" Debout Jérusalem ! Elle est venue ta lumière… Lève les yeux, regarde autour de toi : tous ils se rassemblent. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton coeur frémira et se dilatera…"

A l’aube de cette année du grand Jubilé, comment ne pas laisser retentir en nous cet hymne à la joie lançé par le prophète Isaïe et disposer nos coeurs à s’ouvrir à l’ampleur de l’amour du Père qui, en Jésus-Christ appelle les hommes dans leur diversités à s’aimer comme des frères. C’est le voeu que nous adresse ce matin le Service de la Patorale des Migrants qui célèbre son 30è nniversaire, et dont les membres vivent en chaque diocèse la passion de la rencontre de l’autre, de l’étranger, à la lumière de cette fête de l’Epiphanie.
 En effet, avec cette fête, le mystère de l’Incarnation prend un nouvelle dimension. A Noël nous étions encore dans l’intimité de la crèche. Le Verbe s’est fait chair dans la pauvreté et l’obscurité. Seuls quelques bergers en ont été les témoins émerveillés.
 Mais avec la venue des mages, qulque chose de mystérieux, de nouveau est en train de se passer. La rumeur des peuples se rapproche. Des hommes venus d’un pays lointain ont éprouvé comme une attraction pour ce petit enfant qui vient de naître.
 Avec cette étoile qui se lève à l’Orient et l’étrange migration qu’elle suscite vers Bethléem, la prophétie d’Isaïe se réalise : " Les nations vont marcher vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton aurore. " La venue des mages préfigure le rassemblement de tous les peuples de la terre dans une même communion fraternelle établie selon l’éternel dessein de Dieu, annonçée par les prophètes et réalisée en Jésus-Christ.
 Qui sont donc ces mages ? Peu de choses sont exprimées à leur sujet. Ils sont des étrangers venus de cet Orient énigmatique. Ils sont si différents des Juifs ! Ils ne font pas partie du peuple de l’Alliance, ne connaissent pas la Loi. De plus, le terme de " mage " évoque des pratiques de divination et d’astrologie sans cesse condamnées par les prophètes. Simplement on sait qu’ils se sont mis en marche, ont décidé de quitter leur univers familier pour suivre un étoile qui annonçait la naissance d’un petit roi. Fils d’Abraham, eux aussi, ils sont partis sans savoir où cette étoile les mènerait ; la seule certitude qui les guidait étant que, pour parvenir à cette lumière, on ne pouvait rester bien enfermé chez soi. Pour être disponible à la rencontre, il faut savoir sortir de soi-même !
 On comprend que le surgissement de ces païens, si différents et qui, cependant, se disent concernés par la venue de ce Messie ait semé l’inquiétude chez les dignitaires du peuple d’Israël. Ces hommes, par leur simple venue d’une nation lointaine et par cette quête qui les a menés jusqu’à Jérusalem, semblent mettre en cause le caractère exclusif de l’Alliance et de l’élection. Cette inquiétude des hommes du pouvoir débouchera sur la violence : le massacre des Saints innocents annonce déjà la croix du Christ où Celui-ci doit attirer tous les hommes à lui.
 Pour l’heure, c’est avec leur culture propre que les mages viennent adorer ce petit enfant qu’ils reconnaisent comme un roi. C’est si vrai que, lorsqu’ils pénètrent dans la maison, les dons qu’ils déposent aux pieds de l’enfant sont des produits caractéristiques de leur pays : l’or, la myrrhe et l’encens. Enfin après s’être prosternés dans cette attitude de profonde humilité, face à cet enfant dont la rencontre les a comblés de joie, ils ne demeurent nullement dans le pays d’Israël. Au contraire, l’Evangile nous dit qu’ils retournent dans leur pays…mais " par un autre chemin " ce qui signifie que tout en restant attachés au pays où ils ont leurs racines, ils ne sont plus les mêmes après cette rencontre. Ils ont été profondément transformés.
 Cette réflexion sur l’irruption des mages, étrangers et païens, dans ce mystère de Noël éclaire d’une manière singulière la mission de l’Eglise dans ce monde bouleversé où nous vivons. L’Eglise en effet n’a d’autre mission que d’être, au coeur d’une humanité traversée de tant de conflits et de peurs, la servante de cette Epiphanie du Christ auprès de tous les peuples dans leurs diversités culturelles reconnues.
 Et cette mission, elle l’assume, à l’aube de ce nouveau millénaire, dans un contexte d’intense mobilité des populations. On caractérise en effet souvent la mondialisation par une amplification planétaire et une accélération des flux et des échanges des biens et des personnes. Ces nouvelles mobilités de populations diverses confèrent à un certain nombre de cités, comme celle où nous nous trouvons aujourd’hui, un caractère multiculturel qui peut apparaître comme un défi : tantôt épreuve de la peur mutuelle à surmonter lorsque la cohabitation de tant de diversités est mal maîtrisée et que règne la précarité, tantôt chance à saisir pour apprendre à vivre ensemble et prendre conscience, dans le respect des différences, de l’unité de la famille humaine.
 Au coeur de ces cités, à la lumière de l’Epiphanie, toute communauté paroissiale est appelée à donner le témoignage d’une catholicité active dans laquelle l’autre est reconnu comme autre et dans le même temps aimé comme un frère. Loin de rassembler ses membres dans une sorte d’uniformité, elle peut devenir le lieu où chacun prend conscience des richesses de sa propre culture et accepte d’entrer dans une dynamique d’échange et de réciprocité.
 C’est ce que rappelait le Pape Jean-Paul II, lors d’un récent congrès de la Pastorale des Migrants qui célèbre cette année son trentième anniversaire : " L’Eglise doit témoigner de la qualité d’intégration qu’elle pratique en son sein. N’est-elle pas le sacrement de l’unité, accueillant dans cette unité, la diversité catholique, témoignant de la réconciliation que le Christ a obtenue sur la Croix ? Mieux que d’autres, les communautés chrétiennes devraient vivre cette dynamique de l’unité fraternelle et du respect des différences. "
 Frères et soeurs de cette paroisse de l’Epiphanie, que vous soyez originaires d’Afrique, des Antilles, d’Asie, de France ou d’autres pays d’Europe, vous êtes tous, à la suite des mages, des migants, au sens spirituel du terme. Vous portez dans votre mémoire et votre coeur les trésors de vos cultures : la langue, les rythmes, les cuisines de vos pays, commme les présents de ces mages venus de loin pour contempler le Christ. Par l’échange de vos différences, vous approfondissez votre connaissance du Mystère du Christ. A l’écoute de sa Parole, vous grandissez dans la conscience d’appartenir à un même peuple, un peuple sans frontières où chacun dans son originalité est aimé de Dieu. Vous apprenez à tisser ensemble la trame d’un peuple nouveau. Vous annoncez de façon prophétique que l’unité de la famille humaine est possible. En vivant à votre manière ce mystère de l’Epiphanie, vous êtes au coeur de vos cités, signe d’espérance et de paix.

Références bibliques :

Référence des chants :

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