Quand nous regardons Jésus… Quand nous regardons Jésus ressuscité, c’est parfois comme si nous ne le voyions pas.

Je veux dire que nous avons du mal à le voir, même nous, les croyants. Durant sa vie terrestre, les miracles nous éblouissent, et sa résurrection nous éblouit plus encore. Il nous paraît lointain, il nous paraît presque étranger à ce que nous sommes. Nous qui le suivons comme nous le pouvons, avec notre intelligence qui est limitée, avec notre cœur qui est hésitant, avec notre pauvre corps qui est, nos masques nous le rappellent à chaque instant, si fragile.

Et quand nous le prions, il y a parfois une sorte de distance inavouée. Comme un : « Tu ne peux pas comprendre ». Tu ne peux pas comprendre ce que c’est que d’être un homme, une femme. D’être dans ce corps. D’avoir peur, d’avoir faim, d’être frustré, d’être tenté, et encore de rire, d’aimer, de frémir de fièvre, de peser enfin, de peser de tout ton poids d’homme.

Eh bien ! Si, répond Jésus. Je le sais. Je suis un homme. Je suis né, j’ai grandi. Dans mon corps. J’ai appris à marcher et à parler et à courir et à lire. J’ai eu huit ans, j’ai eu quinze ans. J’ai eu mon premier duvet d’adolescent et ma barbe d’adulte. J’ai eu sommeil et j’ai eu soif et j’ai été inquiet de trouver de quoi manger. J’ai senti la chaleur du jour sur ma nuque. J’ai avancé, comme tout homme, dans l’incertitude des jours. Et j’ai craint de souffrir. Je suis un devenu un homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger.

Oui, c’est un homme qu’ont connu les disciples, Pierre le premier, un homme qu’ont aimé ses amis. Avec sa voix, avec son regard.

Et c’est un homme qu’ils ont perdu quand Jésus est mort et quand ils ont porté le poids de son corps dans le tombeau.

Et c’est un homme qui est ressuscité.

Je veux dire que Jésus ressuscité respire. Imaginez, dans la nuit du tombeau, sa première inspiration. L’instant où il a ouvert les yeux.

Imaginez que vous soyez Marie-Madeleine, Pierre, Jean, l’un des disciples. Il apparaît au cénacle. Sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration. Ses yeux, son regard brun ou noir de fils d’Israël, est posé sur vous. Brillant de toute son énigme, de l’énigme de tout regard humain.

C’est ce que dira Pierre dans sa première annonce au Temple : nous l’avons vu, nous l’avons touché, « nous avons bu et mangé avec lui ». Cet homme que nous avions aimé, son corps, son regard et sa voix, nous les avons retrouvés. Et pour la première fois, il nous a dépassés.

Car, d’une certaine façon, Dieu, en se faisant homme, était en retard sur nous. Avant lui, des milliers, des millions d’hommes et de femmes étaient nés, avaient vécu, souffert et ri. Il a pris le chemin, il l’a tracé après tant d’autres. Cette expérience d’être hommes et femmes, nous l’avions faite avant lui. Mais l’expérience de traverser la mort et de rouvrir les yeux à l’aube de Pâques, il est le premier à l’avoir faite.

Le premier d’entre nous. Le frère cadet est devenu le frère aîné, l’aîné de ceux qui vont se relever d’entre les morts, avec leur mains, leurs bras, leurs épaules, leur corps, leur cœur. Le premier-né d’entre les morts, l’aîné de tout le peuple des ressuscités.

Voilà ce qui est donné à voir au matin de Pâques ; voilà ce que, leur éblouissement passé, les saintes femmes et les disciples ont vu. L’humanité de Jésus, toute l’humanité de Jésus, sa chair et son sang, vivants. Ce Dieu qui respire, ce Dieu qui se laisse toucher, ce Dieu qui vit de notre vie.

Et son regard posé sur nous, et sa voix qui dit encore une fois, sa voix de frère aîné, de même chair et de même sang que nous, qui dit encore une fois : viens, suis-moi, je t’emmène vers notre Père, je t’emmène vers la vie éternelle.

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