La poésie de Marie Noël : entre douleur et espérance
Poétesse et croyante, Marie Noël d’Auxerre a laissé une œuvre empreinte d’une grande force spirituelle. Discrète, parfois sombre, toujours délicate, elle invite chacun à chercher sa propre voie, notre « raison d’âme ». Postulateur de la cause de béatification de Marie Noël, l’abbé Arnaud Montoux évoque pour Le Bulletin en quoi ses poèmes sont porteurs d’espérance.
La "demoiselle d'Auxerre"
En septembre 1992, emménageant dans l’Yonne avec ma famille, j’entrais au lycée Jacques-Amyot d’Auxerre, et je découvrais en cours de français les premiers poèmes d’une certaine Marie Noël. Douze ans plus tard, à deux cents mètres de mon ancien lycée, sur le parvis de la cathédrale dans laquelle je venais d’être ordonné prêtre, je recevais des mains de ma mère une statuette du sculpteur auxerrois François Brochet représentant cette même « demoiselle d’Auxerre », et j’entendais la remarque d’une paroissienne, derrière mon épaule : « Je ne comprends pas pourquoi Marie Noël n’a pas encore été canonisée. » Il faut croire que ces mots avaient fait leur chemin en moi quand, douze autres années plus tard, je revenais dans cette même cathédrale comme curé et, en relisant les Notes intimes, je sentais grandir en moi l’ardente conviction que cette idée de canonisation n’était pas du tout saugrenue. Quelques échanges avec notre nouvel archevêque Mgr Hervé Giraud allaient finir de me convaincre. En décembre 2017, avec le soutien des évêques de France et l’aval de la congrégation pour la Cause des saints au Vatican, s’ouvrait solennellement le procès en béatification de Marie-Mélanie Rouget, Marie Noël en poésie.
L'un des plus grands poètes du XXe
Qui était-elle vraiment cette femme discrète, si mal connue de la plupart des Auxerrois et pourtant si largement considérée, jusqu’au-delà de nos frontières, comme l’un des plus grands poètes français du XXe siècle ? Si l’on a tout dit d’elle et si l’on a eu peu de scrupules à l’enfermer dans des catégories trop étroites pour son génie littéraire, n’allions-nous pas participer nous aussi, par ce procès, à renforcer ces logiques qui broient souvent les œuvres et les êtres en cherchant à les définir selon des catégories préétablies ? En m’interrogeant sur ce danger, j’en arrive toujours à la conviction inverse : c’est en considérant la réalité singulière de la vie et de l’œuvre de cette femme-là, réellement prise au sérieux dans ses élans et dans ses doutes, si éloignée des idéaux héroïques dont on a du mal à débarrasser la véritable sainteté chrétienne, que nous pourrons faire craquer de l’intérieur les préjugés qui nous empêchent de voir l’éclat de Dieu dans tant de vies censément ordinaires.
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Arnaud Montoux
Prêtre du diocèse de Sens et Auxerre, Arnaud Montoux est professeur de théologie et directeur du premier cycle à la faculté de Théologie et de Sciences religieuses de l’Institut catholique de Paris. Il est l’auteur de La Fauvette, la Sybille et le Cavalier. Regards croisés sur la « petite voie de poésie » de Marie Noël, paru aux éditions du Mont-Ailé en 2018. Découvrez l'intégralité de l'article dans Le Bulletin du Jour du Seigneur #231 août-septembre 2022
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