Pour commencer, un petit effort d’imagination : imaginons un instant, vous comme moi, que nous sommes à la place de ceux qui suivent Jésus, au chapitre 14 de l’Évangile de Jean, que je viens de lire. Jésus, nous le connaissons, nous l’apprécions, nous le suivons. Il a fait pas mal de bruit par ses miracles et ses paroles provocantes et nombreux sont maintenant ceux qui veulent le faire taire. Et nous, qui sommes disciples, nous sommes inquiets. Inquiets pour lui d’abord : Que va-t-il lui arriver ? Puis nous sommes inquiets pour nous aussi : nous avions pris l’habitude de marcher à sa suite, voici qu’il laisse de plus en plus clairement entendre qu’il doit nous quitter…

Alors, pour nous ses disciples, Jésus se fait rassurant : « Je ne vous laisserai pas orphelins… Le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant… Le Père vous donnera un autre défenseur qui sera pour toujours avec vous, c’est l’Esprit de vérité… ». Ces paroles résonnent pour nous comme un adieu, mais également comme un « tenez bon ! », comme un « n’ayez pas peur ! ».

N’empêche – nous sommes toujours dans la situation des disciples, n’est-ce pas ? – les propos de Jésus ne sont peut-être pas pour nous d’une clarté absolue. Pourquoi un défenseur, un autre défenseur et pour nous défendre contre quoi ? Et que signifie: « le monde ne me verra plus mais vous, vous me verrez » ?

Ce que je crois, c’est que Jésus est en train de préparer ses disciples à ce qu’on appelle « le temps de l’Église » Le « temps de l’Église » suit sa mort et sa résurrection et se prolonge jusqu’à nous aujourd’hui. C’est un temps où les chrétiens n’arrêtent pas de dire : « Jésus est vivant » alors qu’ils ne peuvent pas dire : « viens le voir et le toucher, il est ici, il est là, viens entendre ses paroles et viens constater ses miracles ! ».

Nous qui vivons ce temps de l’Église, notre challenge est de chercher à voir Jésus à l’œuvre alors qu’on ne peut pas le toucher ! Souvenons-nous : « Le monde ne me verra plus, mais vous vous me verrez vivant ». Notre challenge est de percevoir sa présence, alors qu’on ne peut plus se protéger derrière lui ! Autrement dit, nous ne pouvons plus être seulement des suiveurs, il nous faut être des acteurs ! L’Esprit de Dieu est bien avec nous, mais il ne s’impose pas, il nous faut le chercher. C’est d’ailleurs bien qu’il en soit ainsi. Nous ne voudrions pas d’un amour qui s’impose : il nous est bon de le désirer, de chercher à le construire.

Chercher à déceler l’Esprit de Vérité, d’accord, mais comment ? Il n’existe pas d’appareil à détecter le Saint-Esprit ! En fait, il n’existe qu’un seul moyen, il nous faut « faire Église ». Et cela veut dire trois choses : premièrement ne pas rester seul et rejoindre d’autres. Deuxièmement, avec les autres, regarder la vie que nous menons et nous soutenir pour la prendre en main. Troisièmement, avec les autres, confronter sa vie aux gestes et aux paroles de Jésus Christ.

Faire Église, c’est ce que l’on fait à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne et je vais en parler maintenant. En ce 1er mai, nous sommes accueillis par la communauté de Clichy, qui est un haut lieu de la naissance de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, la JOC, un mouvement d’Église où l’on passe beaucoup de temps à « relire sa vie ». Voilà une belle expression, « relire sa vie » ! Notre vie est comme un grand livre; les pages tournent vite, trop vite. Et cela est bon de s’arrêter, de feuilleter, de déchiffrer. La JOC regroupe en petites équipes des jeunes qui comme nombre d’entre eux traversent des galères : précarité de l’emploi, problèmes familiaux, difficultés du logement. Ils apprennent ensemble à s’écouter, à se conforter, à prendre des initiatives. Ils peuvent être délégués de leur classe, rencontrer des responsables politiques de leur commune, s’informer sur leurs droits au travail, intervenir pour soutenir d’autres jeunes en emplois saisonniers. Exemples : un jeune monte avec des copains une soirée interculturelle dans son lycée. Un autre qui a enfin trouvé un contrat à durée indéterminée vient soutenir les autres qui vivent des emplois précaires. Un autre devient conseiller municipal…

Une expression qui date des débuts de la JOC a toujours cours : « voir – juger – agir» Vivre le temps de l’Église, pour les jeunes de ce mouvement, c’est ne pas rester seul, relire ensemble les livres de leurs vies, y déceler le positif et se soutenir mutuellement. C’est aussi ne pas accepter d’être un bouchon ballotté par le fleuve de la vie et décider des actions qu’ils vont mener en étant solidaires. Et c’est encore se rapporter à la personne de Jésus, à ses actes et à ses paroles, pour y puiser, toujours et toujours, la force de continuer. Un jeune de ce mouvement écrit : « Si je n’avais pas fait de JOC je pense que ma foi n’aurait pas une telle place dans ma vie. C’est une foi d’engagement. Je crois en l’autre. Je crois que Dieu aime le monde. ».

Certes, ce n’est pas toujours facile de s’accrocher à relire sa vie pour voir l’Esprit à l’œuvre. Ce n’est pas toujours simple de s’engager avec d’autres à bâtir l’amour de Jésus Christ, afin de le percevoir bien vivant. Parfois le découragement peut nous atteindre… L’expression de Jésus : « Mon Père vous enverra un autre défenseur» prend là toute sa force. Contre quoi avons-nous besoin d’être défendus ? Contre pas mal de choses sans doute, mais notamment d’abord contre nous-mêmes, contre la lassitude à se battre dans un monde dur. Contre le sentiment d’être impuissants dans des problèmes qui nous dépassent. Contre le « à quoi bon ? » qui ronge nos énergies…

Voir, juger, agir, c’est toujours d’actualité, à la JOC ou bien dans d’autres mouvements d’Église. La foi n’est pas un « truc » solitaire, c’est une affaire de famille ! Croire n’est pas un sentiment individualiste, c’est se serrer les coudes, faire Église. Puissions-nous nous arrimer à la parole de Dieu, connaître Jésus le Christ pour pouvoir dire que c’est lui qui nous inspire et nous tenir ensemble pour déceler l’Esprit de Dieu à l’oeuvre chez les autres.

Références bibliques :

Référence des chants :

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