Nous venons d’entendre l’évangile de Marc : Jésus quitte Nazareth pour rejoindre Jean le Baptiste et se laisser « baptiser ». Un mot d’origine grec – qui veut dire « plonger » « immerger ». De Nazareth au Jourdain… ! Un tel itinéraire, il faut réaliser ce que cela représente comme « plongée » ! Nazareth est perché à 400 mètres d’altitude. Mais pour rejoindre le Jourdain, du côté de Jéricho, il faut descendre jusqu’à 250 mètres en dessous du niveau de la mer ! Jésus entame là une fameuse descente !… Mais c’est peut-être normal : comme un poète l’a dit, n’est-il pas venu comme étant le Très-Bas ! Aussi descend-il rejoindre des gens que ne se prennent pas pour des parfaits, des disciples de Jean qui veulent changer de vie. S. Paul parlera un jour de ce Christ Jésus qui s’est abaissé. Les icônes aiment nous représenter Jésus descendant au plus bas des enfers pour y rejoindre l’humanité empêtrée dans la nuit, dans la mort. Se faisant proximité, il nous tend la main pour nous tirer du côté de la vraie vie…

Ce qui me frappe, c’est de voir que c’est dans cette plongée de Jésus vers le Jourdain, que c’est au moment où il descend rejoindre ces hommes et ces femmes au creux de leurs manques, de leurs faiblesses, de leur péché, c’est dans cet abaissement que les cieux se déchirent, que Dieu prend la Parole et révèle à Jésus – et nous révèle – qui il est : « Tu es mon Fis bien-aimé », une expression venant tout droit des Ecritures pour parler du Messie de Dieu. C’est donc au moment où Jésus se fait humblement le Très bas, au moment où il rejoint les obscurités parfois profondes qui nous habitent que le Père désigne ce Jésus comme son Envoyé, son Témoin et à nul autre pareil. Dans cet abaissement où il se fait frère des humbles, proche des pécheurs, c’est là qu’éclate sa divinité. C’est donc que notre Dieu est comme ça. C’est donc là qu’on peut voir son Esprit à l’œuvre. Un Dieu qui, comme à Noël, nous rejoint à ras de terre, à fleur d’humanité. Le baptême de Jésus c’est comme une autre épiphanie : Dieu qui se manifeste là où ne l’attendait pas : un Dieu qui est la non-indifférence même à nos solitudes, à nos limites.

Cette fête ne nous parle pas d’un ailleurs, d’autrefois… Elle nous parle de ce que Dieu continue de faire et de dire aujourd’hui. Ce que le Père a dit à Jésus, il nous le dit à nous aussi ce matin. A notre baptême, nous avons été plongés dans son amour qui nous révèle notre identité la plus profonde : nous aussi, nous avons cette incroyable dignité : nous sommes enfants de Dieu. Aussi, ce matin, il nous redit tout bas à chacun : « Toi, tu es mon fils, toi tu es ma fille bien aimée ». Et il ajoute même – mais osons-nous le croire ? – : « En toi je trouve ma joie ! ». Être un baptisé, être chrétien, oui, c’est d’abord oser croire cela : qui que nous soyons, et où que nous en soyons, nous sommes de toutes parts environnés par un amour qui nous dépasse totalement et qui nous dit : « En toi, je trouve ma joie ».

Comme vous, peut-être, j’entends parfois cette voix soupçonneuse en nous qui tente de nous dire qu’en fait ce n’est pas possible. Qu’il faudrait au moins le mériter. Que ce n’est donc pas pour nous. C’est bien pourquoi Isaïe dit haut et fort que tout cela n’est pas une question d’argent. Qu’il n’y a rien à payer. C’est gratuit ! Cela se reçoit sans que je doive être à la hauteur. C’est un don pas un dû ! C’est un don gratuit : une grâce ! C’est d’ailleurs à cause de cela que consentir à ce don, cela fait vivre ! Isaïe le dit : c’est une affaire d’alliance, d’amitié. Et comme tout vrai lien d’amour gratuit, cela a aussi le don de nous projeter avec force dans la vie, dans la réalité telle qu’elle est. Même quand la réalité, comme ces temps-ci, n’est pas vraiment facile à vivre.

Écoutons ce que Jean le Baptiste dit de Jésus : « Il est plus fort que moi ». Quelle est donc cette force qui habite le Christ ? La force qu’il pourrait nous nous donner ? En fait : la seule force qui vaille. La force que donnent ceux qui se savent aimés et qui aiment en retour !

Durant ces mois éprouvants, qu’est-ce qui a pu nous aider à tenir bon sinon tous ceux qui sont venus à nous, se faisant aimants, solidaires, déclinant l’affection de toutes les façons possibles… Ils nous parlent de cette victoire qu’évoque la lettre de Jean : celle que seule donne l’amour. Une victoire sans bruit, qui se gagne souvent au travers de choses ordinaires, dans des gestes simples, au creux du quotidien. N’est-ce pas Isaïe qui évoquait la force que donne ceux qui se donnent gratuitement ; la force que donne ceux qui savent nourrir de ce qui rassasie vraiment ; la force que donne ceux qui ont une parole qui fortifie, souvent parce qu’ils savent écouter ; le relèvement que donnent ceux qui sèment miséricorde et pardon. Ceux-là – et parfois sans le savoir – sont comme la pluie et la neige qui descendent des cieux, abreuvent la terre, et apaisent les cœurs ! C’est cela la force de l’Esprit-Saint : c’est là qu’il agit.

Et si, pour affronter les défis de cette année, nous retrouvions avec enthousiasme notre baptême ? Son enchantement, sa force, sa joyeuse mission : avec le Christ il nous fait fils et filles de Dieu – puisse-t-il en Christ, nous envoyer comme sœurs et frères des hommes.

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