Il était une fois, frères et sœurs, un brave jeune prêtre qui s’occupait de jeunes. Comme tous les jeunes prêtres, il était plein de principes. Il savait ce qui est bien et ce qui est mal. Bref, il pensait, dans sa naïveté, que tout est clair. 

J’ai dit que notre jeune prêtre s’occupait de jeunes. Voilà un public intéressant. Très attachant. Et peut-être un peu plus compliqué que prévu.  
Car à la première confession, que dis-je, à la première discussion, notre jeune prêtre se trouva à peu près aussi embarrassé que le cultivateur de Jésus devant son champ de blé. Sur le lopin de bonne terre qu’est chaque adolescent, tout poussait, ce qui était merveille à voir, mais tout poussait en vrac. Du froment, des coquelicots, de l’ivraie, du chardon, de la carotte sauvage et des bleuets. Dans le cœur de ses jeunes se mêlaient, sous la pluie et le soleil du Bon Dieu, la foi et la contestation, la générosité et la flemme, le pur dévouement et l’impure jalousie, enfin tout ce qui peut se bousculer d’une minute à l’autre dans le cœur d’un adolescent parfaitement normal, raisonnablement travaillé par ses instincts, ni sot ni lâche mais confus et paradoxal même à ses propres yeux, et tout tremblant de l’appel au dépassement, à l’héroïsme, à la sainteté que l’Esprit a mis en lui parce que, qui qu’il soit, il est fils ou fille de Dieu. 

Le bon grain et l’ivraie, dis-je. Notre jeune prêtre ne fut pas long à constater que l’un et l’autre étaient si étroitement enlacés que les débrouiller était beaucoup plus difficile que dans son manuel de confession. Le même jeune priait sincèrement alors même qu’était en train de faire une grosse bêtise, mélangeait amour-propre, sainteté et image de soi, avait honte de ce qu’il avait fait et n’avait pas pu s’en empêcher… — je pourrais continuer longtemps, mais vous savez tous ce que c’est. Vous en avez chez vous, des adolescents, et si vous n’en avez pas, du moins l’avez-vous été.
Que fit alors le jeune prêtre de mon histoire ? Eh bien, comme dans la parabole, il apprit la patience et il apprit à faire confiance à Dieu. Naturellement, il a grondé, redressé, conseillé, tout ce qu’on veut. C’était son rôle. Et il fallait bien faire attention, car l’ivraie, la vraie, ne se contente pas d’être une mauvaise herbe : elle est toxique. Mais il a surtout appris à aimer son champ de blé à la façon dont Dieu l’aime, avec ses qualités et ses défauts inextricables. Et, par conséquent, à s’aimer soi-même.

Car c’est là où je veux en venir, frères et sœurs, avec ma petite histoire. Qui, en effet, ne s’est pas reconnu dans cette liste de paradoxes qui peuplent non seulement le cœur des jeunes, mais celui de tout homme et de toute femme, quel que soit son âge ? Nous adultes, sommes plus forts, sans doute ; plus stables ; plus prudents. Mais nous restons ce champ d’anarchie où sans cesse revient la mauvaise herbe. Et nous nous en désolons. 
Mais Dieu nous aime, lui, avec nos herbes folles. C’est ce que Jésus a toujours fait. Au scandale des pharisiens, il voyait d’abord la foi et la charité chez les pécheurs et les impurs, il les prenait en bloc, il les embrassait en entier. Et c’est parce qu’il aimait les pécheurs que ceux-ci pouvaient relever la tête.
Être mêlé de bien et de mal, c’est l’humaine condition. Et le bon cultivateur, le père, le frère, l’ami, doivent le savoir, y prendre garde et ne pas perdre espoir. Quand viendra l’heure, le moissonneur ne gardera que le froment, qu’il recueillera grain par grain, geste d’amour par geste d’amour.

 

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