Quelles sont les raisons qui ont présidé à la présence de saint Paul à Malte ? Qu’en disent les Écritures ? Le père Yves Combeau nous éclaire.


Saint Paul : un procès à Malte

Il n’y a pas de lettre de saint Paul aux Maltais, mais Malte n’en est pas moins une des étapes les plus célèbres des voyages de l’apôtre des Gentils, sans doute parce qu'il y est arrivé à la nage !

Malte, l’île inattendue

Nous sommes aux environs de l’an 60. Paul est l’objet d’un procès pour irréligion et désordre civique. Du point de vue romain, c’est à peu près la même chose mais, comme il jouit du rare privilège de la citoyenneté, il a pu faire appel aux tribunaux impériaux de Rome.
Le voici donc sur un navire qui vogue vers Ostie, surveillé par un centurion nommé Jules qui le traite avec bonté. Les tempêtes de la Méditerranée sont aussi rapides que violentes et les bateaux antiques mal équipés pour les affronter.

Laissons un témoin nous raconter l’aventure de saint Paul en bateau (Actes des Apôtres, chapitre 27) : “Le centurion, ayant trouvé un navire d'Alexandrie qui allait en Italie, nous y fit monter. Naviguant pesamment durant plusieurs jours et étant arrivés avec peine à la hauteur de Cnide, le vent ne nous permettant pas d'avancer, nous côtoyâmes la Crète en face de Salmone. Et Paul les avertissait, disant : “Hommes, je vois que la navigation sera accompagnée de revers et de beaucoup de dommages, non seulement quant au chargement et au navire, mais même quant à nos vies.’ Mais le centurion se fiait plus au pilote et au patron du navire qu’à ce que Paul disait.”

Le long voyage de Saint Paul

Comme la saison est avancée, le capitaine décide de gagner un port d’hivernage, mais la tempête surprend les marins près de leur but et emporte le navire loin des côtes. Même s’il n’y a pas de panique, la situation est sérieuse : « Craignant de tomber sur les bancs de sable de la Syrte, [les marins] descendirent les agrès […]. Et comme nous étions violemment battus par la tempête, le jour suivant ils jetèrent une partie de la charge. Et le troisième jour ils jetèrent de leurs propres mains les agrès du navire. Durant plusieurs jours, il ne parut ni soleil ni étoiles, une grande tempête nous pressait, toute espérance de pouvoir nous sauver disparaissait. […] Alors Paul, se tenant au milieu d’eux, dit : ‘Ô hommes, vous auriez dû m’écouter et ne pas partir de Crète, et éviter ces avaries et ce dommage ! Mais maintenant je vous exhorte à avoir bon courage ; car on perdra aucun de vous, seulement le navire. Car un ange du Dieu à qui je suis et que je sers, est venu à moi cette nuit.” » […]

“Et quand la quatorzième nuit fut venue, comme nous étions ballottés çà et là sur la mer Adriatique, les matelots, au milieu de la nuit, pensèrent que quelque terre les approchait. Ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses ; puis, un peu plus loin, ayant encore jeté la sonde, ils trouvèrent quinze brasses. Craignant que nous ne donnassions au milieu des écueils, ils jetèrent quatre ancres de la poupe […]. Et le jour étant venu, ils ne reconnaissaient pas le pays ; mais ils apercevaient une baie ayant une plage […]. Ils échouèrent le navire ; la proue se trouvant engagée demeurait immobile, mais la poupe se rompait par la violence des vagues.”


Sauver saint Paul de la mer

“L’avis des soldats était de tuer les prisonniers, de peur que l’un d’eux ne se sauvât à la nage et ne s’enfuît. Mais le centurion, voulant sauver Paul, les empêcha d’exécuter leur dessein, et il ordonna que ceux qui savaient nager se jetassent dehors les premiers et gagnassent la terre ; et le reste, les uns sur des planches, et les autres sur les débris du navire. Et ainsi tous parvinrent à terre sains et saufs.”

« Et ayant été sauvés nous apprîmes que l’île s’appelait Malte. »
 

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Saint-Paul naufragé  

L’arrivée de saint Paul à Malte

Malte est au sud de la Sicile : le navire a dérivé sur des centaines de milles avec saint Paul à son bord ! Et l’endroit n’a rien d’enviable. Malte est composée de deux îles majeures entourées de quelques îlots dont l’un a conservé le nom d’île Saint-Paul ; ce ne sont que des cailloux râpés, largement infertiles, un univers minéral entre Afrique et Europe.

Les Romains en ont pris possession depuis plusieurs siècles, mais la romanisation est encore très faible à l’époque de saint Paul. Les habitants ne parlent ni le latin ni le grec, les deux langues officielles de l’empire, mais une langue « barbare » qui est sans doute dérivée du phénicien. Pourtant, l’accueil est chaleureux. Les naufragés sont recueillis par les habitants de la côte et Paul entre vite en sympathie avec un potentat local nommé Publius qui a été impressionné par un miracle, un serpent qui a mordu Paul sans le blesser. Le séjour de Paul dure trois mois, c’est-à-dire la saison d’hiver, puis il rembarque pour Rome.

Un bloc de chrétienté en face de l’Afrique du Nord

Sur ces faits, les Maltais n’ont pas manqué de broder maintes légendes. La grotte de saint Paul, la cathédrale de Mdina construite sur la maison de Publius… Mais ce qui est vrai est que Malte a été une des Églises fondées par saint Paul et qu’elle est restée, au fil des siècles, un bloc de chrétienté en face de l’Afrique du Nord.

L’île Saint Paul : un havre de chrétienté

À dire vrai, la Malte d’aujourd’hui n’est pas sans ressembler à celle de saint Paul. Malte est toujours un ensemble d’îles minérales et torrides ; on y parle toujours une langue étrange, mélange unique de maltais ancien, d’arabe, d’italien et de lingua franca, cette sorte de sabir international de racine française qui se parlait autour de la Méditerranée au temps des croisades. Et la foi y est intense.

La Valette, capitale de l’île, est hérissée d’églises. L’ordre chevaleresque des Hospitaliers, qui a gouverné l’île pendant deux siècles et demi, y a gagné son surnom, mais y a aussi laissé deux marques profondes : le courage face à l’adversité, le sens de l’hospitalité et le souci des faibles. Ainsi s’exprimait le pape Benoît XVI en 2010, lors de sa visite à Malte : « Le naufrage de Paul et son séjour de trois mois à Malte ont laissé un signe indélébile dans l’histoire de votre pays. Ses paroles à ses compagnons, avant son arrivée à Malte […], sont une invitation au courage devant l’inconnu et à une confiance indéfectible dans la mystérieuse Providence de Dieu. Les naufragés ont été, en effet, chaleureusement accueillis par le peuple maltais, selon l’exemple donné par saint Publius.
 

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Le passage de saint Paul à Malte : des traces indélébiles

Grâce à saint Paul, l’Évangile de Jésus Christ s’est profondément enraciné et a produit des fruits non seulement dans la vie des personnes, des familles et des communautés, mais aussi dans la formation de l’identité nationale de Malte et dans sa culture vivante et singulière.
« Le labeur apostolique de Paul a aussi porté un fruit abondant à travers les générations de prédicateurs qui ont suivi ses pas, et particulièrement dans le grand nombre de prêtres et de religieux qui ont imité son zèle missionnaire en quittant Malte pour porter l’Évangile vers des rives lointaines. Je suis heureux d’avoir eu l’opportunité de rencontrer aujourd’hui beaucoup d’entre eux dans cette église Saint-Paul, et de les encourager dans leur vocation pleine d’audace et souvent héroïque. »

Église un peu perdue dans la Méditerranée, Église très ancienne, qui a pour racines le courage dans l’épreuve et l’hospitalité : telle est Malte.

Fr. Yves Combeau o. p.