Frères et sœurs, Amis en Christ,
Lorsqu’ une famille vient de perdre un être cher, l’évocation de souvenirs occupe souvent le temps de l’attente des obsèques. Chacun y va de son petit refrain pour réveiller le passé aux mille teintes : les complicités partagées, l’amour reçu en héritage… Un brin de nostalgie qui attriste le cœur peut même s’y glisser. La mort ayant condamné tout chemin d’avenir, c’est le retour en arrière qui entretien l’illusion de la présence. Cette même ambiance a envahi l’esprit des apôtres après la mort de Jésus. Aussi a-t-on parfois appelé la solennité de l’Ascension, la « fête des séparations ». Sans doute y-a-t-il une part de vrai dans cette formule.
Il est donc légitime que l’Ascension tourne nos regards vers le ciel, dans le sens où le ciel est pour nous la « Maison du Père ». Chacun de nous a vécu la perte d’un être aimé : qui un parent, qui un enfant, qui un ami. Quand ils nous ont quittés, la rupture des liens visibles est si déchirante qu’elle a envahi les sentiments, les angoisses et les questions que j’ai souvent recueillis comme aumônier d’hôpital : « j’ai peur du vide créé par le départ de l’être aimé … « un seul être vous manque et tout est dépeuplé », pourquoi me laisse-t-il seul ? où se trouve la sortie de secours ? qu’y a—t-il derrière la porte ?
Mes amis, toutes ces questions sont légitimes. Pourtant, guidé par la foi, qui parmi-nous n’a pas retrouvé la force, la paix, voir la profonde certitude que désormais nous avons auprès de Dieu des intercesseurs qui apaisent nos solitudes inhumaines, nos tentations du désespoir ?
Le moment où le Seigneur va quitter ses amis en s’arrachant à leur regard charnel, n’a rien à voir avec une frontière. La tradition liturgique dira dans la profession de foi du symbole des apôtres que Jésus est « monté au ciel ». Mais qu’est-ce que le ciel, sinon une image pour dire le lieu de Dieu, ou bien une façon de dire que Jésus est pleinement en Dieu ? En tout cas, Jésus est ailleurs. Les disciples ne peuvent plus le voir. Il n’est pas dans un endroit précis, un lieu cartographié, un lieu qu’on peut définir. A partir de maintenant Jésus n’est plus la propriété privée des disciples, ni même d’une religion, voire d’une église. On ne peut l’enfermer dans une doctrine. Jésus le Christ va être là, partout à la fois, partout où l’on parle de lui, partout où on le cherche.
De génération en génération, il sera partout où il est prié, chanté, célébré et parfois cela se produira dans des lieux improbables, auprès de personnes aux parcours de vie peu recommandables.
Oui, avec un magnifique optimisme Jésus a ouvert l’avenir de ses disciples à l’inattendu de Dieu. Aucun accent rétro dans son discours d’Adieu, tout est orienté vers demain.
Jésus ne nous demande pas de nous évader de l’histoire, mais de l’écrire avec lui. Sur tous les chantiers de la douleur humaine, le Christ cherche encore aujourd’hui des sourciers capables d’étancher l’inextinguible soif d’amour des hommes.
Frères et sœurs : allez, proclamez, courez les risques de l’Amour. Jésus nous a promis de travailler tous les jours avec nous, pourvu que nous entrions pleinement dans le dynamisme de l’Esprit Saint qu’il nous enverra dans dix jours. L’horizon est immense, l’œuvre est passionnante : aimer les autres, aimer quelques fois maladroitement, mais ne jamais se lasser d’aimer.
Ami, cette fête de l’Ascension fait résonner en moi les premières paroles du pape Léon XlV nous conviant à « construire des ponts » entre le passé et l’avenir.
Elle me fait aussi penser au titre d’un film culte des années 1985, que tu as certainement vu. Il invitait à apprendre du passé, à agir dans le présent et à façonner l’avenir. Alors ? As-tu deviné ce beau titre ? « Retour vers le futur ».