Chers frères et soeurs qui célébrez avec nous cette messe de minuit,
 Depuis deux mille ans, nous faisons écho au chant des Anges apparus à Bethléem à la naissance de l’Enfant Jésus : " Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes qu’il aime ! " (Luc VII, 14).
 Mais quel sens et quelle portée revêtent aujourd’hui cette louange à Dieu et cette bénédiction à l’adresse des hommes ? En cette première année du XXIe siècle et du troisième millénaire, quel sens et quelle portée revêtent-elles pour nous qui sommes témoins de la violence qui continue d’enténébrer et d’endeuiller la terre ? Non seulement la violence qui se manifeste sous forme de réaction individuelle incontrôlée, mais surtout cette violence planifiée à large échelle et à longue échéance, je veux dire le terrorisme et la guerre.
 Aujourd’hui et plus que jamais, à Bethléem même où le Christ est né, dans les contrées de Judée, de Samarie et de Galilée qui ont constitué l’environnement de son existence terrestre, le terrorisme et la guerre arrachent à la vie des hommes et des femmes à la fleur de l’âge, comme des vieillards.
 Aujourd’hui, à Bethléem, en Judée, en Samarie, en Galilée, dans le territoire de Gaza, des enfants innocents sont encore arrachés à la tendresse de leurs mères, et Rachel continue de lancer sa complainte, "pleurant ses enfants ; ne voulant pas être consolée, car ils ne sont plus." (Matthieu II, 18), comme prédisait le prophète Jérémie.
 Aujourd’hui, les mêmes pleurs, les mêmes complaintes continuent de déchirer les coeurs, aux États-Unis d’Amérique et en Afghanistan. Dans les Balkans comme dans plusieurs pays de l’Afrique centrale et occidentale, et ailleurs encore sur la planète, la violence planifiée et entretenue continue d’allonger sa liste de victimes innocentes.
 Que pouvaient signifier alors la louange et la bénédiction chantées par les Anges, il y a deux mille ans : " Gloire à Dieu et paix aux hommes" ? Que pouvait signifier la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur, qu’ils ont annoncée aux Bergers de Bethléem, et qui avait suscité en ces pauvres marginalisés une espérance et un enthousiasme qu’ils ne pouvaient s’empêcher de communiquer ?
 Le message des Anges de Bethléem n’aurait été que pure tromperie, s’il annonçait la gloire de Dieu et la paix des hommes comme des fruits spontanés de la naissance de Jésus Christ. Ce message fait naître au contraire, à travers les siècles et partout sur terre, une espérance sans bornes, si la gloire et la paix annoncées sont accueillies comme une oeuvre humano-divine, qui débute avec la naissance de l’Enfant de Bethléem, prend forme avec sa vie et son action sur terre, et se confirme de siècle en siècle.
 C’est déjà le message que délivrait le Prophète Isaïe, huit siècles auparavant : " Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné." " Prince de la paix", il sera établi sur le droit et la justice, et il exercera le pouvoir pour l’avènement de la paix, ne poursuivant pour seul but que le bien du peuple.
 Saint Paul fait écho au prophète dans le passage de sa Lettre à Tite. Le Christ est né sur terre pour nous sauver par le don total de soi, et pour faire surgir à partir de lui-même une humanité nouvelle, un peuple de fils de Dieu passionnés pour le bien et la justice, pour le respect et l’amour de tout être, même le plus faible et le plus petit ; un peuple d’hommes et de femmes qui rejettent le mal et engagent le combat contre les passions.
 C’est ce peuple des enfants de Dieu qui a pour mission de poursuivre et parachever l’oeuvre grandiose de Jésus Christ, Prince de la Paix. Les Pères du Concile Vatican II nous ont rappelé la voie à suivre : " Il ne sert à rien de vouloir bâtir la paix aussi longtemps que des sentiments d’hostilité, de mépris et de défiance, des haines raciales et des partis pris idéologiques séparent les hommes et les dressent les uns contre les autres. "
 Nous reconnaissons bien là les sources de la violence qui produit le terrorisme et la guerre. Aussi les Pères conciliaires poursuivent-ils : " Nous devons tous changer notre coeur, en considérant le monde entier, ainsi que les tâches que nous pouvons entreprendre tous ensemble pour l’amélioration de notre humanité. "
 " Gloire à Dieu et paix aux hommes !" C’est le programme lancé à Noël : programme pour l’Enfant de Bethléem, programme pour les hommes et les femmes qui, à travers les siècles et dans tous les pays, croiront en lui et s’engageront à prendre part à sa Mission de Sauveur. Comme lui et en lui, avec l’assistance de son Esprit Saint, ils ont à construire la paix pour les hommes et pour la plus grande gloire de Dieu. Ils le feront avant tout en extirpant les causes de discorde et de division entre les hommes, à commencer par les injustices, les inégalités, l’esprit de domination et les autres passions égoïstes.
 oeuvre de la justice, et non la simple absence de guerre ou l’équilibre des forces, " la paix n’est jamais acquise une fois pour toutes : elle est sans cesse à construire" par le respect des autres hommes et peuples, ainsi que de leur dignité, par l’amour qui se fait fraternité et solidarité.
 Nous avons dressé des crèches dans nos églises et nos maisons. Prenons le temps de les visiter, pour rendre hommage à l’Enfant de Bethléem, avec Marie sa mère, saint Joseph et les Bergers.
 Accueillons les enseignements de sa faiblesse et de son dénuement. Tout faible et fragile, il nous invite à rejeter la violence, pour cultiver le respect et la délicatesse envers tout être humain, même le plus petit. Tout démuni, et vénéré seulement par des gens tout aussi démunis, il nous invite à ne pas nous enfermer sur nous-mêmes, préoccupés de nos seuls droits et intérêts, dévorés par l’appât du gain, et par nos ambitions dominatrices, mais à cultiver l’attention aux besoins et aux attentes des autres, la solidarité et l’amour fraternel entre tous les hommes et tous les peuples.
 Nous qui célébrons Noël, de quelque pays, de quelque continent que nous soyons, ne restons pas indifférents à l’appel de l’Enfant de Bethléem. Accueillons son invitation à faire partie de l’humanité nouvelle inaugurée par sa naissance, pour nous engager dans la construction persévérante d’un monde de justice, d’amour et de paix, sur toute la face de la terre, et pour la plus grande gloire de Dieu.
 Amen !

Références bibliques :

Référence des chants :

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