Frères et soeurs,

Savez-vous que l’Église reconnaît depuis ses débuts trois différents baptêmes : le baptême de l’eau, le plus connu, le baptême du sang et le baptême de désir ? Le baptême du sang est celui du martyre : si quelqu’un meurt pour sa foi sans avoir été baptisé, l’Église reconnaît que sa mort l’assimile au baptême. Il en va de même pour celui qui a manifeste le désir d’être baptisé et qui, s’il vient à mourir avant d’avoir reçu le baptême, est, lui aussi, considéré comme mort baptisé.

En Occident, au fur et à mesure que toute la population est devenue chrétienne, le baptême du sang et celui du désir ont disparu, ce qui a fait du baptême de l’eau le seul baptême que nous connaissons. Et pourtant, je pense que le baptême n’a pas vraiment de sens s’il n’est pas, pour chacun, baptême d’eau, de sang et de désir. Or il faut bien avouer que le baptême est devenu un rite d’entrée dans l’Église, une « formalité » d’inscription que nos parents ont remplie à notre place. Mais le baptême n’est pas une formalité administrative ! Il n’est pas un rite sociologique, pas même religieux, mais un signe d’eau, de feu et de désir qui rend manifeste une manière nouvelle de vivre. C’est cette manière nouvelle de vivre qui compte, et non la cérémonie !

Et qu’est-ce qu’une vie nouvelle, une vie authentique, sinon une vie animée par le désir de vivre ? Certains vivent en dehors du désir de vivre, à la remorque de la nécessité ou comme si leur vie était une fatalité. Alors grande est la tentation de démissionner, de remettre à plus tard le désir de vivre, de s’enliser dans la morne répétition des choses à faire, de creuser l’ornière de la routine, de faire de sa vie une longue plainte… Comment sort-on de ce marasme, de cette lassitude de vivre ? On peut bien sûr chercher à se convaincre soi-même : que la vie est belle, qu’on est, sinon le meilleur, un battant, qu’on trouvera bien les forces nécessaires, que ça va aller… Bref, la méthode Coué ! Tant que ça marche, bien sûr ! Mais la méthode Coué est toujours vouée à l’échec. Pourquoi ? Parce que compter sur ses forces est déjà une force de moins, car ce n’est pas en faire usage. Un rien d’ailleurs les met hors d’usage : une difficulté plus grande que prévue, un échec plus cuisant que les précédents. Alors nos forces supposées tournent en impuissance. Cette impuissance que certains ressentent plus vivement, plus douloureusement et qui les plonge parfois dans une infinie détresse.

D’où le Christ tenait-il sa force, et la puissance de « faire le bien », comme l’écrit l’apôtre Pierre ? De lui-même ? Non. Il la tenait d’un Autre. Pour le dire ainsi, un jour, il s’est senti adopté. Il a entendu une parole qui le rejoignait dans la vérité de son désir de vivre. Ou, plutôt, il a entendu une parole qui devenait la vérité de son désir de vivre. Cette parole est : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie. » Cette voix qu’il ne connaissait pas et qu’il fut le seul à entendre, puisqu’elle lui était adressée singulièrement, lui révélait en un éclair qu’il était désiré, et qu’un Père trouvait en lui sa joie ! Comme un enfant qui se réjouit d’être aimé de ses parents uniquement pour ce qu’il est, Jésus reconnut ce jour-là que toute sa vie était le fruit d’un amour infiniment bienveillant, et la joie qu’il recevait de son Père devint en lui source de reconnaissance.

Vous penserez : c’est bien beau pour le Christ, n’est-il pas le Fils de Dieu, mais nous, pauvres humains ? Eh bien, la parole qu’il a entendue, elle est adressée à chacun de nous : c’est ce que l’apôtre Paul a redit avec force dans sa lettre aux Galates : « Fils, vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4, 6) Oui, fils et filles, nous le sommes bien ! En effet, nous avons été plongés, dès avant notre naissance, dans le bain de la tendresse inconditionnée de Dieu. Autrement dit, c’est dans le désir infiniment bon et joyeux de Dieu que nous sommes constamment plongés. Ce qui veut dire qu’aucune détresse, aussi infinie nous paraît-elle, ne pourra jamais être plus forte que l’infinie tendresse de Dieu.

Le jour de notre baptême, aucune voix nous est venue du ciel ; par contre, les paroles et les gestes du prêtre n’ont eu de sens qu’à dire à nos parents que la vie de leur enfant baigne dans une tendresse sans bornes, inépuisable. L’eau qui a été versée sur nos têtes est le signe de cette tendresse qui coule sur nous abondamment.

Et le baptême du sang ? N’est-il pas réservé aux martyres morts avant d’avoir reçu le baptême ? Non : le baptême du sang est le baptême du feu, le baptême de l’Esprit, sans lequel d’ailleurs, le baptême de l’eau resterait exsangue. Le coeur brûlant l’atteste ; et aussi un soulèvement intérieur, une jubilation qui nous transporte.

Quel est alors à la fois le fruit et le signe de ce triple baptême d’eau, de feu et de désir dans lequel nous sommes plongés ? La confiance, surtout. Une confiance comme celle dont parle le poète français d’origine belge, Henri Michaux : « Une confiance d’enfant, une confiance qui va au-devant, espérante, qui vous soulève, […], un débordement et une libération, […], une joie surabondante dont on ne sait si on la reçoit ou si on la donne […] ».

Références bibliques : Is 42, 1-4.6-7 ; Ps 28 (29), 1-2, 3ac-4, 3b.9c-10 ;  Ac 10, 34-38 ;  Mt 3, 13-17

 

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