« Jésus le Crucifié est ressuscité », depuis Pâques, par trois fois, cette bonne nouvelle nous est donnée à entendre. Pourtant, aujourd’hui comme au temps des Apôtres, qu’il est difficile de recevoir cette Révélation : selon un sondage récent, seul un Français sur dix croit en la Résurrection.

Ce matin, justement l’Évangile nous montre le désarroi des disciples, ils doutent : si c’était simplement le fruit de leur imagination… Il est vrai que personne n’est revenu de la mort ; cette apparition est trop incroyable, notre raison s’y oppose ; comme ces premiers amis de Jésus nous ressemblent ! Pour eux, comme pour nous, la résurrection, est inimaginable.

Aujourd’hui encore, le Ressuscité nous dit : la Paix soit avec vous, il veut absolument nous rassurer et affirmer sa présence.

Regardez mes mains et mon côté ! Pour les disciples présents, pas de doute, ce sont les plaies du Crucifié. C’est bien lui que nous avons accompagné sur les routes de Galilée, c’est lui avec qui nous avons vécu, bu et mangé. Il est bien vivant, il mange avec nous.

Désormais Jésus ressuscité est présent lorsque deux ou trois se réunissent en son nom et partagent le pain.

Laissez-moi vous raconter une expérience récente où Jésus avait rejoint la communauté sourde.
Dimanche 5 avril, à 11h, dans la cour de l’Institut National des Jeunes Sourds, une centaine de personnes est rassemblée devant la statue de l’abbé de l’Épée : chacune porte une branche de buis : alors commence la procession de la fête des Rameaux. Arrivés dans la salle des fêtes, ils prennent place pour écouter des yeux le récit de la Passion : sur un grand écran, défilent les images de Jésus donnant sa vie. Sur la gauche de l’écran, une femme sourde exprime en signes l’Évangile de Marc. Devant l’image de Jésus qui meurt sur la croix, toute l‘assemblée se met à genoux et prie en silence. Au premier rang, Enzo et Matteo, son frère, blotti contre sa maman, font de même : je les invite à dire avec leurs mains : « Jésus, je tends les mains vers toi. » Pour la première fois, ils prient le Seigneur dans la langue des sourds.

La Paix du Christ était avec nous.

Revenons aux disciples d’Emmaüs, bouleversés par leur rencontre, ils n’ont qu’un désir : raconter leur expérience aux Onze. Ce même désir de partager la joie de Pâques est ressenti chez tous les chrétiens.
Ainsi deux fois par mois, les sourds de la région parisienne entendent avec leurs yeux la Parole de Dieu et prient avec leurs mains : ils sont nombreux à se rendre l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas avec leurs jeunes enfants, et bien sûr leur pique-nique, pour exprimer leur joie de croire en langue des signes ; perdus dans les célébrations verbales et chantées, ils ont besoin de rejoindre leur communauté même s’il faut plus d’une heure de transport. Un chrétien isolé est en danger, un chrétien sourd, dans son monde de silence, est plus menacé encore.

Fin mars, je n’ai jamais senti avec autant d’intensité ce cri de l’Apôtre Paul : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est ma foi et ma prédication est vide. » Alain vient me voir pour la première fois ; après quelques minutes, il me confie sa détresse : je viens de perdre ma femme dans un incendie, tout est fini, me dit-il, mais si vous pouviez prier pour elle avec des mots qui aident à continuer à vivre et à espérer. Après un long temps de silence, je lui montre un poème d’après saint Jean de la Croix. Je lui lis lentement ce passage : « Ce qui se passera de l’autre côté quand tout pour moi aura basculé dans l’éternité, je ne le sais pas, je crois, je crois seulement qu’un grand amour m’attend. Mon Rédempteur va m’ouvrir la porte de la joie, de sa lumière. Oui, Père, voici que je viens vers toi, comme un enfant, je viens me jeter dans ton amour, ton amour qui m’attend. » Les yeux d’Alain s’illuminent : merci, ces paroles me font du bien, c’est mon espérance.

Le Ressuscité est au cœur de nos vies : sachons regarder tous ces témoins qui se mettent au service de leurs frères blessés. Ainsi à Massy, où nous célébrons cette eucharistie, des personnes ont lutté pour la création d’une école bilingue : cette école accueille de jeunes enfants sourds et entendants afin de permettre leur épanouissement dans leur culture et leur langue.

Amis sourds et entendants, soyez des témoins du Ressuscité. Que vos mains secourent les malades, que vos mains soignent les cœurs blessés, que vos mains partagent le pain de la fraternité, que vos mains s’ouvrent à vos frères isolés, que vos mains tissent des liens pour que l’amour triomphe de l’indifférence.

Vivons en Ressuscités, joyeux de rendre compte de l’espérance qui habite notre cœur. La mort n’a pas le dernier mot, l’amour l’emportera.

Les chants

Références bibliques : Ac 3,13-15.17-19 / 1Jn 2,1-5 / Lc 24,35-48

Référence des chants :