Curieux de Dieu
« Moïse se dit alors : ‘Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi ce buisson ne se consume-t-il pas ?’ »
Voilà comment commence la Révélation du Nom de Dieu à Israël. Par la question que se pose Moïse devant un buisson qui brûle. Par la question : « Qu’est-ce que c’est ? »
La question même que chacun d’entre nous se pose. Particulièrement ici, à Saclay, au cœur du grand campus de la recherche scientifique en France. La question par laquelle démarre toute démarche de science. Avant même l’hypothèse, avant même les expérimentations : la question « Mais qu’est-ce que c’est ? »
Qu’est-ce que c’est que ce signal radio qui vient du fond de l’espace et qui se traduit en chiffres incongrus sur l’écran de mon ordinateur ? Qu’est-ce que c’est que cette étoile qui se met à clignoter ? Qu’est-ce que c’est que ce muon taquin que j’ai cru apercevoir une micro-fraction de seconde ? Qu’est-ce que c’est que cette moisissure qui a envahi sans prévenir mes boîtes de Pétri ? Plus simple encore, plus enfantin, plus fondamental : quelle est cette drôle de petite bête qui escalade ce brin d’herbe ?
Et toutes les découvertes viennent de cette curiosité que nous partageons tous. La curiosité qui nous fait nous arrêter, nous demander si nous avons bien vu, réfléchir et enquêter. Qui a dit que la curiosité est un vilain défaut ? La curiosité est le génie de l’homme, plutôt !
La curiosité nous fait remettre en question nos convictions. Elle ébranle les théories et amène à de nouvelles propositions. Elle nous libère et ouvre notre monde.
Et ce qui est vrai de la science est vrai de toute notre vie. Quel est ce sentiment qui m’a saisi ? Est-ce cela, l’amitié ? Est-ce cela, l’amour ? Quelle est cette lumière que j’ai cru apercevoir dans tel geste, dans telle parole ? Pourquoi suis-je bouleversé par cet acte de pardon ? Qu’est-ce que c’est que cet appel dans mon intelligence et dans mon cœur ?
Oui, le premier acte de la foi est le même que le premier acte de la science. C’est la question qui nous détourne de notre chemin balisé de certitudes vers un chemin différent, intrigant, incertain, le « qu’est-ce que c’est » dont la réponse est Dieu.
Dont la réponse dit d’elle-même qu’elle est Dieu. Elle s’impose contre les limites de ce que je croyais jusque-là bien certain. La théorie à laquelle j’adhérais me disait : les buissons ne brûlent pas tout seuls, la constante de Hubble a telle valeur et pas telle autre, la résurrection des corps est impossible. Et voilà que les céphéides du Grand Nuage de Magellan me suggèrent une autre valeur pour la constante de Hubble. Et voilà qu’une voix, un témoin, un texte, un ami, me disent : il est vivant. Il a été mort, mais il est vivant. Il était, il est et il sera. Il transcende toute les limites, il fait éclater tous les possibles.
Je puis avoir peur et refuser de m’approcher. Ou bien, comme Moïse, je peux me dire : j’y vais. Je vais m’avancer. Je vais me laisser prendre par la curiosité, affronter l’énigme et risquer une rencontre.
Voilà ce que nous dit l’épisode du buisson ardent. Voilà le fondement de notre démarche d’hommes et de femmes, de chercheurs, de savants, de croyants. Je n’ai pas peur de me poser des questions. Je n’ai pas peur d’aller voir ce que mes yeux ont vu, ce que mon cœur a pressenti. Même et surtout si je devine que cette quête me consumera. Curieux de tout, chercheurs de Dieu, c’est notre fierté, notre noblesse, notre vocation.