Prends ton envol

 

Frères et sœurs,

avez-vous fait attention à l’ordre dans lequel on se place lors de la procession d’entrée, au début de la messe ? Je me souviens m’être posé la question, une des premières fois où je servais la messe. C’était peut-être au prêtre de passer en premier ? Celui qui célébrait ce jour-là m’a répondu : non ce sont les enfants de chœur en premier, les plus petits de préférence, puis à la fin seulement les prêtres. Et avec un clin d’œil il a ajouté : on se place par ordre d’humilité ! J’espère que le président de notre célébration, le père Auguste, me pardonnera cette pointe d’humour, ainsi que les évêques qui nous regardent, eux qui sont retrouvent systématiquement les derniers dans les processions !

Dès le début de la messe donc, les premiers sont les derniers ! Mais il ne suffit pas de se mettre en ordre de marche. Il faut ensuite nous efforcer d’entrer par la porte étroite. Aujourd’hui, nous sommes en extérieur, pas besoin de nous faufiler par la porte étroite de la chapelle des aviateurs ! Par contre, le site où nous célébrons « à ciel ouvert » nous le rappelle : la porte vers laquelle nous avançons est la porte du ciel ! Elle ouvre vers les grands espaces de la rencontre avec Dieu, libérés de la gravité du péché. Et c’est en étant d’abord attiré par cet horizon infini, que nous pouvons entendre l’appel de Jésus à nous efforcer d’entrer par la porte étroite !

Pour les êtres humains, qui rêvons souvent de voler, mais ne sommes pas des oiseaux, la porte du ciel est vraiment étroite ! Elle l’a été pour les pionniers de l’aviation, de Clément Ader, et sa machine en forme de chauve-souris, à Louis Blériot, qui le premier traversa la Manche et donna au constructeur de Notre Dame du Platin l’idée d’en faire la patronne des aviateurs. Cette porte est étroite aussi pour les élèves de l’école d’aviation, qui travaillent dur pour pouvoir réaliser leur rêve. Elle l’est enfin pour chacun de nous, dans les aéroports ! Attirés par des contrées inconnues, nous sommes prêts à tout pour passer à travers la porte étroite du portique de sécurité, même à nous délester de tout ce qui nous encombre !

La porte étroite dont parle Jésus n’est pas un compteur, qui ne laisserait passer qu’un nombre déterminé de gens. Ce n’est pas non plus un filtre, qui autoriserait le passage en fonction de tel ou tel privilège. C’est simplement une porte où l’on ne peut passer qu’un par un. Pas d’entrée anonyme dans le Royaume des cieux, pas de billet de groupe. La porte étroite est une rencontre personnelle avec le Christ, qui ne peut se contenter de rester superficielle, comme l’évoque les interlocuteurs de Jésus, « nous avons mangé et bu en ta présence ». Elle doit être une rencontre réelle, ouvrant sur une connaissance mutuelle, humble mais authentique. C’est une épreuve de vérité au plus profond de notre être, mais en cela elle est ouverte à tous. Parce qu’elle est étroite, cette porte est aussi universelle !

On pourrait trouver plus généreux, plus digne de Dieu, que cette porte soit large et facile d’accès. Pourtant, cette étroitesse est aussi une « leçon », comme le dit la deuxième lecture, que Dieu nous donne parce qu’il nous aime. Et parce qu’il nous connaît. Aurions-nous seulement envie de passer par une porte, si elle ne représentait aucun défi, et si elle était ouverte indéfiniment ? En tout cas on n’aurait aucune raison de se presser ! Au contraire, pensons aux pilotes de l’Aéropostale, comme Jean Mermoz, l’Archange, qui cherchaient à ouvrir la porte à de nouvelles liaisons aériennes, à travers les Andes, en Amérique du Sud. Il savait bien que la joie d’arriver est d’autant plus grande que l’on a persévéré pour y parvenir. Mais bien plus, il savait que l’être humain se découvre quand il se mesure à l’obstacle. La porte étroite est une naissance à la personne que nous sommes dans les yeux de Dieu, son passage révèle la vraie dimension de notre humanité. Une révélation qui peut aller jusqu’au don de soi, comme pour de nombreux aviateurs qui ont donné leur vie pour la libération de notre pays il y a 80 ans, et en particulier ici, dans la poche de Royan.

Enfin, si nous ne nous sentons pas pour l’instant l’âme héroïque, souvenons-nous que si nous devons passer la porte étroite un par un, rien n’interdit de nous tenir par la main pour être entraînés par ceux qui la passent. Le pécheur donne la main au saint et le saint donne la main à Jésus. Nos processions liturgiques, au-delà du protocole, en témoignent ! Le Christ, le plus humble, marche en tête, et nous formons derrière lui un corps dont les membres se soutiennent les uns les autres. La grandeur de notre humanité ne consiste pas d’abord à conquérir la mer ou les cieux, mais à apprendre à marcher sur la terre en frères et sœurs. Amen.

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