Le mot "sauvé" qui est au coeur de cet Évangile d’aujourd’hui revient plus de 300 fois dans la Bible. De quoi s’agit-il ? Sauvé de quoi ?

"Ta foi t’a sauvé" dit Jésus aux infirmes après les avoir guéris. Mais il y a plus grave encore que les infirmités physiques ! Il existe une lèpre de l’âme, une paralysie du coeur, un cancer de l’esprit. Un virus invisible peut effacer en nous toute joie. C’est surtout de cela dont Jésus nous parle lorsqu’il dit : "Le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu".
 Qui sera sauvé ? demande-t-on à Jésus. Quelle étrange peur de Dieu dans cette question ?

Le Curé d’Ars disait : "Notre Seigneur est comme une mère qui porte son enfant sur ses bras. Il aura plus tôt pardonné au pécheur repentant qu’une mère n’aura retiré son enfant du feu". Le salut est proposé à tous sans exception. Mais que peut le meilleur médecin si le malade refuse de guérir ? Et l’Évangile de ce jour est sévère envers ceux qui voudraient utiliser Dieu, pour de mauvaises causes, au détriment de l’homme.

Sera sauvé celui qui se tourne, dans la confiance, vers le Christ et qui lui dit : « Change mon coeur de pierre en coeur de chair. J’entrerai par cette porte que tu es… toi qui as dit "Je suis la porte. Je suis venu pour que vous ayez la vie". J’entrerai par la porte étroite des béatitudes ». Elle est étroite, mais elle mène au vrai bonheur.

Pour vous rendre cette page d’Évangile plus concrète et plus actuelle, j’aimerais vous parler d’une femme qui est chère à cette maison… ô combien, puisqu’elle est à son origine. Il s’agit d’une paysanne de la Drôme. Sa vie témoigne de l’Essentiel. Lorsque Dieu trouve sur notre terre quelqu’un qui s’offre ainsi comme point d’ancrage, comme courroie de transmission, alors Dieu accomplit des merveilles !
 Cela commence comme un conte de fées.

Il était une fois un Roi qui tomba amoureux d’une bergère. Il se nommait Jésus, nom qui veut dire : "Dieu sauve". Elle se nommait Marthe, comme la soeur d’un certain Lazare que Jésus fit sortir vivant du tombeau. À douze ans, elle aimait courir dans les prairies en fleurs, travailler à la ferme, coudre, danser. Dix ans plus tard, comme un oiseau foudroyé en plein vol, elle est atteinte d’encéphalite épidémique. Peu à peu, en quelques années la paralysie gagne du terrain. Bientôt Marthe n’aura plus aucune autonomie. Ses jambes, ses yeux la quittent. Même le sommeil l’abandonne. On peut difficilement imaginer plus démunie. Elle aurait pu, comme tant d’autres, se révolter contre son créateur, crier que Dieu ne peut pas exister puisque de telles choses existent ! La médecine multiplie en vain les diagnostics et les soins. Son état ne fait qu’ empirer.

Il lui reste un trésor : la confiance en Jésus Christ. Jésus est tout pour elle. Il a dit : "Je suis la Porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé". Marthe Robin le prend au mot. Devant les questions des apôtres au sujet des causes de l’infirmité d’un aveugle de naissance, Jésus avait balayé les fausses boîtes noires. Il avait guéri cet homme "pour que la gloire de Dieu se manifeste en lui". Jésus ne guérit pas Marthe. Il fait beaucoup mieux. Il imprime en elle sa ressemblance et sa tendresse. Je ne parle pas seulement des souffrances de la Passion qu’elle revit avec lui chaque vendredi. Je parle surtout de la passion que le Christ éprouve pour l’humanité, la passion de sauver.

Chaque disciple est invité à vivre plus particulièrement une page de l’Évangile. Marthe a choisi Jésus délaissé, humilié. Ce n’est pas la souffrance qui l’attire. Qui pourrait tolérer l’intolérable ? Mais elle aime Jésus et elle veut l’accompagner là où même ses amis l’ont laissé seul : Gethsémani. Jésus n’avait pas recherché la croix. C’est la fidélité à l’amour qui l’a conduit jusqu’à la mort. Marthe n’a pas cherché à entrer dans le Guinness des records. Elle a aimé. Elle est entrée dans la joie surnaturelle d’être associée à la Passion du Christ. "Il répand en moi des torrents d’amour disait-elle, émerveillée !… Prendre sa croix ce n’est pas traîner un boulet, mais mettre du ciel dans sa vie et des ailes à son coeur".

Des jeunes me répètent chaque semaine : "Pourquoi Dieu ne donne-t-il pas signe de vie ?" Quoi ? Ce n’est pas un signe de vie cela ?… Pendant plus de cinquante ans une femme immobile s’unit si fort au Dieu crucifié qu’elle parvient à éprouver, au coeur même de souffrances inhumaines, la plénitude de sa résurrection. "C’est au fruit qu’on juge un arbre." Dites-moi s’il y a plus grande floraison que cette cinquantaine de visiteurs qui, chaque semaine, sont venus verser dans le coeur d’une paralysée aveugle, les paralysies de leur coeur et les aveuglements de leur âme ? L’Esprit Saint qu’elle appelait à la rescousse lui permettait, par quelques mots fermes et doux, de changer du charbon en diamant et des tempêtes en verre d’eau ! De quoi peut-on se plaindre en présence de quelqu’un qui est démunie à ce point ?

Elle voyait l’Essentiel avec les yeux du coeur. "Là où le mal a abondé, l’amour a été le plus fort" disait saint Paul. Y a-t-il fruits plus savoureux, dites-moi, que ces milliers de retraites dans près de 80 Foyers d’amour et de lumière ? J’en fus témoin pendant trente ans sur plusieurs continents et surtout ici même sur cette montagne. Ah, si tous les prédicateurs des retraites accomplies dans les Foyers de Charité pouvaient raconter les métamorphoses spirituelles dont ils furent les témoins ! Quelles merveilles !

Marthe, vous avez été vraiment une "sentinelle de l’invisible" selon les propos du pape Jean-Paul II pour désigner la vocation de la femme. Vous êtes de ce siècle qui a été déchiré par deux guerres mondiales, les camps d’extermination, de nombreux génocides… Le mal et le malin, vous savez comment ils s’y prennent pour nous pourrir l’existence. En unissant votre blessure à celle du coeur du Christ, comme on fait pour un arbre greffé, vous avez trouvé une parade. Vous avez entendu le Christ vous dire : "Ta blessure c’est ma place".

Marthe, je me souviens comme si c’était hier de notre conversation un matin d’été. Je venais d’avoir vingt-sept ans. Sans la contagion de votre bon sens et de votre Espérance je ne serais probablement pas prêtre aujourd’hui.

Merci a Jésus et à sa mère d’avoir mis sur notre route des êtres tels que vous. La disgrâce de votre condition si fragile est devenue par Jésus Christ torrent de grâces pour des multitudes.

Références bibliques :

Référence des chants :

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