Nous connaissons tous cette parabole des talents. Beaucoup d’entre nous, probablement, l’ont entendue commenter dans leur jeunesse pour les inciter à bien travailler à l’école. Nous devrions faire fructifier, mettre en valeur, les « talents » que nous avons reçus. Que peut-elle nous dire encore aujourd’hui ?

Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. Mais quel est donc ce Maître qui confie ses biens à ses serviteurs ? Pourquoi donc ne les confie-t-il pas directement à la banque ? La fin de la parabole est choquante : « Celui qui a, recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. » Cette phrase, sortie de son contexte, a d’ailleurs donné lieu à une expression usuelle puisque, constatant ce phénomène dans la réalité, les économistes l’ont appelé « l’effet Matthieu » : celui qui a s’enrichit et celui qui n’a rien devient plus misérable encore.

Si nous considérons que ce maître qui confie ses biens à ses serviteurs évoque celui d’une autre parabole dans laquelle, à son retour, il les fait mettre à table et se met à les servir, quel autre maître que le Christ se comporte ainsi ? Mais si c’est le Christ lui-même, si c’est Dieu lui-même, le maître de la parabole, quels sont ces talents qu’il nous confie ? La parabole nous dit qu’il appelle ses serviteurs et leur confie ses propres biens. S’agissant de Dieu, qu’est-ce que cela peut être sinon son image ? Dans le livre de la Genèse, il est dit : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. » Quand Dieu nous confie ses biens, c’est rien de moins que son image qu’il met en nous.

Mais qu’est-ce donc que faire fructifier l’image de Dieu en nous ? Si Dieu est amour et qu’il se révèle comme tel dans le dépouillement de sa puissance jusqu’à mourir sur une croix, faire fructifier son image, c’est s’ajuster à cette révélation et mettre nos pas dans ceux du Christ. Faire fructifier son image, c’est aussi la reconnaître et la révéler dans les autres qui nous entourent, leur permettre de se développer : en fin de compte, c’est l’inverse de l’effet Matthieu des économistes, c’est nous défaire de nos richesses matérielles pour que ceux qui n’ont rien puissent accéder à une vie digne sans laquelle l’image de Dieu en eux est abîmée.

Alors, tous nos talents, au sens où l’entendaient les sermons de notre enfance pour nous encourager à bien travailler, c’est à dire tout ce que nous avons reçus, nos richesses intérieures, nos dons naturels… ne méritent d’être cultivés que pour être mis au service de cette vocation fondamentale : développer en nous et en tout homme l’image de Dieu.

Dans notre monde d’aujourd’hui, trop de personnes vivent dans la grande pauvreté et se voient enlever le peu qu’ils ont. L’effet Matthieu des économistes se constate encore plus en période de crise comme nous la traversons maintenant et il peut être tentant, lorsque l’épargne est menacée, de réduire sa générosité en se laissant dominer par la peur. C’est l’attitude du mauvais serviteur. Mais l’image de Dieu en nous s’effacera aussi longtemps que la peur déterminera notre relation à Dieu ou aux autres. Et si nous laissons la peur gouverner notre vie, alors les jours qui viennent seront très sombres pour les plus pauvres et les plus fragiles. Le seul trésor qu’il nous faut faire fructifier, c’est cette marque du créateur en nous et dans les autres, son image. La faire fructifier c’est, par exemple, lorsque nous aidons les autres à se réaliser, à devenir meilleur, à progresser, comme nous l’avons entendu dans le témoignage de Nadham au début de cette célébration.

La faire fructifier, c’est lorsque nous osons le changement de regard sur les plus fragiles. Lorsque nous abandonnons un regard qui juge et humilie pour un regard qui libère, lorsque nous osons le changement d’attitude au sein de notre communauté, pour que les plus pauvres et les plus fragiles y tiennent toute leur place. La faire fructifier, c’est lui permettre de porter du fruit, des fruits de justice et de paix. Cette image, rien ne nous la révèle mieux que le Christ qui prend la place du serviteur. Allons donc, et nous aussi, faisons de même !

Références bibliques : Pr 31, 10-13.19-20.30-31 ; Ps. 21 ; 1 Th 5, 1-6 ; Mt 25, 14-30

Référence des chants : Liste des chants de la messe à Mayotte le 16 novembre 2014

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