Se laisser fondre pour arriver à aimer nos ennemis

 

On m’a raconté cette histoire qui s’est passé à Paris dans les années 60. Deux jeunes séminaristes en soutane font le mur du séminaire pour aller boire une bière dans un bar. Ils sont accoudés au comptoir lorsqu’un groupe d’antis cléricaux les prennent à parti. La tension monte. L’un d’entre eux s’approche du séminariste et le frappe sur la joue droite en lui disant : « alors, tu ne tends pas l’autre joue ? » Le séminariste s’exécute et l’homme s’en donne à cœur joie, il le frappe violemment sur la joue gauche, au milieu de l’éclat de rire de ses camarades. Le séminariste le regarde calmement, se recule un peu et lui décoche une droite qui envoie l’homme au tapis à travers toute la salle. Tous les clients sont sidérés. Le séminariste dit alors : « Jésus a dit que si on te frappe sur la joue droite, il faut tendre la joue gauche, mais il n’a rien dit sur ce qu’on pouvait faire après ! »

 

La réaction de ce séminariste montre bien que le message que nous donne Jésus aujourd’hui d’aimer nos ennemis est très joli dans les intentions mais très difficile à vivre dans les faits. Je vous propose de distinguer les ennemis de guerre et les ennemis de palier, puis de repérer les trois marches qui précèdent l’amour des ennemis, et enfin de réfléchir sur notre propre condition de persécuteurs.

 

Quand Jésus parle d’ennemis, de qui parle-t-il ? A son époque, les juifs sont en guerre. L’ennemi à aimer, c’est le soldat romain qui a tué quelqu’un de votre famille. Comment l’aimer ? Est-ce qu’on peut demander aujourd’hui à quelqu’un qui a connu la seconde guerre mondiale d’aimer les nazis ? Est-ce qu’on peut demander aux familles des victimes des attentats en France d’aimer les terroristes ? Comment est-ce possible ?

 

La plupart d’entre nous, présents dans cette église ou devant notre télévision, nous ne sommes pas confrontés à des ennemis de guerre, mais plutôt à des ennemis de palier. Nous pouvons avoir dans notre entourage une personne qui nous hait ou qui nous calomnie sans raisons. Jésus nous dit aujourd’hui : « cette personne qui te hait, cette personne qui dit toute sorte de mal contre toi, tu dois l’aimer ! » Comment est-ce possible ?

 

Jésus peut-il nous demander quelque chose d’impossible ? Quelques versets plus loin, il me semble que Jésus nous présente la solution à cette demande surhumaine. Il nous dit qu’aimer notre ennemi, c’est «de ne pas le juger », « de ne pas le condamner », et « de lui pardonner ». Ces trois marches sont le début de cet amour surnaturel qui vient de Dieu. C’est très difficile voire impossible « d’aimer son ennemi », mais je peux commencer par essayer de ne pas le juger, de ne pas le condamner en l’enfermant dans ses actes car il est plus que le mal qu’il me fait, et avec la grâce de Dieu, je peux m’engager sur le chemin du pardon. Enfin et surtout, je dois prier pour lui.

 

Jésus est un fin pédagogue. Il sait que nous tous, vous et moi, si nous sommes parfois persécutés, nous sommes aussi souvent persécuteurs. Il nous arrive nous aussi de faire du mal sans nous en rendre compte, d’être l’ennemi de quelqu’un, de dire du mal de lui, de le calomnier, de le jalouser. Jésus nous dit que « la mesure dont nous nous servirons pour les autres servira de mesure aussi pour nous ». Si j’ai fait du mal à une personne sans m’en rendre compte et que je réalise tout à coup mon péché, je serai soulagé si cette personne cherche d’abord à me comprendre, si elle ne m’enferme pas dans mon péché, et si elle m’offre son pardon. « Ce que tu veux que les autres fassent pour moi, tu dois le faire pour eux »

 

Pour finir, je voudrais vous raconter une autre histoire bouleversante. Peut-être connaissez-vous le père Werenfried décédé en 2003. Ce prêtre religieux hollandais a fondé en 1947 l’AED, l’Aide à l’Église en Détresse. C’était la fin de la seconde guerre mondiale. Il était bouleversé par la misère dans laquelle vivait ses voisin allemands, ennemis d’hier, vaincus d’aujourd’hui. Alors il a commencé à récolter des fonds pour organiser une aide alimentaire. Des centaines de veuves de guerres lui ont fait parvenir leur propre alliance en or pour les faire fondre et récolter de l’argent pour ceux qui avaient assassinés leurs maris. Elles avaient tout perdu mais elles avaient choisi de gravir les trois marches proposées par le christ. Elles avaient choisi de ne pas enfermer les allemands dans le jugement, de ne pas les condamner, de leur pardonner. Ainsi, elles sont montées sur la dernière marche quasi inaccessible, celle de l’amour de l’ennemi.

 

Et nous, qu’est que nous sommes prêts à laisser fondre pour commencer à aimer nos ennemis ?

 

 

 

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