c’était Dieu qui parlait et qui agissait. Enfin, ils étaient sûrs que le Christ était encore et toujours avec eux par son Esprit, qu’il leur avait promis en les quittant, l’Esprit qui leur donnait la force de proclamer son Nom partout, en dépit des difficultés.

À noter que le mot de Trinité n’a jamais été prononcé, ni par les Apôtres, ni parmi les premières générations chrétiennes, ce qui ne les empêchait pas de célébrer avec foi le Dieu Père, Fils et Esprit.

C’est à la fin du IVe siècle seulement qu’on a parlé de Trinité. Pourquoi ? Il a bien fallu, à cause des hésitations, à cause des erreurs sur la personne de Jésus et sur l’Esprit Saint, traduire le mystère dans un langage qui ferait référence. Après de nombreuses péripéties, la foi des chrétiens se formule et se fixe au IVe siècle, au concile de Nicée et au concile de Constantinople. À Nicée, on affirme que Jésus n’est pas une créature mais qu’il est vraiment « Fils de Dieu ». À Constantinople, on affirme que Dieu est « une seule nature en trois personnes ».

Notions, concepts, formules théologiques sont utiles pour traduire le mystère en langage de référence. Mais nous, nous sommes comme les Apôtres. Notre foi en la Trinité, avant d’être un dogme et une formulation théologique, est une expérience, l’expérience des Apôtres, mais transmise et relue par les générations chrétiennes.

Nous ne prononçons pas souvent le mot de « Trinité », mais nous prononçons souvent les noms du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Tenez, j’ai envie de donner la parole à une petite fille de 11 ans. C’était la veille de sa première communion. La dame qui lui fait le catéchisme lui demande : « Amandine, dans ta vie de chrétienne, qu’est-ce qui est le plus important pour toi ? ». La petite fille se lève, trace un grand signe de croix sur son corps, en disant bien fort : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Et encore ? lui demande la dame. Amandine lui dit : « C’est tout ». La catéchiste est, à vrai dire, un peu déçue. Il lui semblait avoir appris davantage à Amandine. Et pourtant, si au contraire, par ce signe de croix, ce signe trinitaire, Amandine avait dit, sans en être bien consciente, l’essentiel de l’expérience chrétienne ?

Je vous propose de revisiter ce signe de croix que nous faisons tous, mais, reconnaissons-le, presque machinalement, en y voyant bien la croix mais pas toujours la Trinité. Je ne sais pas où j’ai lu ce très beau commentaire mais je vous le livre :

Au nom du Père, la main sur le front, le siège de notre intelligence et c’est de là que part notre vie. Nous affirmons, comme le faisaient déjà les Apôtres, que le Père est source de la vie.

Au nom du Fils, la main sur le coeur, lieu symbolique de l’amour humain. Nous affirmons que le Fils nous a aimés jusqu’à vivre notre vie d’hommes et donner sa vie. C’est l’Incarnation que nous affirmons ainsi, irréductible originalité de l’expérience chrétienne.

Au nom du Saint Esprit, la main sur une épaule. C’est l’Esprit qui nous aide à porter le poids de notre vie et à marcher sur le chemin un peu fou du Christ.

Amen. Oui, j’y crois, c’est vrai, c’est solide comme un rocher, comme la pierre. J’y crois dur comme fer, dur comme pierre.

Oui, nos prières, nos célébrations débutent par ce signe de la Trinité, parce que notre prière s’adresse au Père, au Fils et au Saint Esprit, chaque jour, chaque dimanche, à la messe. Voyez ce matin. Qu’est ce qui fait le lien entre nous, nous dans cette église Saint-Matthieu de Morlaix et vous qui nous accompagnez devant votre écran de télévision ? On nous l’a dit au début de cette messe : nous sommes rassemblés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Nous croyons que le Christ est au milieu de nous. « Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, a dit Jésus, je suis au milieu d’eux ». Nous célébrons la mort et la résurrection du Christ mais toute la prière eucharistique est adressée au Père, par Jésus et dans l’Esprit. Nous communierons tout à l’heure pour nous unir au Christ et c’est au Père que nous demanderons « qu’ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul Corps ».

Le dogme peut nous sembler quelquefois complexe mais notre expérience de croyant, elle ne nous trompe pas. « Dis-moi comment tu pries, je te dirai ce que tu crois », disent les théologiens. Eh bien, nous prions le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Avec la Trinité nous sommes bien en pays de connaissance.

Références bibliques :

Référence des chants :

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