Une scène de famille se renouvelle fréquemment en ce mois de janvier : sur la table, au moment du dessert, une galette pour ” tirer les rois “. Dans nos esprits le souvenir des mages venus à la crèche rendre hommage à l’enfant Dieu. Dans l’Evangile, on ne précise pas qu’ils étaient rois, ces trois mages ; mais rien n’y fait, la tradition les couronne d’âge en âge ! Dans cette histoire des mages venus à la crèche, se trame une affaire de pourvoir et de concurrence !
La scène se passe au temps d’Hérode. Le roi Hérode le Grand, s’il vous plaît ! Des mages arrivent d’Orient, vraisemblablement dans un déploiement de puissance et d’étrangeté, dont la première lecture nous donne l’ambiance : ” Debout Jérusalem ! Les trésors d’au-delà des mers affluent vers toi, avec les richesses des nations. Des foules de chameaux t’envahiront. Les gens de Saba viendront apportant l’or et l’encens et proclamant les louanges du Seigneur. ”
Mais que disent-ils ces mages, ces savants ? Ils posent une question insensée, irrespectueuse pour le grand Hérode : ” Où est le roi des Juifs ? Nous avons vu se lever son étoile. ” Vous imaginez le choc pour les puissants du moment. L’évangile le note : ” En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. ”
J’en connais qui n’ont pas fini d’être inquiété, car Dieu met tout sens dessus-dessous. Lorsque Hérode réunit tous les chefs des prêtres pour en savoir plus, en auscultant les textes sacrés, voici qu’une bourgade de rien passe sur le devant de la scène : ” Et toi Bethléem en Judée tu n’es pas le dernier parmi tous les chefs-lieux, car de toi sortira un chef. ”
Dieu a décidé de retourner les évidences ! Qui est roi, vraiment ? Pas celui qui le dit ! Qui se met en route vers la vérité ? Pas ceux qui détiennent la mémoire du peuple de la promesse ! Ceux-là sont pris d’inquiétude et font du surplace, dans leur peur. Autres sont ceux qui se mettent en route, à la poursuite d’une étoile : des étrangers, qui d’ailleurs s’en repartiront chez eux. Qui est Dieu enfin ? Pas ce cataclysme de gloire triomphante et de dorures étincelantes qui laisserait tous bouches bées, mais un gosse de pauvres, sur la paille.
Dieu retourne les évidences. Ecoutez à nouveau ce psaume que nous méditions tout à l’heure : ” Dieu, donne à ce fils de roi ta justice, qu’il fasse droit aux malheureux ! Il délivrera le pauvre qui appelle. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. ” Notre deuxième lecture d’aujourd’hui, la lettre aux Ephésiens, témoigne aussi du retournement : ” Frères, le mystère révélé, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus. ”
Ah, dites donc, combien ce sera dur pour les premiers disciples du Christ d’enter dans cette perspective de Dieu qui ne fait pas de différence entre les personnes. Et combien encore aujourd’hui c’est difficile, pour nous tous : mensonge, chez certains chrétiens d’Afrique qui prétendent qu’une ethnie vaut plus que d’autres ! Mensonge, chez certains chrétiens parmi nous qui affirment que les étrangers valent moins qu’eux-mêmes !
Franchissons maintenant une autre étape : Dieu bouscule nos évidences, d’accord, mais pourquoi, pourquoi donc ? Je crois que ce n’est pas par esprit taquin, c’est pour nous faire comprendre où se trouve le chemin qui nous rend libres et nous mène à lui. Quand il vient l’enfant de la crèche, Dieu à travers lui donne la priorité aux plus pauvres, les bergers, et aux plus lointains, les mages païens. Quand grandit Jésus, l’homme de Nazareth qui enseigne les disciples, Dieu donne la priorité à cet homme lépreux qu’il va toucher en dépit de la loi, ou à cette femme pécheresse qu’il va pardonner en dépit des condamnations. Quand meurt le crucifié sur la croix, Dieu donne la priorité à ce bandit attaché à ses côtés et qui lance le ” oui ” du dernier instant.
Il est étrange notre Dieu, serviteur du plus faible, quelle que soit sa faiblesse, parce qu’il affronte là l’épreuve de l’amour véritable. Il nous propose une voie, sans rien imposer. A nous de la méditer et de la suivre, autant que nous le pouvons. Notre Dieu nous invite à renoncer à notre gloire personnelle, pour trouver une vraie stature, une taille plus grande, une plus grande croissance, à travers l’amour que nous portons à tout être vivant : ” Chaque homme est une histoire sacrée. ”
Pourvu, pourvu que nous restions éveillés, capables de prendre la route, de chercher l’étoile, comme les mages ! ” Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus adorer le Seigneur ” disaient-ils. Pourvu que demeure en nous ce souffle qui permettait à Jacques Brel de pousser ce cri splendide intitulé ” La quête ” : ” Rêver un impossible rêve, porter le chagrin des départs, brûler d’une possible fièvre, partir où personne ne part, aimer jusqu’à la déchirure, aimer, même trop, même mal. Tenter, sans force et sans armure d’atteindre l’inaccessible étoile… ”
Janvier, c’est le mois où l’on formule des voeux, n’est-ce-pas ? Eh bien souhaitons-nous de savoir être serviteurs les uns des autres en cette année qui débute. Serviteurs de ce qui en chacun de nous est faible ou païen. Non pas pour nous y complaire, mais afin de nous porter les uns les autres et de nous grandir, sous le regard de Dieu !

Références bibliques :

Référence des chants :

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