Qui pourrait dire ne rien ressentir en écoutant les paroles de Jésus ? La voix inimitable ! Et puis, tout ce que nous savons de Jésus. Jâallais dire, même si nous avons des opinions religieuses un peu différentes. Une simplicité et en même temps cet appel à aller plus loin, à ne pas rester le nez sur nos évidences.
"LâEvangile est simple, simple â disait un prêtre bien près de mourir comme sâil dictait une espèce de testament écrit – lâévangile est simple, simple et quand je pense que jâaurai passé ma vie à compliquer lâÉvangileâ¦
Jésus dit encore : "Heureux ces serviteurs que le maître trouvera en train de veiller. Câest lui alors qui prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour. »
Dieu est immense, on ne peut pas le comprendre dans sa sainteté – respect infini – et câest Lui qui sert. Qui pourrait encore, quel que soit sa vie, avoir peur de Dieu ?
Nous pouvons ce matin écouter nous aussi cet appel de Dieu, profiter de la vie même du père de Foucauld qui fut moine dans cette Abbaye notre dame des neiges, et pourquoi pas, comme lui, bénéficier du chemin des moines pour entendre en nous la Voix inimitable, celle même de Jésus.
1- Entendre lâappel de Dieu
Beaucoup souhaitent entendre cet appel et nây parviennent pas. Ecoutent-ils au bon endroit ? Ainsi cet appel concerne en même temps notre vie de tous les jours et, en même temps, il nous invite au delà de nous même.
La première parole que Dieu nous adresse est notre propre vie dans le monde et parmi nos frères. Les indications de Jésus sont simples : faisons-nous servir nos forces pour dâautres ? Quelque chose alors devrait bouger en nous : notre vie, quel que soit lââge, nâest ni inutile, ni menacée, ni finissante. Tirons-nous les conséquences de ce slogan simple du père Ceyrac en Inde : "Tout ce que lâon ne donne pas, est perdu." Facile à dire.
Ce qui est étonnant dans ces paroles de Jésus câest quâelles disent en même temps le bonheur de ces gestes de la vie quotidienne dans le service des autres et en même temps elles évoquent un mystérieux demain infini. "Câest à lâheure que vous nây pensez pas que le Fils de lâhomme viendra."
Quel homme nâa senti un jour lâappel de la mer, le souffle de lâaltitude, le désir du désert ? Les moines savent bien que lâheureuse surprise de ceux qui passent ici, câest que leur présence, leur vie simple et leur silence disent quelque chose de cette attente de lâhomme pour la mer, les sommets et le désert. Tous les lieux dâun au-delà de notre existence fragmentaire.
Mais, alors que nous sentons très fortement la solidité du monde, nous avons du mal à recevoir la vraie force de la parole de Dieu. Le monde a du poids mais il ne suffit pas.
Teilhard de Chardin, quand il était jeune, portait toujours dans sa poche un caillou, petit, mais très lourd qui lui faisait sentir sous ses doigts la densité du monde, de la terre. Et en même temps, cette densité du monde ne lui suffisait pas. Quand on est homme, la solidité du rocher ne suffit pas : la grandeur et la beauté des montagnes, oui, mais⦠Elles disparaissent quand on meurt. Il faut que demeure aussi la force de lâesprit capable dâaimer, de créer, de se donner, de faire vivre, dâespérer et de recevoir lâamour. Câest pourquoi Jésus disait : "Que sert à lâhomme de gagner lâunivers, sâil vient à perdre son âme ?"
Il faut sans doute donner toute sa place à lâénigme de lâhomme, à son mystère : "Gardez vos lampes allumées."
2 – Le père de Foucauld et lâappel de lâinfini.
Le père de Foucauld, vous le connaissez : sa silhouette dans le désert, avec sa gandourah blanche, la tête sérieuse un peu inclinée, une légère barbe. Un regard dâune grande douceur et les mains ouvertes de chaque côté comme un accueil et un appel. Il voit quelquâun.
Il nâa pas toujours été ainsi. Il avait fait Saint-Cyr et Saumur : dans une vie que lâon disait un peu légère, une certaine insolence. Il y avait en lui aussi une tristesse, celle dâune attente. Puis il se convertit. Pour lui cela ne vint pas du jour au lendemain.
Lâexpérience du désert a été décisive pour lui, soit dans lâexploration du sud marocain, soit ensuite au Hoggar. Dans le désert, on sait que lâon nâest rien et on sait que lâon est tout : il y a lâinfini de la courbe du ciel, le froid de la nuit et le fourmillement des étoiles. On nâest rien : un point, mais face à lâimmense.
Nous autres, nous sommes toujours au contact de ce que les hommes ont fabriqué ; depuis la baguette magique de la télévision qui vous ouvre le monde ; les lignes à haute tension dans les plus beaux paysages, les trottoirs des villes et la mer, même aux rives domestiquées. Dans le désert, enfin, on se sait précaire.
Et puis, il y a le silence que souligne lâéclatement dâune pierre et le vent qui soulève une colonne de sable. Peut-être est-ce là où sâest débridé pour Foucauld le désir de lâinfini. Un auteur dramatique que lâon joue beaucoup actuellement a raconté comment le désert lâa amené à faire attention à Dieu. Il sâétait perdu, et il a dû passer la nuit enfoui dans le sable. Il a bien précisé que ce nâétait pas pour lui une "conversion" de peur mais, disons, de proportion. Il avait au contraire senti en lui naître la confiance.
Depuis les montagnes du Val dâAoste, le Pape a souhaité que lâon profite des vacances pour laisser, en nous, respirer lâhomme intérieur : lâespace, la beauté et le silence.
Le père de Foucauld a vu des bédouins prier. Puis, plus tard, lui-même sâest mis à prier : "Vous me faisiez sentir un vide douloureux⦠Ce besoin dâaller dans vos églises, moi, qui ne croyais pas en vous. Cette recherche de la vérité, cette prière : Mon Dieu, si vous existez, faites-le moi savoir."
Ici même à Notre-Dame-des-Neiges, il a porté son désir dâinfini. Dans tous les sens pour être tout à Dieu sans illusions : ne pas être considéré parmi les hommes ; mettre ainsi, en égalité avec soi les plus simples, les plus petits et surtout, comme Jésus, servir.
Pour nous, son visage dit tout cela : "Mon Dieu, c’est un besoin dâamour de me donner, de me remettre entre vos mains sans mesure. Avec une infinie confiance, car vous êtes mon Père."
3 – Regarder simplement le chemin des moines.
Puisque le père de Foucauld a bénéficié de la présence de ses frères moines, ici-même à notre Dame des Neiges, il nous faut faire de même.
La règle de Saint-Benoît est simple et précise, concrète. Comme lâEvangile est simple. Foucauld est venu ici parce quâil savait que le petit pré-carré de la vie ne pouvait lui suffire. Il avait le désert infini dans lâesprit : un homme de lâessentiel dont le cÅur était au-delà.
Je suis sûr quâil y a beaucoup dâhommes et de femmes qui sentent en eux cet appel. Il y en a parmi vous, mes frères. Il ne faut surtout pas étouffer cet appel. Même si on porte avec pudeur ces grandeurs.
Un moine se met avec ses frères pour se donner à cet infini. Avec ses frères pour ne pas se tromper. Il y a un désert ici, un infini. Ici, on observe le ciel et câest même cela qui donne son vrai goût à la terre. Comme lâincarnation de Jésus-Christ a sanctifié la terre. Les moines travaillent, ils sâefforcent au silence, ils prient et, en tout cela, ils pensent que leur vie fraternelle est le meilleur test de leur vie pour Dieu. Dieu est une soif du matin, du midi et du soir : même au moment où beaucoup sâimaginent que nous pensons à autre chose.
A chaque homme Jésus dit : "Heureux ce serviteur que le maître, lorsquâil viendra, trouvera tout éveillé au service de ses frères". De lâEucharistie que nous vivons maintenant, saint Paul a dit : "Chaque fois que vous prenez ce pain et que vous bénissez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusquâà ce quâil vienneâ¦".
Quel homme nâa senti un jour lâappel de la mer ?
Références bibliques :
Référence des chants :