Le saviez-vous ? Isaac et Jésus sont frères de sang ! En effet, la tradition biblique situe le sacrifice d’Abraham là où Jérusalem sera édifiée, au mont Moriah. Là-bas, Isaac et Jésus, à 1800 ans d’intervalle, montent vers un sort semblable. Tous deux « fils unique » ; tous deux bienaimés de leur père ; il leur faut porter le bois du supplice, être ligotés et être sacrifiés. Le tout dans l’obéissance au Dieu vivant.

Et bien voyez-vous, ça, on n’arrive pas à le comprendre. Quel est donc ce Dieu cruel qui joue ainsi avec les sentiments paternels d’Abraham ? Quel est ce Dieu qui envoie son propre fils à la croix ? Et Isaac ? Et Jésus ? Ne sont-ils que des victimes offertes, exécutant servilement les ordres du despote ? Et dans ma vie, pourquoi la croix, toujours et toujours ?

Ces questions ne sont pas optionnelles. Elles touchent à notre idée de Dieu et donc au sens même de la vie chrétienne. Elles sont au cœur de notre Carême qui s’achèvera, nous le savons, par le Vendredi saint. Elles sont aussi centrales pour comprendre la vie religieuse, que nous célébrons particulièrement cette année. Quel est le sens d’une vie consacrée à la suite du crucifié, vie d’ascèse inacceptable pour notre monde ? Et pour les familles, n’est-ce pas crucifiant de voir un de leurs enfants s’enfermer dans un couvent ? C’est quoi, ces sacrifices à la manière d’Abraham?

Chers amis, voilà l’enjeu de l’événement de la Transfiguration. Replaçons-nous dans le contexte. Jésus vient de prédire sa Passion et sa mort infâme. Pierre, comme nous, ne comprend pas cet acte suicidaire et s’oppose au Christ. À ce moment précis, Jésus emmène ses disciples sur la montagne, afin de leur donner par avance, le sens du scandale de la croix.

Quel est-il ? Sur la montagne, dans une scène inhabituelle et grandiose, Jésus, revêtu de vêtements resplendissants, obtient déjà sa gloire de ressuscité. Or il redescend de la montagne sans cette gloire : il l’a donc volontairement refusée, tout au moins pour le moment. Ainsi, là-haut, il choisit librement de passer par la croix avant d’être glorifié définitivement.

Voyez-vous, ce dont Pierre, Jacques et Jean sont témoins lors la Transfiguration, c’est que ce supplice n’est pas imposé au Christ. Jésus désire librement, dans son amour fou, rejoindre et sauver les hommes prisonniers de la mort. Il n’a pas de plus grand désir que d’offrir sa vie, tout comme Isaac, qui, dans la tradition juive, requerrait d’Abraham d’être mieux ligoté afin de se donner totalement. Jésus le dit : « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne. »

Dans ce projet de don jusqu’à la mort, Dieu soutient son Fils : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le »… « il sait ce qu’il fait, il est libre, je le cautionne ! » Le Père sait que ce chemin, loin d’être une impasse suicidaire, mène à la splendeur de la résurrection. Jésus le confirme aux trois disciples en descendant de la montagne.

Voilà pourquoi la Transfiguration revient chaque deuxième dimanche du Carême. Elle me prépare à suivre Jésus jusqu’à Jérusalem, jusqu’au Vendredi saint. En ce début de Carême, je suis invité, humblement et librement, à laisser Jésus prendre sur lui mes fragilités et mes épreuves. Il veut les prendre pour les ouvrir à la grâce de Pâques.

Quant à la vie consacrée, elle est ce libre choix, derrière Jésus, de donner totalement sa vie à Dieu et à ses frères. Si l’itinéraire de Jésus vers la croix n’est pas absurde mais fécond, alors celui du religieux et de la religieuse y puise tout son sens.

Références bibliques : Gn 22, 1-2.9-13.15-18 ; Ps. 115 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10

Référence des chants : Liste des chants de la messe à Châlons-en-Champagne du 1er mars 2015

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