Frères et sœurs, regardez Jésus. Il est retiré en lui-même, à l’écart. Il prie. Qui va-t-il donc rencontrer ainsi ? Mais, ce jour-là, les disciples étant tout proches, il se décide à les interroger : que dit-on de moi ? Et surtout : pour vous, qui suis-je ? La réponse de Pierre est bien connue : « Tu es le Messie de Dieu. » Autrement dit, tu es celui qui va nous sauver, ce qui, pour l’époque, signifie : tu vas nous libérer des Romains !

Sauver notre humanité de la désespérance
Deux mille ans plus tard, on proclame toujours cette réponse. Les Romains finiront par détruire le temple de Jérusalem. Jésus n’a donc pu l’empêcher. Pourtant il demeure le Sauveur. C’est qu’il ne s’agissait pas de résoudre les problèmes politiques de l’époque, mais de sauver l’homme, de sauver tout homme, de sauver notre humanité de la désespérance.

Il y a des jours, en effet, où l’humaine condition nous paraît bien déplorable, tant autour de nous qu’en nous-mêmes. Comment Jésus va-t-il donc nous sauver ? Tout simplement en vivant lui-même notre humanité jusqu’au bout, dans l’amour, dans la fraternité, dans la bonté, dans le don de soi. Seul ce chemin fait vraiment vivre, même s’il peut sembler que nous y perdions notre vie.

Oui, Jésus croit en l’homme et il vit cette foi jusqu’au cœur de la souffrance, quand il est bafoué, rejeté. Et il ose croire que la mort n’est pas le dernier mot. « Il ressuscitera », annonce-t-il. Croire en l’homme au cœur même de tous les démentis qui lui sont infligés par la haine et la violence, par la souffrance et la mort… N’est-ce pas cette foi-là – expression qui revient si souvent dans la bouche de Jésus : « Ta foi t’a sauvé » – que Jésus va chercher dans la prière ?

Écoutez Etty Hillesum, cette jeune juive morte en 1943 à Auschwitz. Au camp de transit de Westerbork, elle est au service de ses frères et sœurs. Elle confie : « C’est vrai, j’ai une vie intense, mais je renouvelle mes forces chaque jour à la source originelle, à la vie même, et de temps à autre, je goûte le repos que m’offre une prière. Et cela les gens… ne le savent pas, ils ignorent qu’on peut se retirer dans la prière comme dans une cellule monacale et qu’ainsi l’ont peut continuer, riche de forces renouvelées et d’une paix reconquise . » (Etty HILLESUM, Une vie bouleversée, Coll. Points 1995, p. 226)

Communautaire, fraternel
L’être humain que Jésus veut faire advenir n’est pas solitaire, mais communautaire, fraternel, ainsi que nous le décrit saint Paul. « Par le baptême, vous êtes tous unis au Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a plus ni Juif ni païen, ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. » C’est cette unité profonde de l’humanité, qui trouve sa source en Dieu notre Père, que Jésus va rechercher dans la prière. Il puise ainsi la force de la faire advenir dans chacune de ses paroles, chacun de ses actes, et ce jusqu’au don total de lui-même, sur une croix.

On comprend que Jésus demande le silence à ses disciples. Ce titre de Messie est encore bien trop ambigu et dans leurs têtes et dans celles de leurs contemporains. Et dans la nôtre aussi. Trop souvent, sauver l’homme signifie pour nous assurer sa retraite, obtenir une baisse des impôts et se garantir des vacances confortables. Je caricature, bien sûr, mais il est bon de s’interroger : rêvons-nous d’une humanité fraternelle et y travaillons-nous, quel qu’en soit le prix ?

La foi chrétienne est donc un engagement au service de l’homme, au nom de Dieu, à la suite de ce Jésus tellement uni à son père, dans la prière – car tel est son secret. Les valeurs chrétiennes ne peuvent s’épanouir qu’enracinées dans le cœur de Dieu. Sinon, elles finissent par ressembler à des fleurs coupées, mises dans un vase et bien vite fanées.

Regardez Jésus, il était en prière…

Références bibliques : Za 12, 10-11a; 13,1; Ps 62; Ga 3, 26-29; Lc 9, 18-24

Référence des chants :

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