Jésus se lancerait-il dans les sondages d’opinion ? S’intéresserait-t-il aux idées que l’on colporte sur lui. Il interroge ses disciples : « qui suis-je au dire des gens ? » Pourquoi une telle question ? Jésus est-il si dépendant de ce que les hommes pensent de lui ? Pire encore ! Tombe-t-il dans le piège si actuel qui consiste à croire que nous ne pouvons exister qu’à partir de l’image que les autres nous renvoient ?
Rassurons-nous, Jésus n’en reste pas là. S’il questionne ses proches, c’est pour leur permettre de prendre la mesure des opinons répandues à son sujet : ne sommes-nous pas dans une situation identique aujourd’hui ? Combien d’opinions différentes sur le Christ nous pourrions recenser ! Attention, pas seulement chez les incroyants, ni même dans les autres religions… où l’on trouverait certes des points de vue variés sur Jésus. Je parle des chrétiens eux-mêmes. Que d’avis différents ! N’avons-nous pas chacun une idée plus ou moins affirmée de qui est le Christ, de ce qu’il devrait être, et par suite de ce que devrait être le discours de l’Église. Bien plus, ne sommes-nous pas persuadés que l’identité de Jésus ne se découvre que dans notre expérience personnelle avec lui ?
Quelle est grande aujourd’hui la tentation de réduire Jésus à ce que chacun en pense ! Et plus grande encore celle de tout admettre sur Jésus, sur le christianisme, sur la religion… comme si toutes les opinions se valaient ! Que serait alors Jésus si l’on suivait cette logique ? La moyenne de nos opinions ? Une sorte de personnage universel sur lequel chacun pourrait donner son propre avis, revendiquer ses propres idées ?

 

Chers amis, c’est justement à ce subjectivisme et ce relativisme que Jésus s’en prend dans l’Évangile d’aujourd’hui. Après avoir entendu les différentes idées qui circulent à son sujet, il pose la question à ses disciples. « Et vous, que dites-vous ? » Remarquons d’abord que Jésus ne dit pas : « Et vous, que pensez-vous ? » mais bien « et vous, que dites-vous ? Quelle est votre parole publique sur moi ? Lorsque vous parlez de moi, quel est votre témoignage ? ». Jésus rappelle à ses disciples qu’ils sont porteurs d’une parole sur lui. Face à ce monde qui se méprend sur sa personne, que dit le disciple ? Vous le constatez avec moi, nous ne sommes plus simplement dans le domaine de l’opinion personnelle sur Jésus, mais bien dans l’ordre du témoignage sur lui. Nous pressentons que notre parole sur Jésus engage plus que nous-même. Ce que nous avons à dire au monde n’est pas simplement de l’ordre du point de vue personnel.
Peut-être me direz-vous alors que seul Pierre a pourtant répondu à la question de Jésus. C’est donc bien une question d’opinion personnelle ! Bien sûr, seul Pierre répond ! Et il fallait qu’un seul réponde ! La réponse du croyant ne peut être une réponse simplement collective ou anonyme. Il importe que chaque croyant s’engage dans cette réponse. Jésus avait bien dit : « pour vous, qui suis-je ? » Pour vous ! Selon vous ! À votre avis ! Jésus rejoint ici la rencontre unique que chacun fait avec lui. Bien sûr, il me faut rencontrer personnellement le Christ pour l’annoncer. D’ailleurs, Pierre lui-même s’engage tout entier dans sa réponse : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » N’en doutons pas, sa réponse est personnelle.
Pour autant, aussi personnelle qu’elle soit, la réponse de Pierre est surtout celle de toute l’Église. En interrogeant, Jésus dit : « Pour vous qui suis-je ». Remarquez qu’il ne dit pas : « pour toi, qui suis-je… pour toi, Pierre ; pour toi, Jacques ; pour toi, Jean ! Mais bien pour vous, qui suis-je ? » Jésus n’interroge pas Pierre tout seul, mais l’ensemble des disciples. Ce qui intéresse Jésus, c’est ce que toute la communauté est capable de dire sur lui… non pas ce que les disciples diraient chacun dans leur coin. Pierre répond en fait au nom de tous les disciples. Est-ce un hasard si, dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus utilise le mot ‘Église’ ? L’Église n’est-elle pas la communauté des disciples qui partagent une même foi, c’est-à-dire un même discours sur Jésus ?

 

Allons plus avant. En répondant : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant », Pierre ne donne pas simplement sa propre version, ni celle de la communauté. Ce qu’il dit ne vient pas de lui, ni même des hommes. Jésus lui-même le déclare : « ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux ». Ainsi donc, ce que Pierre dit de Jésus, ce que nous-même pouvons dire de Jésus, cela vient de Dieu, qui nous a confié l’identité de Jésus. Et c’est précisément sur cette profession de foi de Pierre que toute l’Église est bâtie.
Par conséquent, la parole que je reçois et que je délivre sur Jésus, moi, simple disciple, ne m’appartient pas ; ce qu’est Jésus ne dépend pas de moi, mais bien de Dieu, et de ce que Dieu en a dit à son Église. C’est donc en suivant l’enseignement de l’Église que je connais Jésus tel qu’il est, et non tel que je prétends le connaître, ou tel que les opinions le présentent. Alors seulement, je peux en parler et en témoigner.
Saint Bernard de Menthon, dans la lettre à son père explicitant les raisons de son départ vers une vie plus radicale affirmait avec force : « Je pars pour accomplir ma vocation : servir Dieu. ». Il avait compris que toute vie chrétienne se fonde d’abord sur ce que Dieu dit, et non sur ce que l’homme pense. Tout notre itinéraire de disciple, à l’image de celui de saint Pierre ou de celui de saint Bernard, consiste à adhérer de tout notre cœur à ce que le Père nous dit, c’est-à-dire à ce que l’Église nous confie sur Jésus. La source de notre témoignage chrétien se trouve précisément ici : « Et vous, que dîtes-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ».

Références bibliques : Is 22, 19-23 ; Ps.137 ; Rm 11, 33-36 ; Mt 16, 13-20

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