Vous avez entendu ? Jésus nous pose une drôle de question aujourd’hui, à nous, les chrétiens du XXI° siècle en France : « que faites-vous d’extraordinaire ? » Ça, c’est très embêtant, c’est une très mauvaise question. Parce que, de fait, grosso modo, moines ou pas moines, nous ne faisons rien d’extraordinaire, ni hier ni aujourd’hui ; il y en a même en ce moment qui regardent la télé. Qu’est-ce que Jésus attend donc de nous, aujourd’hui ? Il n’y a pas de doute qu’il nous provoque, mais pourquoi ? Eh bien, pour nous provoquer. Comme disait une chanson : « comme un pétard qu’attend plus qu’une allumette »   De bout en bout, l’évangile est une bombe mais, faute d’allumette, à force de tourner autour, de remuer, de l’agiter, les homélies en font de la mousse à raser. Quelle est cette allumette que Jésus attend ? Cette allumette, c’est moi, c’est toi, c’est chacun de nous : à savoir une personne, mais une personne vraiment sensible, hypersensible et même inflammable. Si nous étions vraiment sensibles, l’évangile serait détonant. Or nous sommes anesthésiés. Il y a bien une petite goutte de phosphore en nous, mais elle a souvent été imperméabilisée par peur des mauvais traitements ou à force de mauvais traitements, comme si on avait plongé l’allumette dans de la mayonnaise industrielle ; alors on a beau gratter, gratter, ça ne marche plus, ça glisse…

Écoutons encore cette parole de Jésus : « Quelqu’un te donne une gifle ? Tu n’as qu’à lui tendre l’autre joue ! Quelqu’un te prend ton T-shirt ? Eh ben donne-lui ton pull ! Un service à rendre pour x ou pour y ? Fais-en deux pour lui, pour elle ! » C’est-à-dire pas seulement encaisser, céder, se laisser faire… mais en RAJOUTER. Céder, c’est de la faiblesse, mais en rajouter, c’est de la liberté. LA LIBERTÉ COMMENCE JUSTE APRÈS CE QUI RESSEMBLE LE PLUS À DE L’OBEISSANCE.
La liberté commence avec une douceur plus forte que la force. Dans toute l’histoire des hommes, aucun homme n’a manifesté une liberté aussi éclatante que Jésus de Nazareth. Il a obéi à la perfection à la plus dure des lois, la loi de la mort, et puis il en a rajouté : il a ressuscité. Plus librement qu’aucun autre, il a provoqué les défenseurs les plus tatillons de la Loi, les pharisiens, et aussi les détracteurs de la Loi, les impies qui somnolent en nous : rappelez-vous la semaine dernière, comme il parlait d’un simple regard de désir qui est déjà un « adultère », et aujourd’hui : « aimez vos ennemis, priez pour eux ! » Jésus dérange, il ne laisse personne tranquille. Ce qui nous dérange sans doute le plus, c’est que l’amour ne soit pas réciproque. Ni dans nos vies ordinaires, ni dans l’absolu. Non, Dieu ne sera jamais réciproque. Vous aurez beau lui faire toutes les misères du monde, vous allez être surpris : il est libre, Lui, vraiment libre. Il ne vous rendra pas coup pour coup. Il encaissera, et juste après, il vous surprendra. Alors, ce qu’il attend de nous, mais nous n’avons qu’une vie pour le faire, c’est aussi une surprise, un petit rien de liberté, celle liberté qui commence avec la douceur, et qui va plus loin, une surenchère qui traduit un véritable amour.

Non pas pour Lui, vis-à-vis de Lui. Et pas non plus pour ceux qui vous caressent dans le sens du poil, mais avec les autres, ceux qui vous hérissent, qui vous rabotent, qui vous grattent. Chacun a les siens. Cela s’appelle accepter les autres, accepter l’altération. Tout au long de notre vie, notre amour le plus libre réside dans notre capacité à nous laisser ALTÉRER par la vie, les rencontres, les adversités même. Si nous vivions un peu plus de cet amour-là, un amour qui consent à se laisser altérer, si on s’y mettait vraiment, ça ferait sans doute de multiples détonations simultanées, l’air de rien. Et l’air de rien, ce serait extraordinaire. Amen.

 

Références bibliques : Lv 19, 1-2. 17-18 ; Ps 122 ; 1 Co 3, 16-23 ; Mt 5, 38-48

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