Où est-il ? Un flagrant délit d’adultère n’implique-t-il pas normalement un homme et une femme ? Alors, pourquoi les deux ne sont-ils pas trainés dans le Temple ? Où est-il donc, dans le récit que nous venons d’entendre, celui qui selon la loi de Moïse est tout autant coupable que la femme ? S’il a été pris en flagrant délit, où se cache-t-il ? Avouons que, parmi les personnages de cette scène d’évangile, il y a un grand absent… Et s’il était finalement bien présent dans le récit ? Et s’il se cachait parmi la foule des accusateurs ?

 

Mettre en avant l’adultère de cette femme pour mettre en procès la fidélité de Dieu, n’est-ce pas le comble de l’infidélité ? Les pharisiens ne sont-ils pas tous infidèles, lorsqu’ils déforment et instrumentalisent les règles qu’ils sont tenus de suivre, auxquelles ils sont liés ? A utiliser la Loi pour servir leurs intérêts, à manier ces tables en pierre afin de condamner, leurs principes ne se transforment-ils pas en pierres pour leur propre lapidation ? Les pharisiens sont ainsi confrontés à leur incohérence…

 

Ne sommes-nous pas comme ces pharisiens ? Pointer du doigt, c’est souvent s’accuser soi-même en retour, de manière inconsciente. Et la sagesse nous rappelle d’ailleurs que lorsque nous pointons un index accusateur vers quelqu’un, nous ne voyons pas trois autres doigts dirigés vers nous… Ne sommes-nous pas infidèles chaque fois que nous sommes plus exigeants envers les autres qu’envers nous-mêmes, lorsque nous enfermons les autres dans des catégories ? Les défauts qui nous dérangent le plus chez les autres ne font ils pas écho à nos propres failles, à nos histoires ? Ils nous rappellent que nous sommes poussière et que nous avons tous nos contradictions.

 

Face à cette spirale de violence et de comparaison, Jésus nous montre la seule attitude crédible. Il commence par se taire. Il n’est pas dans l’argumentation, il ne cherche pas à prendre l’ascendant. Il n’utilise pas l’argument d’autorité, le plus faible qui soit. Il nous montre que la seule attitude qui fait autorité, la seule posture fiable est celle de l’abaissement, c’est-à-dire la bienveillance de celui qui se met à hauteur d’une personne qui souffre. Il s’agenouille pour ne pas être dans la confrontation, mais bien dans la compassion. Jésus ne pointe pas les accusés du doigt. Il ne rentre pas dans leur jeu. Mais, comme pour recréer l’humain, il écrit du doigt sur la poussière du sol. Face au temple, Jésus façonne, recrée l’humain… et le péché de la femme s’efface au moment où celui des accusateurs apparaît à leur conscience.

 

Jésus écrit sur le sol et, comme une prise de terre, évacue la décharge de violence. N’est-ce pas sa miséricorde qu’il vient écrire au cœur de l’humain ? Il s’y reprend d’ailleurs à deux reprises, comme pour faire écho à la Loi donnée en deux temps à Moïse. Vraiment, Jésus vient inscrire en nous cette parole inouïe de l’évangile, cette loi nouvelle de la miséricorde, tellement déroutante. Elle nous invite à passer au filtre de la douceur, nos exigences et nos intransigeances. Elle nous convie, pour être davantage en cohérence avec nous-mêmes, à écrire notre vie avec un cœur capable de s’émouvoir, et non avec un cœur de pierre et de principes.

 

Dans le temple de notre conscience, dans l’intime de notre cœur, Dieu dépose patiemment ses paroles d’éternité. Lorsque nous désespérons de l’humain, il nous offre sans cesse, au plus intime de nous, des raisons d’espérer, de nous relever.

 

Alors, dans la simplicité des signes que Dieu trace dans notre cœur, ce lieu où nous sommes seul avec lui, nos principes pourront perdre de leur rudesse pour s’exprimer dans la tendresse. Nous pourrons faire nôtre cette attitude de Jésus qui n’enferme personne dans une histoire. Il nous invite à voir dans chaque échec ou impasse, un lieu possible de renaissance… Isaïe nous le rappelle dans la première lecture. « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois, dit le Seigneur. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? » Les pharisiens sont arrivés en groupe, ils sont repartis un par un. La femme est arrivée dans un groupe, derrière l’étiquette de « ces femmes-là », elle repart seule, relevée, recrée.

 

Aujourd’hui, Dieu inscrit en nous une loi nouvelle, qui germe déjà : cette capacité à toujours ouvrir un avenir, lorsque tout semble fermé. Cette loi met toujours l’humain face à ce qu’il peut devenir, et ne l’enferme jamais dans ce qu’il a été. Dans notre chemin de résurrection, laissons Dieu écrire en nous une telle promesse. Laissons-le apaiser notre cœur, le rendre pur. Alors, nous pourrons répondre pleinement à l’invitation qu’il nous adresse au plus intime de nous : « Va. », « Ne trompe plus », « Ne te trompe plus de chemin ». Amen

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