Pâques n’aura donc pas suffi, frères et sœurs, à ces disciples transis de peur. Ils se tiennent là, à l’écart des foules de Jérusalem, rassemblés en mémoire de leur Maître. Ils déchiffrent sans doute et réentendent, au cœur de leur prière, la Parole de Jésus annoncée et accomplie jusque dans sa mort et sa résurrection. Les voilà saisis par l’imprévisible de l’Amour révélé. Et puis, ils ne l’ont pas oublié, il reste la Promesse que Jésus leur avait faite : « Mon Père vous donnera l’Esprit de vérité qui sera toujours avec vous ».

Si Pâques est la résurrection de Jésus, le Crucifié, la Pentecôte est la résurrection des disciples. Cet Esprit de Dieu, comme le vent, comme le feu… insaisissable, les libèrera de toute peur. Il les fera vivre du dynamisme de Dieu jusqu’au bout de leur audace et de leur confiance, avec leur faiblesse et leur pauvreté. Ils deviendront témoins de la Résurrection en consentant, jour après jour, à suivre désormais le Christ, se donnant eux-mêmes pour la vie de leurs frère. C’est ainsi que l’Esprit fait vivre le croyant tout au long de l’histoire. Il renouvelle toutes choses et répand son Souffle sur tout être vivant pour que la Bonne Nouvelle soit entendue et accueillie sur la surface de la terre. Le miracle de la Pentecôte, s’il en est un, est bien celui de la Parole, justement de cette Bonne Nouvelle qui se fait entendre dans la diversité des langues, par-delà les frontières. Il n’y a rien en l’homme qui ne soit étranger à l’Evangile.

L’Eglise, depuis la première Pentecôte jusqu’à maintenant, n’a pas d’autre énergie que celle de l’Esprit-Saint. Elle n’a pas d’autre force que ce Souffle pour être signe du Royaume de Dieu. Même aux heures chaotiques de son histoire, aux moments de ses infidélités et de ses lâchetés, l’Eglise n’a jamais été en rupture avec ce qui la fonde, à cause de cet Esprit qui la renouvelle dans l’Amour passionné du Christ.

Ainsi, aujourd’hui encore, l’Esprit-saint ne cesse d’engager l’Eglise à poursuivre ce que faisait Jésus, à servir tout homme en le libérant de ce qui l’aliène, le défigure et l’enchaîne parfois dans son passé. Cet Esprit l’entraîne aux lieux les plus déshumanisants, les plus innommables pour restaurer dans la dignité la vie de sœurs et de frères au nom de Jésus-Christ. Quand l’Eglise se reçoit de cet Esprit de communion, elle se risque, alors, à retrouver le chemin de l’Evangile qui conduit au cœur de tout homme. Pour vivre la mission reçue du Christ, elle n’a pas à revendiquer de place de choix, ni de privilèges ou de statut prioritaire, elle a comme vêtement de service l’unique humilité de l’Esprit.

L’Esprit de Pentecôte, frères et sœurs, provoque ce matin chacune de nos histoires. Il y a en nous de l’insolite, de l’inconnu, des parts de nous-mêmes empierrées sous des lambeaux d’angoisse ou de peur. Il y a des zones en nous que nous ne visitons plus pour éviter des réveils indomptables. Tant d’événements bousculent nos projets familiaux, professionnels ou communautaires. Même notre vie de croyant se voit étrangement secouée, ébranlée. Combien de sœurs et de frères autour de nous survivent fébrilement sans espérance et sans joie ? Combien sont-ils parmi nous celles et ceux que le doute immobilise, celles et ceux qui, envahis de tristesse, ont perdu confiance en l’avenir ?

L’Esprit donné à Pentecôte ne peut se résigner à ces figures de mort et de souffrance. Puisqu’Il est la force de Dieu en nous, librement donnée, nous voilà renouvelés, recréés en ressuscitant déjà avec le Christ, notre Frère. Accueillir avec confiance cet Esprit nous conduit à une certaine démaîtrise, une désappropriation de soi, car Il devient le levier de nos existences. Il est la liberté que nous portons en nous trop souvent comme un rêve. Il est la réconciliation à vivre, cadenassée encore sur nos vieilles rancunes. Il est ce goût de vivre retenu aussi par nos habitudes ou les qu’en dira-t-on. Il est cette parole à donner pour que mon vis-à-vis soit libéré. C’est cela, la vie de l’Esprit en chacune et chacun de nous. Il nous rend créateur de nos histoires, nous ouvrant à tous les possibles, nous faisant naître encore à ce que nous sommes réellement. C’en est fini de nos impasses et de nos images mortifères. Tout peut renaître. Tout peut revivre désormais.

Frères et sœurs, Pentecôte nous rappelle que nous sommes créés pour vivre du Christ. Il y a de l’Infini, il y a de la beauté, il y a l’Esprit-Saint en tout homme. Cette heureuse Nouvelle n’aura jamais fini de gagner l’humanité jusqu’au dernier jour. Elle donne visage à l’espérance, car elle donne à l’homme d’être homme à la ressemblance de Dieu.
L’avenir de l’humanité est aussi l’aventure de l’Esprit. Dans chaque Eucharistie, en faisant mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, nous attestons que le monde entier est présent, déjà transfiguré par l’Esprit créateur. Aussi, nous ne communions au Corps du Christ qu’en communiant à la vie des sœurs et des frères appelés à devenir Corps du Ressuscité.
Voilà le travail de l’Esprit de Pentecôte. En nous parlant de Lui, Jésus nous avait dit : « Il vous conduira vers la Vérité tout entière ». Cette Vérité est devenue lieu de communion entre tous les hommes. Elle se révèle dans l’Amour authentique de nos rencontres avec les autres et le Tout Autre. Qu’elle surgisse du plus profond de nous, ce matin, comme une force nouvelle de joie et de liberté ! Amen

Références bibliques : Ac 2, 1-11; Ps. 103; Rm 8, 8-17; Jn 14, 15-16.23b-26

Référence des chants :

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