« Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins », proclame saint Pierre. La liturgie nous donne 50 jours pour fêter cette bonne nouvelle. Elle est le cœur de notre foi. Je vous avouerai, en effet, que s’il n’y avait pas Jésus, sa mort et sa résurrection, je serais sans doute athée. Pâques était la dernière chance de Dieu. S’il existe, il ne pouvait laisser pendre au gibet de la croix, cet homme qui n’avait fait que le bien.
À quoi donc rime cet univers, si celui qui se considère la pointe la plus avancée de l’évolution, l’être humain, est capable de telles turpitudes ? Le bien a parfois tant de peine à se faufiler. « Lui, le saint et le juste, vous l’avez rejeté et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier », accuse saint Pierre. Il est vrai qu’il nuance : « Je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance… » Il n’empêche. Dieu ne s’était-il pas trompé, lui qui, après avoir créé l’homme, s’était exclamé que c’était très bon ? « Que la lumière soit ! », avait-il dit aussi, mais que de ténèbres depuis…
Le spectacle du monde peut être si désolant. Guerres, divisions, haines et jalousies, meurtres… Comment donc croire encore en un Dieu ? Le Christ, sur la croix, s’est lui-même interrogé : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Où donc est Dieu, entendit murmurer Élie Wiesel dans l’enfer d’Auschwitz, tandis que les SS pendaient un adolescent.
Et pourtant, avec toute la tradition chrétienne, je reconnais dans ce crucifié du Vendredi saint, Dieu lui-même qui partage toutes nos souffrances. Sa seule excuse de Dieu, c’est la croix de Jésus.
Une symphonie inachevée
Mais s’il n’y avait que le Vendredi saint, sans doute Dieu serait-il excusé de notre souffrance, mais comment justifier la création ? Il aurait mieux valu qu’il n’y ait rien. Heureusement, le tombeau vide du matin de Pâques et les apparitions du Ressuscité nous permettent de garder l’espérance. Le dernier mot n’est pas encore dit. Notre monde n’est pas une cacophonie, mais une symphonie qui cherche son accord final. La Résurrection de Jésus nous en fait entendre les premières notes dans l’alléluia de la nuit pascale. Et le thème qui court à travers toute l’œuvre, son cantus firmus (1) c’est l’amour.
Le Vendredi saint et Pâque sont un seul et même mystère, celui de l’amour jusqu’au bout. Je crois en la puissance de l’amour. Voyez, dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus montrer ses plaies. La résurrection n’est pas la négation de la croix, ou une revanche, mais la manifestation de l’amour vainqueur, le signe que Dieu était vraiment avec le crucifié, qu’il est avec tous les crucifiés du monde. La croix est lumineuse.
Les Écritures, que Jésus commente pour ses disciples au soir du premier jour de la semaine, sont en effet l’histoire de la lumière. Dieu l’a voulue au premier jour du monde, mais elle a besoin de notre consentement pour se frayer un chemin et traverser les ténèbres. Au début du monde, il y a eu le « oui » de Dieu : Fiat Lux, que la lumière soit ! Au cœur de notre histoire, le « oui » de Jésus au jardin des Oliviers lui fait écho : Fiat voluntas tua, que ta volonté soit faite ! Pour que retentisse l’accord final dans toute son ampleur, il faut maintenant le nôtre. C’est à cela que saint Jean, dans sa première lettre, nous invite : « En celui qui garde fidèlement sa parole, l’amour de Dieu a atteint vraiment la perfection. »
À cause de Jésus
Oui, frères et sœurs, j’ose croire en Dieu à cause de Jésus. Qu’au cœur de notre humanité, un tel amour ait été possible, me permet d’espérer et m’invite à me convertir. La victoire de Pâques passe en effet par ma conversion et par la vôtre. En ce temps-là, ils furent nombreux à se rassembler en communautés fraternelles où l’amour devenait la seule loi. Un monde nouveau germait. Prendrons-nous le relais ? Pâques, ce n’est pas le printemps après l’hiver, c’est beaucoup mieux. Un jour, Dieu pourra nous le confirmer : Tout cela est très bon et pour l’éternité ! « Voici que je fais toutes choses nouvelles ! », dira-t-il (Apocalypse 21, 5).
La résurrection est donc bien plus qu’une histoire qui finit bien. Le tombeau est ouvert sur l’avenir. Notre humanité semble tourner en rond, nos existences aussi. Combien de fois ne nous arrive-t-il pas, en effet, de ruminer notre passé, de ressasser nos échecs, nos rancunes, de refaire nos petits calculs égoïstes ? Pâques nous ouvre un avenir : à nous de l’inventer, avec celui qui est ressuscité et qui nous rejoint au cœur du quotidien : dans le jardin, il se fait jardinier ; pour les pêcheurs, il remplit les filets ; avec les désespérés, il fait un bout de route…
Ainsi, dès aujourd’hui, frères et sœurs, accueillons sa Paix en nous et entre nous. Tel est son souhait : « La paix soit avec vous ! » Réconcilions-nous les uns avec les autres. « Le pardon a jailli du tombeau », chante un chant de Pâques. Puisse-t-il aussi jaillir de nos cœurs et nous trouverons la paix. C’est elle que je vous souhaite. Amen, alléluia !
(1) Le cantus firmus, dans la musique médiévale, est une mélodie préexistante servant de base à une polyphonie. S’appliquant primitivement au chant grégorien, en raison de son rôle dans les premières polyphonies de type organum, le cantus firmus peut également être d’origine profane. Plus généralement, il s’agit d’une mélodie (non mesurée à l’origine) sur laquelle on bâtit une voix nouvelle. Sur un plan plus théorique et dans le cadre de l’étude de l’écriture musicale, il s’agit d’une mélodie, le plus souvent assez brève et écrite en valeurs longues, destinée à servir de support aux exercices de contrepoint.

Références bibliques : Ac 3, 13-15.17-19 ; Ps. 4 ; 1 Jn 2, 1-5 ; Lc 24, 35-48

Référence des chants :

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