Notre joie est double aujourd’hui. D’abord, nous célébrons la fête de tous les Saints, cette foule immense, venue de toutes nations, qui se tient debout devant le trône de l’Agneau. Parmi eux, il y a aussi ces saintes et ces saints de nos familles, de nos paroisses, de nos quartiers. Certains ont croisé nos vies : nous avons vu leurs visages, entendu leur voix. Ils nous sont proches, et pourtant souvent anonymes aux yeux du monde. Ces saints du quotidien, quelle joie de les savoir accueillis par Dieu comme ses enfants bien-aimés !
Mais notre joie aujourd’hui est aussi celle des béatitudes : le bonheur des pauvres de cœur, des doux, de ceux qui pleurent, des miséricordieux, des artisans de paix, de ceux qui sont persécutés pour la justice. Attention cependant : ce bonheur ne vient pas de la souffrance elle-même — comment pourrions-nous trouver de la joie dans la douleur ?
Non, cette joie naît d’une promesse, d’une attente, d’une espérance. C’est l’espérance que Jésus vient apporter. Car Jésus est lui-même la clé des béatitudes. Il est le premier à les avoir vécues. Il est le pauvre de cœur, le doux, le miséricordieux, l’artisan de paix, le persécuté pour la justice. Le suivre, c’est recevoir le Royaume des cieux en héritage. C’est, dans l’espérance, être consolé, être appelé fils de Dieu.
La joie des béatitudes et la sainteté ne viennent pas de nous, elles nous sont d’abord données par Jésus. C’est là leur secret. Quels que soient nos mérites ou nos fautes, nos réussites ou nos échecs, la joie et la sainteté sont des dons. Elles ne dépendent pas d’abord de nos efforts, mais de la grâce de Dieu.
Pour accueillir ce don, les béatitudes nous indiquent aussi le chemin : celui de la pauvreté de cœur, de la douceur, de la pureté, de la justice. Car c’est dans nos manques, nos fragilités, nos moments d’humilité, que se creuse l’espace intérieur capable d’accueillir le bonheur inattendu de l’espérance que Jésus vient offrir.
Nous sommes dès lors invités à revisiter notre conception du bonheur et de la sainteté. Nous croyons trop souvent qu’ils s’obtiennent à la force du poignet, comme s’il fallait correspondre à un idéal de perfection pour mériter le paradis. Mais ce sont les situations de faiblesse, de vulnérabilité et de pauvreté qui ouvrent nos cœurs au bonheur du ciel — là où nous nous laissons porter par Jésus sur le chemin de la sainteté et rejoindre par le don de Dieu.
S’il en est ainsi, si le bonheur du ciel est d’abord à recevoir plutôt qu’à mériter, faut-il alors se résigner à l’attendre passivement, les bras croisés ? À quoi bon encore se fatiguer si tout est déjà donné ?
Mais non, bien au contraire ! La confiance et l’accueil du don de Dieu ne nous endorment pas : ils nous réveillent, ils nous fortifient. Ils nous rendent capables de devenir pauvres de cœur, doux, miséricordieux, artisans de paix, jusqu’à accepter d’être persécutés pour la justice, à cause de Jésus.
Oui, la fête de tous les Saints nous remplit aujourd’hui de joie. Mais cette fête, par le bonheur et l’espérance qu’elle suscite en nous, nous donne aussi des ailes pour, à notre tour, prendre humblement le chemin de la sainteté.