Mes bien chers frères, chers frères et sœurs, chers téléspectateurs, mercredi dernier nous sommes entrés dans le temps du Carême, et dans un geste d’humilité et de pénitence, avec toute l’Église, nous avons reçu les cendres. Ainsi, s’est ouverte pour chacun de nous, une forme de retraite de quarante jours, que nous accomplissons en communion avec tous les chrétiens du monde entier, mais aussi en union avec Jésus au désert.

La brièveté et la sobriété de l’Évangile de saint Marc, que nous venons d’entendre, ne manquent pas de nous étonner. Après son baptême par Jean, Jésus est poussé au désert par l’Esprit. Là, il reste quarante jours, tenté par Satan. Puis, il nous dit : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». C’est tout, ou à peu près tout, ce que nous dit saint Marc et cependant, en quelques mots, voici tracé, pour chacun de nous, tout un programme de vie chrétienne, à savoir : l’expérience du désert !

En effet, nous sommes tous invités, à un moment ou à un autre de notre vie, à l’exemple et à la suite du Christ, à nous laisser conduire par l’Esprit au désert. Comme l’immensité de la mer ou la majesté de la montagne, le désert est un espace fascinant ; fascinant, par son étendue, sa beauté, sa lumière, par la splendeur de ses nuits étoilées, il nous dit spontanément quelque chose de Dieu ; mais fascinant aussi, par la part de mystère et de danger qu’il contient.

Il ne faut cependant pas s’y tromper, car il y a désert et désert. Dans notre société de loisir et de consommation, on tente d’apprivoiser le désert, et surtout de le commercialiser, en y multipliant de confortables excursions touristiques, de luxueux safaris ou de médiatiques rallyes auto-moto. Mais le désert est fondamentalement un lieu aride, une terre inhospitalière, et pour nous, chrétiens, traditionnellement, un lieu de pénitence et de purification, pour nous préparer à la rencontre avec Dieu. En ce sens, le désert est pour nous, par excellence, le lieu du combat spirituel, du combat contre les forces du mal. Il s’agit de ce combat qui ne se mène pas contre les autres, mais contre nous-mêmes, contre ces puissances des ténèbres qui résident en nous-mêmes et qui ne manquent pas de se manifester et de nous entraver.

Au reste, vous l’aurez remarqué, il n’est pas nécessaire de partir bien loin pour faire l’expérience de ce désert, parce que ce désert, au sens spirituel, est là au cœur de notre vie. C’est tout simplement le temps de l’épreuve, de la solitude, du silence, de la faim, de la soif. C’est le temps du manque. Là, nous sommes éprouvés dans notre corps, dans notre cœur, dans notre sensibilité. Ce combat nous plonge dans la nuit et très vite nous faisons l’expérience de nos propres limites. Nous constatons amèrement que nous ne sommes pas complètement libres, que nous sommes finalement plus dépendants que nous ne le croyons de nos idoles, de nos mauvais penchants, et que nous ne pouvons pas nous en défaire si facilement. Ce temps d’épreuve manifeste donc notre fragilité, notre dépendance.

Ainsi, le désert nous fait faire l’expérience de notre pauvreté. Mais, paradoxalement, cette expérience possède un aspect salutaire dans la mesure où elle suscite aussi une espérance. Elle nous met dans les conditions pour recevoir et accueillir cette lumière, cette petite lumière qui éclaire le fond de notre cœur et attise ardemment notre désir de Dieu. À cette lumière, nous réalisons mieux combien nous sommes loin du Père et, par voie de conséquence, combien nous avons besoin de nous purifier, de nous libérer, de nous dégager de tout ce qui nous encombre. Et ce n’est pas tant alors une envie soudaine de faire pénitence qui prime en notre cœur, mais un profond désir de simplicité, de vérité, de pureté, qui nous anime et qui nous presse comme une nécessité. Une lumière se lève dans notre nuit, une évidence s’impose : notre chemin de bonheur nous entraîne dans une forme de dépouillement.

Ainsi préparés, l’expérience du désert nous conduit comme naturellement à une rencontre personnelle avec Dieu, rencontre qui s’opère dans la liturgie, les sacrements de l’Église, la lecture de la Bible. Cette dernière que l’on appelle la « Lectio divina » tient une place fondamentale dans la vie de ceux que l’on appelle précisément les « Pères du désert », mais aussi dans la vie des moines d’aujourd’hui. Il s’agit tout simplement d’ouvrir en même temps son cœur et sa Bible, pour accueillir à travers cette lecture paisible et méditative de la Parole de Dieu, ce que le Seigneur veut me dire à moi aujourd’hui. Dans ce long, et parfois lent, cheminement, nous découvrons soudain que nous sommes aimés depuis toute l’éternité, que Dieu nous précède, que Dieu nous attend, que nous avons du prix aux yeux de Dieu.

Aujourd’hui, nous l’avons entendu ensemble, Dieu nous redit : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile », parce qu’il nous aime, parce qu’il veut faire alliance avec chacun de nous, parce qu’il veut faire alliance d’amour avec vous, avec moi. Amen.

Références bibliques : Gen 9, 8-15 ; Ps. 90 ; 1 P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15

Référence des chants : Liste des chants de la messe à l’abbaye de Kergonan dimanche 22 février

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