Ce genre de carte a largement dû être utilisé cet été. Elles sont très utiles pour se repérer sur les sentiers ou pour arriver au camping à la bonne heure. Dans l’Evangile de ce matin, il est justement question de place à chercher et à trouver. Luc emploie d’ailleurs le mot grec topos τόπος, le lieu, pour parler de cette place. Quoi de mieux donc, qu’une carte topographique pour trouver sa place ?

Ceci-dit, trouver sa place n’est pas qu’une question de géographie. Il y a celles-et-ceux qui ont une bonne place au boulot et ceux qui sont en train d’en changer, il y a aussi ceux qui savent bien se placer. Il y a ceux qui craignent d’être remplacé dans leur couple, il y a ceux qui ne trouvent plus leur place dans leur famille ou avec leurs amis, voire dans l’Eglise. Il y a ceux qui, même bien entourés, se sentent terriblement seuls et pas à leur place. Comme le remarque l’écrivaine Claire Marin dans son dernier livre : « ça commence parfois par une inquiétude ou un malaise. On se sent en décalage, on craint d’agir de manière déplacée. On a le sentiment de ne pas être à sa place » . Personne n’est seul à vivre cette situation.

Trouver sa place n’est décidément pas qu’une question de géographie. Quelle est alors la place de chacun dans ce monde tel qu’il est aujourd’hui ? C’est bien la question du jour. Et comme toujours dans ces questions qui engagent notre existence, Jésus répond en parabole. La réponse ne viendra donc pas de l’extérieur, pas même de Dieu, elle viendra de nous-mêmes. 

Reprenons donc la parabole, elle doit pouvoir aider chacun à trouver sa place. En parlant d’invités, cette parabole prépare à une remarque de Jésus, juste après le passage qu’on vient d’entendre : « heureux qui prendra part au repas dans le Royaume de Dieu » Lc 14, 15. Nous sommes en effet invités au Royaume. Et ce sera notre joie ! A ce repas, c’est Dieu lui-même qui est l’hôte, c’est lui qui invite. Il doit alors évidemment s’appliquer à lui-même ce que Jésus dit au pharisien ce matin : « quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles » Lc 14, 13. Parce-ce que ce sont les affamés qui sont invités : pas ceux qui se suffisent à eux-mêmes. Ce sont les humbles qui sont invités, ceux qui peuvent recevoir quelque chose. L’Evangile qu’on vient d’entendre n’est donc pas d’abord une invitation à être charitable envers les pauvres. Encore que ! C’est surtout une invitation à nous reconnaitre insuffisants, une invitation à laisser se creuser en nous un creux pour pouvoir prendre « part au repas dans le Royaume de Dieu ». Rien n’est possible sans cette humilité parce que « la condition de l’orgueilleux est sans remède » Si 3, 28 comme le souligne le Sage Ben Sira dans la première lecture.

A partir de là et de cette humilité nécessaire, quelle est la place de chacun dans ce monde tel qu’il est aujourd’hui ? Y compris avec l’eco-anxiété dont on entend parler cet été avec les incendies un peu partout en France ou avec les manques d’eau jusque dans les robinets. Quelle est donc la place de chacun dans ce monde tel qu’il est aujourd’hui ?

François de Sale disait : « fleuris où Dieu t’as planté ! ». Don Bosco, lui, constatait que « les choux repiqués poussent mieux ». Alors la bonne place, c’est rester ou bouger ? 

En tout cas, personnellement, je ne veux pas d’embrouilles avec les Saints. Être à sa place, ce serait donc plutôt ne pas avoir de place définie et définitive comme une pièce de puzzle ou le petit géranium du palais de César, juste ici. Parce-que si l’espace topographique est le lieu qu’on connait bien (avec une carte ou par expérience), le temps  est le lieu de tous les possibles  ; et il nous échappe.

Dans la parabole, c’est l’invitant qui place, l’invité se laisse placer. Se laisser placer, pour un temps plus ou moins long, c’est une manière d’explorer concrètement cette vaste réalité, à la fois spatiale et temporelle. Et notre place doit alors changer, qu’on soit enfant, étudiant, en activité professionnelle ou de plus en plus fragilisé par la vieillesse. La cohérence de notre vie se déploie sur toute notre vie, pas en un seul instant, ce serait tellement la réduire.

Se laisser placer, certains pourraient imaginer que c’est une démission à faire changer le monde. Je crois au contraire que c’est une écoute du monde pour y prendre toute sa place. En nous laissant placer tranquillement grâce à 3 écoutes distinctes :
l’écoute des autres, des évènements et de la planète – ce qui nous entoure,
l’écoute de nos propres désirs, 
et l’écoute de l’Evangile,
Grâce à ces 3 écoutes, nous trouverons alors une bonne place pour chaque époque de notre vie, du merveilleux au tragique. Elles sont notre meilleure boussole, mieux qu’une carte topographique, pour entendre l’invitation au Royaume de Dieu. Nous serons sans doute souvent déplacés au long du chemin. Cette place ne sera pas forcément plaisante, elle sera juste la place du moment à habiter, honorant la vie telle qu’elle est, parfois si misérable, si fabuleuse en vrai. La beauté de notre vie se déploie sur toute notre vie, pas en un seul instant, ce serait tellement la saccager.
Heureux sommes-nous d’être de ces pauvres, invités gratuitement à ce repas du Royaume… pour notre joie ! Invitation à relayer aujourd’hui autant que possible, bien sûr ! Avec humilité et tout ce que nous sommes. Car en fait, « le Royaume de Dieu est notre avenir parce que c’est déjà notre présent » .

Retrouvez le texte de l'homélie ICI.
 

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