Par Julia Itel – Publié le 08/06/2023

Jean Chrysostome (v. 347-407) est l'un des Pères de l'Église les plus influents de sa génération en raison de ses talents d'orateur et de prédicateur d'exception. C'est en référence à ces derniers qu'on lui a donné le surnom de « Chrysostome » qui signifie en grec ancien « bouche d'or ».

Qui est Jean Chrysostome ?

Jeunesse et formation

Jean naît à Antioche, la capitale de la Syrie, entre 347 et 349, au sein d'une famille noble. Son père meurt quelques mois après sa naissance. C'est donc sa mère, Anthousa, fervente chrétienne, qui veille à son éducation. Il devient le disciple du sophiste Libanios, considéré comme le meilleur rhétoricien de son temps. L'élève dépasse bientôt le maître et Libanios concède qu’il aurait bien aimé le nommer comme son successeur si seulement il n'avait pas été chrétien. Destiné à une carrière d'avocat, Jean choisit pourtant, après avoir reçu le baptême en 368, de se consacrer à la vie ascétique et à l'étude de l'Écriture. 


L’école exégétique d’Antioche

Jean suis alors les enseignements de Diodore de Tarse, un brillant exégète qui fait rayonner Antioche comme un grand centre intellectuel chrétien. L'exégèse est une méthode d'interprétation d'un texte, généralement religieux ou littéraire, afin de comprendre sa signification, son contexte d'émergence et son message. Elle vise ainsi à découvrir, par une analyse rigoureuse et critique du texte, l'intention originale de l'auteur. Contrairement à l'école d'Alexandrie, qui privilégie une lecture symbolique de la Bible, la méthode exégétique d'Antioche favorise une approche littérale et historique, inspiré de la tradition juive qui a recours à la philologie et à l'étude de la sémantique. 

À voir « La fierté des chrétiens de Syrie »

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La vie érémitique

Vers 374, Jean se retire au désert afin de mener une vie de contemplation. Pendant deux ans, il vit seul dans une grotte, comme un ermite. C'est là qu'il aurait écrit Contre les adversaires de la vie monastique, De la virginité et À une jeune veuve. Mais épuisé par la pénitence et les privations, Jean revient à Antioche pour recouvrir sa santé. 


Jean, prêtre d’Antioche

Repéré par l'évêque d'Antioche, Mélèce, Jean est ordonné diacre en 381. Cinq ans plus tard, il devient prêtre et est assigné à l'église la plus populaire de la ville. Orateur né, Il se consacre pleinement à son rôle de prédicateur


Jean Chrysostome, le prédicateur à la « bouche d’or »

L’œuvre littéraire de Jean Chrysostome

Prêtre à Antioche de 386 à 398, Jean Chrysostome (dont le surnom est posthume) bâtit donc sa réputation sur ses talents d'orateur qu'il met au service de la prédication évangélique. Son œuvre littéraire est essentiellement homilétique. Son étendue fait du prêtre d’Antioche l'un des plus grands auteurs de l'Église orientale. La majorité de ses homélies qui sont parvenues jusqu'à nous (environ 900) prennent la forme de séries exégétiques sur certains livres de la Bible. Il a, par exemple, beaucoup prêché à partir des psaumes de l'ancien testament et a aussi commenté extensivement les évangiles de Matthieu et de Jean. Mais c'est aux écrits de l’apôtre Paul, qu'il admire et élève en modèle, qu'il se consacre et brille le plus. Le plus souvent, Jean improvise ses sermons qui sont ensuite copiés par des sténographes.


L’homélie comme instrument de prédication

Du grec homilia (qui a donné sermo en latin), l'homélie renvoie dans le monde antique à l'acte de communiquer entre les individus. À partir du IVe siècle, celle-ci s'établit comme un genre littéraire qui fleurit dans les milieux chrétiens. S'appuyant sur la méthode juive de l'exégèse, les prédicateurs, qui sont majoritairement des évêques, partent de la Bible pour parler des sujets les plus divers. Comme le rappelle l'historien Gilvan Ventura da Silva, l’homélie « a pour fonction de rappeler périodiquement à un public parfois illettré l'enseignement des écritures, tout en fixant des orientations morales et disciplinaires conforme à la doctrine de l’Église. L'homélie fut un instrument rhétorique d'endoctrinement largement utilisé par les évêques et les presbytres et joue à un rôle capital dans la consolidation du christianisme au IVe siècle, période qui voit un public de plus en plus nombreux en partie composés des membres d'une élite urbaine très exigeante en matière d'éloquence envahir les églises. »* 

Pour en savoir plus : homélie ou prédication, des exercices de style ?

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Œuvrer pour la christianisation d’Antioche

Jean Chrysostome a veillé à inculquer les mœurs chrétiennes par le biais de ses sermons. Pour cela, il n'hésite pas à se mettre à la portée de son auditoire et donne à sa prédication une orientation pratique : « Il faut bien partir des réalités temporelles pour vous conduire par la main aux réalités spirituelles. C'est ainsi aussi que faisait le Christ […] nous partons du bas pour aller en haut, afin que notre discours soit plus clair. »** 

Considérant la famille chrétienne comme « une petite église », il n'hésite pas à encourager la parentalité et la construction du foyer chrétien, même s'il recommande pour les moines et moniales à persévérer dans leur effort de chasteté. Il invite ainsi la communauté des chrétiens à vivre une vie vertueuse, simple, de prière, cherchant à communier avec Dieu. Il exhorte aussi tous les fidèles à lire et à étudier la Bible : « Que chacun, rentré chez soi, reprenne la Bible en main. »*, « Ne cherche donc pas un autre maître, tu possèdes la parole de Dieu. Nul autre ne t'instruira comme elle. »** 


Jean Chrysostome, engagé pour la justice sociale

Évêque de Constantinople

Sa renommée est telle qu'on le fait appeler en 398 pour succéder à l'évêque de Constantinople qui vient de mourir, Nectaire. Ne souhaitant pas de la fonction, l'empereur le fait kidnapper et venir de force, ce qui l'oblige à accepter. Jean Chrysostome prends alors le contre-pied de son prédécesseur : il réduit les dépenses de la maison épiscopale et réforme le clergé. L'argent économisé est ainsi reversé aux pauvres de la ville. 


Promoteur de la justice sociale

Prenant le parti des plus démunis, Jean n'hésite pas à dénoncer le faste de la cour, quitte à attiser les foudres de l'impératrice Eudoxie, ce qui lui a valu plusieurs exils et à se faire déposer par le concile du Chêne. Le concept de charité occupe une place centrale dans son enseignement et dans sa prédication. Pour lui, la charité n'est pas simplement un acte occasionnel de bienveillance, mais une vertu essentielle qui doit constamment imprégner la vie chrétienne. 


Jean Chrysostome, Père et Docteur de l’Église

Jean meurt épuisé le 14 septembre 407 alors qu’il se rend à la forteresse d’Arabissos, sur la mer Noire, où il est envoyé encore une fois en exil. Il s'éteint en prononçant, d’après la tradition : « Gloire à Dieu pour toutes choses ! ».

Il est proclamé Docteur de l'Église en 1568 par le pape Pie V et il est fêté chaque 13 septembre. Dans l’Église orthodoxe, la liturgie est dite de Jean Chrysostome. Il est aussi le saint patron de tous ceux qui s'expriment devant un public

Écoutez le chant traditionnel byzantin de la liturgie de saint Jean Chrysostome

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* Gilvan Ventura da Silva, « Jean Chrysostome et la christianisation de la cité antique », Revue française d’histoire des idées politiques 1.31 (2010) : 42.
** Citations provenant de l’article de Catherine Broc-Schmezer, « Théologie et philosophie en prédication : le cas de Jean Chrysostome », Revue des sciences philosophiques et théologiques 2.97 (2013) : 187-212.