L’image que Jésus utilise dans l’évangile d’aujourd’hui – les brebis qui reconnaissent la voix du maître, et le berger qui connaît son troupeau – cette image exprime une familiarité, voire une intimité, qui est propre aux disciples du Christ. Cette amitié avec le Christ est animée par la prière et par la pratique de la charité.
Nous sommes ici à Berlin qui est devenu à nouveau la capitale de l’Allemagne réunifiée. Pendant plus de 40 ans, ce pays a été coupé en deux et, d’un jour à l’autre, les familles n’ont plus eu le droit de se voir ! Berlin était le symbole de cette cruauté, en particulier depuis la construction en 1961, pas loin d’ici !
Cette année, nous faisons mémoire de la chute du mur en 89, il y a trente ans. Pour nous, les Allemands, c’est un vrai miracle ! Je me rappelle bien : Jamais, on n’aurait cru que ce serait possible ! Par ailleurs, cette révolution a commencé dans les églises, et elle est restée pacifique ! Nous rendons toujours grâce à Dieu qu’il nous ait libérés de ce malheur qu’est la division entre frères !
Les élections européennes vont bientôt avoir lieu. Et nous aussi, en tant que chrétiens, nous sommes interpellés à faire un choix ! Comment l’Evangile peut nous inspirer ? Comment rester fidèle à la volonté du Seigneur qui prends soin de notre humanité, qui la console, la réconforte et lui donne la vie ? Comme l’a fait Jean Vanier, fondateur de l’Arche, communauté présente aussi en Allemagne, et qui est décédé il y a quelques jours ! Et comme l’ont fait les chrétiens, pendant des années pas faciles dans une Allemagne déchirée par le rideau de fer.
Je pense donc que l’expérience de la chute du mur peut être un signe d’espérance, pour nous aussi. Ainsi comme notre commune histoire en France et Allemagne, marquée par trop de sang : la réconciliation des ennemis héréditaires qu’étaient entre nos deux pays, n’est-elle pas la preuve que la réconciliation est possible ? Que l’Esprit a agi dans les cœurs de nos ancêtres ? Que cette âme chrétienne n’a pu être détruite par aucun régime totalitaire ?
Cela signifie qu’aujourd’hui encore nous sommes invités à construire des nouveaux ponts de communion, à croire à la force de la réconciliation, à croire fermement qu’il est possible de changer le cours de l’histoire, à n’exclure personne et à pratiquer l’hospitalité auprès des plus fragiles ! Voilà nos valeurs : elles jaillissent de l’intimité avec le Christ qui nous montre l’amour du Père. Notre culture en Europe a été profondément marquée par cette foi chrétienne. Continuons, donc, de lui donner chair par nos actes !
A Berlin, les chrétiens sont devenus une minorité et je me souviens du discours que le Pape François avait prononcé au parlement européen en 2014.
Il avait évoqué l’idée ancienne selon laquelle les chrétiens représentaient « dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps ». A l’époque il avait invité les députés « à travailler pour que l’Europe redécouvre sa bonne âme », et – en 2016 – il avait affirmé que « la résignation et la fatigue ne font pas partie de l’âme de l’Europe. »
Voilà notre vocation ! Donner du courage ! Inspirer ceux qui sont à la recherche d’un sens ! Même si nous sommes moins nombreux : plus que jamais nous, les chrétiens, nous sommes appelés à être l’âme de l’Europe.
C’est ce que moi-même je vis dans ma propre histoire : je suis né en Allemagne. Mes parents sont des immigrés italiens. J’ai vécu chez les dominicains à Paris, puis à Rome, et maintenant je suis à Berlin, une ville jeune et pétillante. Nous aimons cette ouverture, de pouvoir bouger librement et de créer des liens d’amitié entre les nations, ce qui nous a permis de préserver la paix depuis plus de 70 ans. Mais pour cela, il faut quand même qu’il y ait une âme qui donne une perspective et une orientation.
Jésus dit : « Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. »
Chers frères et sœurs, personne ne pourra nous arracher de la main du Père. Cette bonne nouvelle pascale nous donne la joie de suivre notre vocation, de faire notre choix et de vivre dans l’intimité du Christ.
En communion avec nos frères et nos sœurs en France, en Belgique et partout en Europe, nous prions, afin que nous puissions témoigner de cette amitié avec Jésus, à mettre en pratique l’esprit de communion et d’amour envers tous, et être ainsi la « bonne âme d’Europe » !