Vivre pour un tout-Autre que soi
Cet été, en Belgique, un jeune m’a posé cette question : qu’est-ce que tu recherches en étant prêtre ? J’avoue que je n’avais pas bien compris la question. Je pensais en moi : Qu’est-ce que je recherche ? un métier sympa ? un salaire mirobolant ?
Mais j’ai repris tout bonnement mon itinéraire. Je lui ai dit : « je crois que Dieu m’a appelé personnellement à être prêtre. Ce que je cherche, c’est juste de répondre à son appel. Ensuite, je suis très heureux de vivre avec des personnes de tout âge et de toute condition, et de m’adresser à leur coeur autant qu’à leur intelligence : c’est passionnant d’être prêtre, mais ce n’est pas pour cela que je le suis. »
Ma réponse l’a peut-être déçu. Mais elle m’a fait prendre conscience d’une chose. C’est qu’un chrétien au fond ne trace pas sa vie à partir de ses propres désirs, mais à partir du désir d’un autre. D’un Tout-autre. C’est parce que Dieu l’a voulu qu’il m’a appelé, et parce qu’il m’a appelé que j’ai bougé.
Ce qui est vrai du prêtre l’est aussi de tout chrétien. Nous ne choisissons pas de donner notre vie au Christ parce que cela nous chante, ou par éducation. Mais parce que Dieu nous a saisis.
Dans la seconde lecture, nous venons d’entendre Saint Paul exhorter ses frères à vivre “pour le Seigneur”. Saint Paul est à ce moment-là confronté à une communauté où il y a des dissensions. Les chrétiens de Rome se posaient des cas de conscience. Fallait-il ou non suivre en tout la loi de Moïse…Chacun avançait ses arguments, aussi vrais les uns que les autres. Le problème est que cela conduisait à des divisions et des regards de mépris entre chrétiens. A polémiquer on finissait par se durcir et à se comparer les uns aux autres.
Pour couper court à ces querelles, saint Paul élève le débat : « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même,… si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur. Si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur ».

J’aimerais que nous nous arrêtions un peu sur ces belles formules.
« Vivre pour soi-même » c’est vivre pour un but personnel : par exemple vouloir être heureux, avoir raison, être dans son bon droit.
« Vivre pour le Seigneur » au contraire, c’est se décentrer de soi. S’attacher aux vues du Seigneur plutôt qu’aux siennes. Entrer dans une relation simple et intime au Christ.
Paul affirme que tout chrétien digne de ce nom ne devrait vivre que « pour le Seigneur ». Dans ce contexte de division, il dit quelque chose de très simple. Faire quelque chose pour quelqu’un, par amour pour quelqu’un change tout, et si chacun se met à aimer le même Seigneur, l’unité de la communauté devient possible. Paul ne cherche pas à faire le consensus, mais à construire l’unité profonde de sa communauté. Un peu comme dans un couple, on l’on n’est pas toujours d’accord mais où l’on s’aime quoiqu’il advienne. Je le disais au début : les chrétiens choisissent de tracer leur vie à partir du désir d’un autre !
Les séminaristes qui sont derrière moi vont passer deux ans dans cette paroisse. Deux ans à lire l’Ecriture, à faire des études, mais surtout deux ans à se laisser décentrer pour entrer dans une intimité avec Dieu. La communauté qu’ils formeront aura aussi ses difficultés, elle devra les surmonter dans l’amour du Christ. Ils auront besoin de notre amitié et de notre prière et de la vôtre, à vous tous qui nous suivez par la télévision.
Alors, qu’aurais-je pu répondre à ce jeune qui me demandait qu’est-ce que je recherche comme prêtre ? C’est peut-être ma façon à moi de vivre et de mourir pour le Seigneur. Et toi, quelle est la tienne ?

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