Chers frères et sœurs, permettez-moi, exceptionnellement, de prononcer aujourd’hui l’homélie en français pour ceux qui regardent cette liturgie à la télévision.

« Qui suis-je, au dire des gens ? » Voilà sans doute la question la plus étonnante de toute la Bible. La réponse de nos contemporains ne diffèrerait sans doute pas beaucoup de celles que rapportent les disciples. Qui donc est Jésus pour l’homme de la rue ? Un mythe ? Un prophète parmi d’autres ? Un héros hellénistique ? Un maître de Sagesse ? Un zélote révolutionnaire ? Ou encore, comme le disait Renan : « le doux rêveur de Galilée » ? Mais la question s’adresse d’abord à chacun d’entre nous : « Pour vous, qui suis-je ? ». Pour nous, qui est Jésus ? Nous pouvons répondre comme saint Pierre : « Tu es le Messie ». Nous pouvons donner les réponses que nous avons apprises au catéchisme : oui, Jésus, tu es le Fils de Dieu, le Rédempteur, le Verbe fait chair, la deuxième personne de la Trinité ! Mais ces réponses ne suffisent pas. Ni celle de Pierre, ni celle du catéchisme. Il ne suffit pas d’affirmer que Jésus est le Messie, ni même qu’il est Dieu, encore faut-il savoir ce que cela signifie, pour Jésus et pour nous.

Pour Jésus, cela ne signifie pas « un chemin de grandeur », mais la souffrance et la Croix. La première lecture, du livre d’Isaïe, que l’on appelle la « prophétie du Serviteur souffrant », présente le Messie non pas comme un roi triomphant, mais comme un serviteur qui accepte de se faire victime de la violence des hommes. Le Messie est celui « qui ne s’est pas révolté, qui ne s’est pas dérobé », qui n’a « pas protégé son visage des outrages et des crachats. » Pour surmonter la violence, il lui faut accepter d’en être la victime. Voilà qui est inacceptable pour l’apôtre Pierre, qui attendait un Messie glorieux, libérateur d’Israël. Et voilà qui est bien difficile à comprendre pour nous aussi.

Car confesser notre foi en un Messie souffrant a des conséquences aussi pour nous. Si nous voulons suivre le Christ, nous devons nous aussi accepter ce chemin d’humilité. « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ? Renoncer à soi-même, c’est refuser de faire de sa personne le centre de ses intérêts, de vouloir tout diriger, de vouloir avoir toujours raison. Prendre sa croix, c’est, comme nous l’enseigne saint Jacques dans la deuxième lecture de ce jour, rejoindre les hommes dans leurs détresses, donner nos vies pour nos frères. « Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il? ». Suivre le Christ, c’est perdre sa vie, c’est-à-dire l’accomplir, selon le paradoxe que nous enseigne aujourd’hui Jésus : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »

Frère et sœurs, c’est ce chemin qu’ont pris des milliers de saints, en particulier ici en Russie. Il y a quelques décennies seulement, à l’époque soviétique, des chrétiens ont accepté de tout perdre, de renoncer à tout confort, à toute sécurité, à toute famille, à tout avenir et jusqu’à leur vie. Ils l’ont accepté, non par amour de la souffrance, mais pour témoigner de l’amour infini du Christ et pour donner la vie à d’autres. C’est grâce à ces croyants qui ont tout donné que nous pouvons aujourd’hui nous rassembler ici dans cette église. Puissions-nous imiter leur exemple. Si vraiment Jésus est le Messie, alors ne nous contentons pas de le dire, mais marchons à sa suite et donnons joyeusement nos vies les uns pour les autres. Amen.

Références bibliques : Is 50, 5-9a ; PS. 114 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35

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